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TF1 responsable, si ce n’est coupable

Publié le 17 décembre 2011 par Francoisjost

Publié le 16 décembre sur Newsring.fr

Il y a un an environ, je me suis opposé dans Le Monde (12/10/10) à Arnaud Montebourg qui traitait TF1 de « chaîne à tradition délinquante ». Non pour défendre TF1, mai simplement parce que, pour moi, les mots ont un sens et qu’il faut, pour faire une critique efficace des médias, préférer l’analyse à l’insulte. De la même façon, je ne crois pas qu’il suffise aujourd’hui de dire que TF1 a perdu depuis longtemps sa crédibilité. Il faut juger la faute commise.
Pour ce faire, il n’est pas de meilleure méthode que d’aller voir quelles sont les obligations de la chaîne. Or, sur ce point, la convention passée par TF1 avec le CSA, pour être autorisée à émettre, est éclairante. Elle précise en son article 22 : « Toute utilisation d'images d'archives est annoncée par une incrustation à l'écran, éventuellement répétée. Si nécessaire, mention est faite de l'origine des images. […] Les images produites pour une reconstitution ou une scénarisation de faits réels, ou supposés tels, doivent être présentées comme telles aux téléspectateurs. Sous réserve de la caricature ou du pastiche, lorsqu'il est procédé à un montage d'images ou de sons, celui-ci ne peut déformer le sens initial des propos ou images recueillis ni abuser le téléspectateur. »
Lorsque la chaîne plaide non coupable en arguant qu’il n’y a pas de mise en scène ou de reconstitution, comme on en voyait dans les reality shows que faisait la chaîne dans les années 90, on peut lui opposer qu’il s’agit bien plus d’un « montage d'images impropre ». Car l’obligation qui est enfreinte, en l’occurrence, est celle de sourcer les images. Les images américaines sont des images d’archives qui ne sont pas annoncées par une incrustation et dont le sens est « déformé » par le texte, au point qu’il s’agit purement et simplement d’un mensonge.
Dès lors, peu importe que TF1 ne soit pas « coupable » et qu’elle se soit fait abuser par la production, elle est, quoi qu’il en soit, responsable des contenus diffusés. Cette fois-ci, le Petit journal a pris un magazine en flagrant délit de mensonge. Mais le procédé qui consiste à ne pas « sourcer » les images est constant à la télévision. Et sans doute pas seulement sur TF1. Moi qui travaille sur les archives audiovisuelles, je suis habitué à citer très exactement les extraits de programmes que je diffuse dans des cours ou des conférences et je suis toujours surpris de la légèreté des chaînes à cet égard. Les séquences de programmes passés ne sont souvent pas légendées et il faut attendre le générique final pour connaître leur provenance, ce qui rend difficile leur identification. Certes, comme le dit, Nicolas Dève, « ces images sont là pour illustrer. Il ne paraît pas invraisemblable que de telles scènes se déroulent en France, avec la même violence ». Certes, mais le vraisemblable n’est pas le vrai. Ce à quoi servent les images dans une telle séquence, ce n’est pas à illustrer, mais à prouver. Selon la logique du témoin oculaire : « J’y étais ». Or, précisément, dans le cas présent, le journaliste qui a monté ces images n’y était pas. Pas plus que PPDA face à Castro, qu’il prétendait avoir interviewé. Les images d’information ne sont pas de simples illustrations. Si nous y tenons tant, c’est qu’elles gardent la trace du réel, elles en sont des indices, comme disent les sémiologues. C’est en cela qu’elles peuvent parfois prouver quelque chose. Mais utiliser des archives pour prouver un fait ne peut être qu’un mensonge.


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