Magazine Humanitaire

Les élections, facteur d'espérance et d'incertitude pour les humanitaires

Publié le 19 décembre 2011 par Cmasson

Ceris Bailes est Responsable Géographique d’ACF en République Démocratique du Congo. Elle apporte un éclairage sur son action, sa vision de la période électorale que  vit le pays et les interrogations et difficultés auxquelles les humanitaires sont confrontés.  

Les deuxièmes élections nationales depuis l’indépendance viennent de se dérouler en RDC.  Bien qu’elles se soient déroulées de manière plutôt pacifique, lorsqu’il y a des tensions au Congo, il est difficile d’anticiper. Or les élections ont été marquées par les accusations de falsification des listes électorales, de bourrage d’urnes et autres fraudes. Alors,  certaines  questions récurrentes ont secoué la communauté humanitaire : comment un potentiel second tour entre le Président Joseph Kabila et son rival rebelle Etienne Tshisekedi pourrait-il affecter le calme relatif qui prévalait ? Serons-nous forcés de suspendre nos programmes et pour combien de temps ? Qu’adviendra-t-il de nos bénéficiaires si nous ne pouvons plus agir ? Nous avons déjà été dans de telles situations.


En 2006, la République Démocratique du Congo avait organisé ses premières élections libres en 45 ans. Elles s’étaient achevées sans vrai vainqueur, provoquant une série d’affrontements violents  dans les rues de Kinshasa entre les supporters du Président Kabila et l’ancien Vice-Président Jean Pierre Bemba.
Bien que Kabila ait fini par triompher, l’instabilité politique a fait rage dans les Kivus à l’Est du pays, avec des clashs réguliers entre les troupes rebelles dirigées par Laurent Nkunda et l’armée nationale congolaise. De 2007 à 2009, de vastes déplacements de population ont eu lieu dans les Kivus, face à des forces rebelles connues pour leur brutalité et leur cruauté.


La campagne électorale de cette année a affecté le fonctionnement de la mission. Le mois passé, Action Contre le Faim a dû faire face à une soudaine pénurie des transports routiers et aériens – les candidats à la présidentielle ayant tout réservé – et a connu des interruptions momentanée de certains programmes en raison de rassemblements politiques spontanés.


Malgré ces imprévus, nos efforts ont continué au même rythme avec, à travers le pays, 8 000 bénéficiaires en octobre de programmes dans divers domaines :  eau, assainissement et hygiène, sécurité alimentaire et moyens d’existence, traitements nutritionnels et thérapeutiques.

Assurer la sécurité des humanitaires


Suite aux élections, il y a un risque élevé de violence. C’est dans ce contexte que la communauté internationale travaille au Congo, s’efforçant d’avoir accès  aux populations vulnérables dans un pays étendu, en proie aux agitations politiques. Même les humanitaires, bien que protégés par les conventions de Genève, sont devenus cibles de violences.

Malgré une force de maintien de la paix de l’ONU de 20 000 soldats,  les attaques ont augmenté au Congo juste avant les élections -  en Octobre seulement, 5 humanitaires ont été tués dans le Sud Kivu entre autres attaques (vols, prise d’otage ou encore  l’utilisation de véhicules humanitaires pour le transport de matériel militaire). Depuis août de cette année, les milices ont mené 25 attaques dans les régions du Nord Kivu et 15 dans le Sud Kivu. Depuis janvier 2011, les deux provinces ont connu près de 140 événements de ce type.

Action contre la Faim, présente au Congo depuis 1996,  a apprécié  la capacité de nos collègues congolais et des populations que nous soutenons à prendre part au processus démocratique. L’énergie et l’optimisme que nous avons vu ces dernières semaines était encourageant. Nous ne voulons pas partir. Contrairement à ce qu’on dit certains médias, notre équipe est retournée à Kinshasa un jour plus tôt que prévu après les élections, mais avec la violence attendue, nous les avons envoyés de nouveau à Brazzaville.

Le bon équilibre entre prudence et continuité


Personne ne veut voir l’espoir que nous avons vu s’effriter. La dernière chose dont le Congo a besoin c’est d’un nouvel épisode de violence. 20% des enfants congolais meurent avant d’avoir atteint leur cinquième anniversaire – sans mentionner les millions de civils qui ont souffert ou péri ces dernières années en raison des conflits.


Action contre la Faim tente de trouver le bon équilibre entre prudence et continuité. Si l’insécurité entrave encore davantage les acteurs humanitaires dans leur activité et empêche l’accès aux personnes qui ont le plus besoin de notre aide, c’est la population congolaise qui en souffrira. J’espère sincèrement que dans un pays qui fait face à tant de difficultés, la transparence et les valeurs démocratiques assureront une issue électorale pacifique en ce moment important. Nous attendons et l’espérons.


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