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OGM: Nathalie Kosciusko-Morizet pratique-t-elle la censure?

Publié le 23 décembre 2011 par Copeau @Contrepoints

NKM censure un scientifique sur son blog alors qu’elle prétend s’appuyer sur des avis scientifiques pour justifier un moratoire sur les maïs OGM.

Par Anton Suwalki

OGM: Nathalie Kosciusko-Morizet pratique-t-elle la censure?

J’ai voulu bâtir ici une sorte de halte, un endroit bien à moi, pour partager avec vous les réflexions que m’inspirent l’actualité aussi bien que mes différentes missions – Maire de Longjumeau, Ministre de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement. La porte est grande ouverte. Entrez donc.

Telle est la présentation avenante du blog ouvert par Nathalie Kosciusko-Morizet.

Or, si la porte est grande ouverte, elle ne l’est visiblement pas pour tout le monde. Le 6 décembre, Philippe Joudrier, ex-président du comité d’experts sur les biotechnologies à l’AFSA, m’informe qu’il a déposé un commentaire sur le blog de NKM qui confirme, sans surprise, qu’elle et le gouvernement compte passer outre l’annulation par le conseil d’état de la clause de sauvegarde sur le maïs OGM MON 810 résistant à la pyrale. Or si l’ordinateur de P. Joudrier  a conservé la trace de son envoi, j’informe celui-ci que le commentaire n’apparaît pas pour les autres internautes. Peut-être est-il tout simplement en attente de modération? Plusieurs jours après, le commentaire n’apparaît toujours pas, et P. Joudrier renouvelle l’opération, tente d’alerter NKM par la fonction contact du blog, puis dans une dernière tentative, scinde son message, relativement long, en cinq parties et le renvoie. Toujours rien !

L’hypothèse d’un blocage temporaire des messages avant contrôle, qui serait légitime (on imagine qu’un ministre ne peut pas se payer le luxe que n’importe qui écrive n’importe quoi sur son blog) est à écarter. Pour en avoir le cœur net, j’ai moi-même posté dans l’après-midi le 8 décembre, sous le pseudonyme de Michel Fabre, un message d’une stupidité exemplaire, concentrant en quelques lignes les principaux poncifs anti-OGM: « Madame Kosciusko-Morizet, j’apprécie beaucoup votre action, en particulier sur les OGM. Votre décision de maintenir le moratoire est d’une grande sagesse, et nous protège des appétits des semenciers. Nos paysans et les consomm’acteurs ne veulent pas être dépendants de Monsanto, et ne veulent pas que les OGM se dispersent dans la nature sans aucun contrôle. Comme le dit le grand chercheur en OGM Christian Vélot, la terre n’est pas une paillasse de laboratoire ! (*) ». Quelques heures après, mon message était validé et visible par tous les internautes.

Selon toute vraisemblance, NKM a donc censuré P. Joudrier, spécialiste des OGM, tandis qu’elle trouvait à son goût les inepties de « Michel Fabre ». Censurer un scientifique est évidemment un gage de sérieux quand on prétend frauduleusement s’appuyer sur des avis scientifiques pour justifier un moratoire, qui ne reposait en réalité que sur un calcul politicien.

Contrepoints se fait donc un devoir de publier le commentaire de Philippe Joudrier, sobre, factuel et respectueux, ce qui rend la censure d’autant plus intolérable.

(*) J’espère que nos lecteurs apprécieront « le grand chercheur en OGM ».

OGM: Nathalie Kosciusko-Morizet pratique-t-elle la censure?

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Le commentaire de Philippe Joudrier :

Madame le Ministre,

Ayant connaissance des nouvelles publications sur lesquelles vous vous basez pour tenter de justifier un nouveau moratoire sur les variétés de maïs possédant l’événement MON810, je peux vous assurer qu’aucune d’entre elles ne semble pertinente. De plus, s’il y avait « risque » ce serait alors pour le maïs GM lui même (qui aurait perdu l’une de ses propriétés) mais certes pas pour l’environnement. Si la résistance était contournée, ce maïs ne serait plus cultivé (le dommage serait économique d’abord pour le semencier, puis pour l’agriculteur mais en aucun cas pour l’environnement).

Par ailleurs, on touche là aux fondements mêmes de l’amélioration des plantes. En cas de problème le sélectionneur doit, comme toujours, trouver, sélectionner, créer, une nouvelle variété résistante… Et c’est ce qu’a toujours fait l’agriculteur depuis l’origine de l’agriculture en mettant en œuvre des techniques de plus en plus performantes au fur et à mesure du progrès des connaissances.

Il faudra que vous puissiez appuyer votre argumentation scientifique sur d’autres travaux qui n’existent pas encore mais, en tous cas, pas sur des études qui concernent le cotonnier ou une autre toxine que la Cry1Ab (présente dans les variétés de maïs ayant l’événement MON810) ou ayant provoqué une résistance chez des insectes n’existant pas en Europe. En science, on ne peut raisonner par amalgame et dans ce cas précis, il est obligatoire de raisonner au cas par cas.

De plus, il faudrait simultanément que vous puissiez justifier d’un danger imminent. Pour une variété qui a été cultivée (et consommée) pendant plus de dix années de par le monde sans que l’on soit capable de mettre en évidence le moindre problème (tant environnemental que sanitaire), cela semble donc un exercice des plus périlleux !

La France doit-elle, une fois de plus, être la risée de l’Europe et de la communauté scientifique internationale au vu des justifications qu’elle présente? Faisant de tels rapports, notre pays étale son manque de connaissances et simultanément sa perte de compétence et d’expertise du sujet. Réalisez-vous que depuis 1984, date de création des premiers OGM, la recherche publique n’a pas été « capable » d’en « sortir » un seul? On se demande même si elle en aurait eu les moyens.

Tout votre argumentaire découle d’un concept qui est faux : « les OGM sont dangereux a priori ». Le vocabulaire, les formules militantes mêmes que vous utilisez pour en parler suffisent à le prouver (comme par exemples contamination, plantes insecticides…).

Pourquoi voulez-vous qu’un OGM soit dangereux a priori ?

Un OGM n’a rien subi que n’aurait subi un autre génotype obtenu par une autre technique d’amélioration.

Certes, il a subi une modification génétique voulue par l’homme mais un simple croisement et a fortiori d’autres techniques telles celles utilisant la culture in vitro ou la mutagenèse aléatoire provoquent des événements et modifications génétiques sinon identiques (et notamment l’addition de gène(s), événement que crée la transgénèse) mais le plus souvent plus nombreux que celui qui se passe lors de la transgénèse.

Or, il n’y a aucune relation entre l’importance d’une modification génétique (de la plus simple à la plus complexe) et un risque quelconque (ainsi plusieurs maladies génétiques humaines résultent de la modification d’une seule base du gène codant la protéine impliquée dans la maladie. Exemples : la drépanocytose ou l’hématochrose héréditaire, maladies génétiques particulièrement fréquentes).

Les OGM n’obéissent pas à des lois de la biologie qui leurs seraient spécifiques !

Les risques que vous évoquez sont donc identiques pour n’importe quelle nouvelle variété mise sur le marché, indépendamment de la méthode ayant permis de l’obtenir.

À ceci près, qu’au final, ils sont certainement moindres pour les PGM en raison des nombreux contrôles qu’elles subissent tant sur les aspects environnementaux que sanitaires.

Tous les accidents connus (pommes de terre, céleri, courgettes, maïs, châtaignier…) ont été observés sur des variétés issues de sélection conventionnelle. Aucune allergie alimentaire avérée n’est due à la consommation de PGM !

Ainsi, concernant l’irréversibilité, que vous semblez tellement craindre, si on arrête de cultiver une variété, elle disparaît. En effet, il n’existe pas de plante cultivée qui soit envahissante !

Par ailleurs, et ce concept est général, on ne peut prouver l’innocuité de quoi que ce soit d’inoffensif. On peut donc multiplier les expérimentations et les répéter pendant des siècles, on ne trouvera jamais rien!

De plus, une évaluation sérieuse devrait être menée sur la base du rapport bénéfices/risques or vous n’évoquez jamais les bénéfices (réels et démontrés) apportés par ces PGM.

Ainsi, savez-vous qu’il est démontré depuis près de douze années maintenant que les maïs Bt ont des teneurs en mycotoxines très faibles en raison d’une moindre contamination par des champignons? La plupart de ces mycotoxines sont connues pour être cancérigènes ou au minimum suspectées cancérigènes (classées IIb). Il ne fait donc aucun doute que la consommation de maïs Bt présente moins de risques pour les animaux mais aussi pour les humains. Ce fait, à lui tout seul, devrait constituer une obligation de cultiver du maïs Bt si vous avez le souci de la santé des consommateurs.

Mais je constate, avec effarement, que depuis dix ans, nos gouvernants successifs font tout pour empêcher sa consommation. Je déteste les amalgames mais, pour le coup et dans ce cas précis, cela s’apparente terriblement à la situation de l’amiante!

Il ne fait aucun doute non plus que les agriculteurs utilisant moins d’insecticides chimiques sont donc moins exposés. C’est également un bénéfice pour l’environnement et sans doute, au final, pour le consommateur.

En tant que ministre en charge de l’Écologie, vous ne pouvez ignorer que les PGM, en général, ont un meilleur EIQ (Environmental Impact Quotient) que les plantes « conventionnelles » et que ce sont elles qui contribuent le mieux au développement durable.

Au final, je regrette profondément que vous ne fassiez pas confiance aux commissions d’experts scientifiques mises en place par l’État et que vos décisions politiques ne tiennent pas compte de leurs avis.

Je ne peux que vous conseiller de lire mon ouvrage OGM : pas de quoi avoir peur! (Ed. Le Publieur) ainsi que d’autres également peu médiatisés et je suis même prêt à vous rencontrer pour en parler.

« Aujourd’hui, la peur est revenue… » vient de dire notre Président, oui, certes, mais même parmi certains de ses ministres! On ne peut constater que « votre » (pas seulement le votre, celui de gouvernements successifs) refus d’investir pour l’avenir a malheureusement conduit à l’effondrement de la filière semencière qui était un fleuron pour la France il n’y a pas si longtemps encore et a fait régresser de manière considérable toute la recherche française dans le domaine des biotechnologies végétales.

Demain, au lieu d’avoir nos propres variétés, nous cultiverons (peut-être) celles qui auront été créées par des Chinois, des Indiens ou des Américains et/ou nous les consommerons !

JOUDRIER
(message posté le 6 décembre 2011, 11:44)

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