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Foot, guerre et politique au Moyen-Orient

Publié le 10 février 2008 par Gonzo
Scènes de joie à Bagdad
après la victoire de l'équipe nationale

On peut s’en rendre compte en observant comment la télévision nous montre ou non, en France, la tribune présidentielle et ses occupants : la politique n’est pas toujours hors-jeu dans les matchs de foot internationaux. Région de passions politiques, et passionnée par la politique, le monde arabe connaît aussi le même mélange des genres.
Sur le plan sportif, la victoire de l’équipe d’Irak lors de la dernière coupe d’Asie en juillet dernier reste le grand événement de ces derniers mois. Venant après le succès de la candidate irakienne, lors de la dernière Star Academy arabe, la plus célèbre sans doute des émissions télévisées dans la région, cette bonne nouvelle a donné aux Irakiens, qui n’en ont pas beaucoup, une occasion, de se réjouir. Et pour le foot (cela n’avait pas été le cas pour la finale de la Star Ac’), les fans ont pu suivre le match à la télévision car il n’y a pas eu de panne de courant !
Des larmes de joie, et même des coups de feu – en l’air pour une fois ! – ont salué la victoire des "Lions de Mésopotamie". Dans un pays déchiré, tout le monde a apprécié la belle entente entre les membres chiites et kurdes de l'équipe, dont les passes ont mené au fait marquant du match : le but décisif du capitaine sunnite !
Début août, l’équipe nationale a fait un retour triomphal à Bagdad, avec réception et discours par les plus hautes "autorités" politiques… dans la zone verte sous contrôle américain. Mahmoud Younis, l’auteur du but vainqueur, en a toutefois déçu plus d’un en déclarant qu’il ne rentrerait pas dans son pays. Il a demandé à ses concitoyens de l’en excuser, expliquant qu’il rentrait rejoindre son club au Qatar, faute de sécurité en Irak mais aussi parce qu’il ne croyait pas aux bienfaits de l’occupation américaine.
Bagarre générale sur un stade turc
après un incident entre deux joueurs israélien et égyptien

Mais la guerre est d’abord sur les terrains. A en croire le quotidien israélien Haaretz, le championnat turc a ainsi donné lieu juste après la victoire irakienne à un nouvel épisode du conflit israélo-arabe. Une faute a été commise durant la partie contre un joueur du Sivasspor, un certain Pini Balili. Rien de bien grave en principe, sauf que l’agresseur de Balili, qui est un ancien international israélien, est lui aussi un étranger jouant dans le championnat turc, le défenseur égyptien Ayman Abdelaziz.
Apparemment, Balili fait l’objet d’un traitement spécial de la part des défenses locales car il avait déjà eu maille à partir avec un autre joueur égyptien, Abdel-Zaker al-Saka. C’était en septembre 2006 et Balili n’avait pu s’empêcher de confier aux gazettes sportives que Saka avait voulu se venger des bombardements israéliens sur le Liban. Opposé comme nombre de ses compatriotes à la moindre "normalisation" avec l’Etat hébreu, Saka avait eu lui-même l’occasion de déclarer quelque temps auparavant qu’il ne serait pas sur la feuille de match si son équipe rencontrait un club israélien, et qu’il avait même refusé une proposition financièrement très intéressante en Allemagne pour ne pas avoir un Israélien comme partenaire.
En Turquie, de tels incidents restent exceptionnels. En Israël, apparemment, c’est monnaie courante, en tout cas lorsque le célèbre "Bitar de Jérusalem", connu pour ses supporters racistes qui s’opposent depuis toujours à tout recrutement d’un joueur arabe et/ou musulman, rencontre la modeste "Entente des enfants de Sakhneen" (اتحاد ابناء سخنين), une petite ville de Galilée, la seule formation arabe du championnat israélien, qui bénéficie à ce titre du soutien enthousiaste de ceux qu’on appelle souvent dans la presse arabe les "Palestiniens de 48" (et dans la presse internationale, plutôt les "Arabes israéliens" : notez la différence !).
Pour ce match sur le stade construit grâce à des fonds du Qatar, les supporters du Bitar ont fait leur entrée en insultant le président Arafat (remarquez qu’ils n’ont pas choisi Mahmoud Abbas !). Ils ont continué en injuriant l’islam et son prophète, tout en brandissant le drapeau israélien. Très mobilisés, les supporters de "l'Entente des Enfants de Sakhneen" ont répliqué avec le drapeau palestinien et celui du Hamas (un signe, là encore), en criant « Allahu akbar » et même en insultant le prophète Moïse pour faire bonne mesure !
Il faut dire que le Bitar n’est pas un club tout à fait comme les autres. C’est le club favori de la droite nationaliste israélienne, et il compte à ce titre, parmi ses supporters, quelques figures politiques célèbres, comme l’ancien Premier Ministre likoudnik Benjamin Nathaniahu. Des supporters qui, lors d'une rencontre récente en présence de l’actuel Premier ministre Ehud Olmert, se sont mis à siffler lors de la minute de silence demandée à la mémoire d’Yitzhak Rabin. Il faut dire qu’on était au stade du Maccabi Haïfa, l’autre bête noire des supporters du Bitar.
La ballon rond est donc très loin d’abolir les conflits, ou même seulement les frontières. Le quotidien Al-Quds a ainsi repris le 20 octobre dernier une étonnante histoire publiée dans les pages sportives du Yediot Aharonot. Il se trouve qu'un attaquant étranger, brésilien d'origine italienne, jouant dans une équipe israélienne déplore de ne pas être davantage en contact avec son frère jumeau qui n’habite pourtant pas bien loin, guère plus d’une centaine de kilomètres en réalité. C'est à peine s'ils peuvent communiquer entre eux par Internet. En effet, le frère en question est également footballeur professionnel, lui aussi recruté par un club étranger. Mais il joue défenseur, dans une équipe syrienne !Culture & Politique arabes

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