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Havel, Kim et le rôle de l'individu

Publié le 19 décembre 2011 par Egea

Le décès simultané de deux "personnalités politiques", le Tchèque Vaclav Havel et le nord-Coréen Kim Jong-Il, amènent à interroger le rôle géopolitique de l'individu : En ce sens, la superposition médiatique des deux événements suggère une analogie qui est trompeuse.

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1/ Ils étaient ou ont été tous deux des chefs d’État, et pendant de longues années. La différence entre eux ne tient pas à ce que l'un dirigeait un régime démocratique, et l'autre une dictature. Du moins, pas exactement.

2/ Vaclav Havel est un individu, devenu par hasard et par les circonstances un homme politique, et un homme d'Etat. Sa démarche individuelle réussit à agréger autour de lui une forme politique, qui finalement est portée au pouvoir. Lui qui a longtemps disserté, en intellectuel, sur la dépossession du pouvoir, le reçoit sans l'avoir voulu. Lui a fait l'histoire.

3/ D'une certaine façon, Kim Jong-Il aussi a reçu le pouvoir sans l'avoir voulu. Mais lui, ce ne fut pas par hasard, ce fut par héritage. Mais même cette formule est maladroite car elle suppose une vision patrimoniale du pouvoir, qui fait référence à notre histoire monarchique. En cela, il est inapproprié de parler de "dynastie" à propos du cas nord-coréen. En effet, on a le sentiment que l'individu qui symbolise le pouvoir n'est rien, qu'il n'est que la balle de ping-pong qui danse au sommet du jet d'eau (c'est un peu la même chose s'agissant de Bachar Assad). La réalité du pouvoir est ailleurs, initialement dans un parti révolutionnaire, depuis dans une oligarchie militaire qui met en scène cette transmission du pouvoir. Kim a subi l'histoire.

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4/ La notion de mise en scène est une autre coïncidence : a-t-on remarqué que Havel était un homme de théâtre, quand Kim était un cinéaste ? Je ne fais pas allusion au culte de la personnalité, mais à l'adaptation de celui-ci aux spécificités coréennes, collectives et baignées d'une religiosité immanente.

5/ Ainsi, Havel dirigeait sans le vouloir, quand Kim ne dirigeait pas. J'étais frappé ce soir par les commentaires à propos du fils de Kim, Jong-un : les uns et les autres affirmaient qu'il lui faudrait du temps pour installer son pouvoir, suggérant là une vision monarchique de celui-ci, vision qui me semble décalée et obsolète. En revanche, en tant que symbole, il prendra du poids et gagnera en influence dans le système collectif de régulation politique. Mais on est là bien loin de l'individualisme tchèque, qui est furieusement occidental.

6/ Ce sont donc deux symboles qui sont, effectivement, disparus. L'un représentait le triomphe de la libération de l'individu, l'autre la suprématie de la régulation collective.

Par leurs différences, ils partagent bien plus de point communs que la simple date de leur décès. Et illustrent la part, relative et contingente, de l'individu : ici un facteur essentiel de la géopolitique, là un artifice qu'on aurait pu remplacer par un autre. Ici sujet, là objet. Mais jamais totalement neutre. L'individu est un "facteur" de la géopolitique.

O. Kempf


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