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"Foreclosure gate: les gangs de Wall Street contre l'Etat US" de Vincent Bénard

Publié le 22 décembre 2011 par Francisrichard @francisrichard

Il n'est jamais trop tard pour bien faire. J'ai laissé passer plus de six mois avant de lire Foreclosure gate : les gangs de Wall Streeet contre l'Etat US, de Vincent Bénard, édité par Edouard Valys Publications ici. Mais ce livre reste d'une brûlante actualité. Il lève un pan du voile sur la part sombre du déclenchement de la crise économique actuelle.

L'auteur rappelle toutes les causes économiques qui ont conduit à cette crise et qui,de près ou de loin, peuvent se résumer en un mot : interventionnisme. Celui de l'Etat qui se mêle de tout, sauf de ce qui le regarde.

En effet qu'il s'agisse des déficiences dans leur gestion du risque de Fannie Mae et Freddie Mac, des législations qui ont favorisé les prêts à des emprunteurs insolvables, de celles qui ont favorisé l'expansion bancaire par le sur-endettement ou les investissements douteux, des fausses notes des agences de notation payées par ceux qu'elles doivent noter et qui jouissent de protections étatiques, des règlementations immobilières qui ont créé des bulles, de la politique d'intérêts bas de la FED, on retrouve toujours la main (in)visible de l'Etat.

Vincent Bénard nous apprend comment le crédit immobilier fonctionne aux Etats-Unis et ce n'est pas triste. Cela n'a rien à voir avec le crédit immobilier tel qu'il fonctionne en Europe :

"La plupart des crédits sont montés par des courtiers qui vont placer l'emprunteur auprès d'une banque qui va octroyer le prêt, la banque "originatrice". Les courtiers sont payés à la commission, et tant pis si le crédit finalement ouvert se révèle mal calculé: la commission est touchée."

Les prêts accordés sont placés dans des fonds obligataires, les MBS, Mortgage Backed Securities. Les obligations en question, les CDO, Collateralized Debt Obligations, en quelque sorte des produits dérivés de créances immobilières, sont émises par ces MBS pour financer l'achat des prêts contractés par les banques originatrices. En somme le risque est transféré aux investisseurs qui souscrivent ces titres. Dans cette opération de transfert la perception du risque porté par chaque prêt est évidemment bien altérée.

Les dites obligations émises par un MBS vont être divisées en tranches à taux distincts, trois tranches voire plus, de la plus pourrie, la tranche "Z", ou "Junior", au taux le plus élevé, à la meilleure, la tranche "Senior", en passant par la tranche intermédiaire "Mezzanine". Ces modèles à tranches ne servent qu'à une chose, à diminuer la perception du risque par les investisseurs, sans modifier pour autant le risque lui-même.

Comme il faut accorder des prêts pour des raisons sociales et non pas économiques, ce système de crédit n'est pas viable, d'autant qu'il nourrit un certain nombre de parasites : le courtier, l'expert immobilier, la banque originatrice, le MBS créé par une banque et placé une autre, les investisseurs. Il n'est pas étonnant qu'il soit coûteux au final pour l'emprunteur.

Pour rendre, entre autres, ce système viable les Fannie Mae, Freddie Mac, et grandes banques, vont créé en 1997 un groupement, le Mortgage Electronic Registration System, MERS, pour enregistrer les transactions sur les propriétés hypothéquées. Il s'agit non seulement de se passer de l'enregistrement notarié, mais aussi d'échapper aux taxes foncières... Joindre l'utile à l'agréable en quelque sorte. 

Malheureusement ce système d'enregistrement a l'inconvénient de ne pas être fiable et ne permet pas à un juge, en cas de défaut de paiement de l'emprunteur, de s'assurer que la banque mandataire détient bien la créance et l'hypothèque... En outre les méthodes utilisées, par de grandes banques, pour fabriquer un dossier contre les emprunteurs, s'avèrent délictueuses, sinon criminelles...

Aujourd'hui les affaires s'accumulent. Les banques sont attaquées aussi bien par les emprunteurs que par les investisseurs floués. Car, pour s'en sortir, financièrement parlant, les grandes banques ont acheté des experts pour surévaluer des biens, pratiqué le rachat de prêts litigieux, obtenu la complaisance à tout le moins des agences de notation etc. Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes :

"Pourquoi se poser trop de questions? L'argent trop facile rend insouciant !"

Là où l'affaire se corse, c'est quand ce système frauduleux tourne carrément à l'escroquerie. On sait que les emprunteurs vont faire défaut. Alors on s'assure contre ce défaut en souscrivant auprès de compagnies des contrats d'assurance qui vous en protègent - ce sont les Credit Default Swaps, CDS - ou en faisant des ventes, ou des mises en gage, simultanées du même prêt... D'où l'impossibilité, dans ces derniers cas, de transmettre les contrats de prêts originaux au MBS... et pour cause.

A l'issue des procédures judiciaires engagées, les pertes prévisibles des grandes banques donnent le vertige. Leur sauvetage se fera-t-il en sacrifiant l'économie du pays pendant une nouvelle décennie, en faisant appel une fois de plus aux contribuables? Ou en pré-structurant leur faillite, autrement dit en éliminant leurs actionnaires et en faisant des détenteurs d'obligations les nouveaux actionnaires, comme le propose Joseph Stiglitz ?

Quoiqu'il en soit la leçon que tire Vincent Bénard est la suivante :

"Cette crise n'est pas celle de la "dé-régulation", elle est celle de la "corégulation" de l'économie entre gouvernements et financiers, au nom des "objectifs sociaux" du gouvernement.[...] Cette crise démontre par l'exemple que demander au secteur privé lucratif de concilier profitabilité et action sociale est criminogène."

Il ne sert à rien de pondre des tonnes de nouvelles législations destinées à prévoir tous les cas de figures. Elles seront toujours lacunaires. C'est pourquoi l'auteur se fait, avec cet ouvrage, le défenseur d'une législation minimale, d'un Etat régalien :

"Respect de principes simples, quasi bibliques , d'honnêteté, obligation de transparence dans la conduite des affaires, et intervention publique uniquement de type judiciaire, en cas de conflit, de faillite, ou de malversation."

Francis Richard


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