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Génocide arménien: police de la pensée avant les élections?

Publié le 22 décembre 2011 par Copeau @Contrepoints

La tragédie survenue en 1915 dans le lointain Empire ottoman lors d’une guerre civile sanglante ne devrait pas avoir sa place dans la politique électorale française au XXI° siècle.

Par Sophie Quintin-Adali

Génocide arménien: police de la pensée avant les élections?

Manifestation anti-française devant l'ambassade de France à Ankara, le 21 décembre.

Les politiciens français prennent la mauvaise habitude de vexer les autres nations. Après le Royaume-Uni, c’est au tour de la Turquie avec la toute dernière tentative d’adoption d’une loi visant à pénaliser la négation du « génocide » arménien. La proposition menace d’assombrir les relations franco-turques déjà assez tendues. Comment un État dont la devise est « Liberté » peut-il discuter un projet de loi punissant le « délit d’opinion »? La petite communauté arménienne française a-t-elle tant de pouvoir ?

Vérités d’État

Le lobby arménien est avant tout aidé par une minorité de députés qui, comme le reste de l’élite française, est imprégné d’une culture étatiste. Leur réponse aux problèmes est généralement de proposer l’intervention de l’État, même si cela signifie intervenir dans l’esprit des gens. [1] En période électorale, la chasse au « vote arménien » est ouverte, auprès d’une communauté forte de 500.000 âmes.

Les partis politiques jouent au « ping-pong législatif », prenant chacun à son tour le service pour brandir la menace de légiférer sur cette question sensible. Le projet de loi qui sera discuté le 22 Décembre à l’Assemblée nationale a été mis en avant par l’UMP. [2] En mai dernier, le même projet parrainé par le Parti socialiste avait été recalé au Sénat par la majorité présidentielle…

Cette fois-ci « les totalitaires parmi nous », pour paraphraser F. Hayek, pourraient bien l’emporter. [3] En effet, si le projet est adopté à l’Assemblée nationale, le Sénat, majoritairement socialiste, va très certainement suivre le mouvement.

Nombre des grands inspirateurs de la liberté étaient des Français : Tocqueville, La Fayette, Bastiat, Turgot pour n’en nommer que quelques-uns. Une des phrases les plus universellement citées sur la liberté de pensée est attribuée à Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je défendrai jusqu’à la mort votre droit de le dire ».

En 2011, nos hommes politiques proposent essentiellement de transformer le ministère de la Justice en un « ministère de la Vérité ». L’idée que la justice et la police françaises pourraient être appelées à faire appliquer une vérité d’État n’est pas sans évoquer l’Union Soviétique…

Vérités ignorées

On peut toujours blâmer une poignée d’hommes politiques « aveugles ». Mais le vrai problème est systémique. N’y a-t-il pas un « déni de démocratie » quand les conclusions des commissions parlementaires sur les questions fondamentales peuvent être simplement ignorées ? Ou, plus inquiétant, peuvent « disparaître »?

Prenez le rapport d’information de 2008 sur la question des « lois mémorielles », dont la loi de 2001 sur le génocide arménien. [4] Ce rapport avertissait des risques d’inconstitutionnalité, des menaces pour les libertés fondamentales, de la censure déguisée par la menace d’action judiciaire et de la création d’un précédent en matière de délit d’opinion. Pourtant, le projet de « loi de pénalisation » qui a suivi, s’il est adopté , va effectivement transformer les risques énumérés en réalité avec une amende de 45.000 € et une peine de prison pouvant aller jusqu’ à 12 mois.

Plus récemment, les élus ont écrit l’histoire sans gloire en rejetant la publication d’un rapport soulignant l’utilisation scandaleuse de fonds publics par les syndicats. [5] Comme le rapporteur de la Commission, découragé, l’a admis, son contenu ne sera jamais connu des premiers concernés, les citoyens-contribuables. Comme dans le roman de George Orwell, 1984, les 700 pages du rapport, ont été tout simplement « vaporisées » (passées au broyeur ). [6]

Et la « majorité silencieuse » dans tout ça ?

Dans une France en pleine récession, l’histoire turco-arménienne est sans doute la dernière chose qui intéresse le peuple. La majorité pense certainement qu’il n’est pas sage que l’histoire des autres nations soit écrite à Paris. Elle médite en silence. La tragédie survenue en 1915 dans le lointain Empire ottoman lors d’une guerre civile sanglante ne devrait pas avoir sa place dans la politique électorale française au XXI° siècle.

Pourtant lobbyistes et politiciens à l’affût de votes en ont décidé autrement.

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Sur le web

Notes :

[1] http://www.unmondelibre.org/Quintin-Adali_Sarkozy_Turquie_Armenie_121011
[2] http://www.lefigaro.fr/international/2011/12/16/01003-20111216ARTFIG0025…
[3] Hayek, F. (1944). “The road to serfdom”. p. 186. (La route de la servitude)
[4] http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i1262.pdf
[5] http://www.contribuables.org/actualite/l-actualite/les-deputes-ump-refus…
[6] http://www.youtube.com/watch?v=fGhr11ILtDQ 

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