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Voilà ce que l'on peut faire

Publié le 03 mars 2008 par Jpryf

J'ai déjà dit ici tout le mal que je pensais de l'idée de Sarkozy de confier la mémoire des enfants juifs déportés à des écoliers. Il semble d'ailleurs que cette mauvaise idée improvisée est mainteant abandonnée. Il ya cependant des choses à faire et voici un exemple que donne ce matin Liberation et qui est une bonne façon d'aborder la question.

"La médaille de Yad Vashem et le diplôme des Justes sont installés dans une petite vitrine sur un mur de la classe. Juste à côté de la carte de France physique, d’un jeu d’équerres, d’un portrait de Mozart. A Courlon-sur-Yonne, 1 100 habitants, à une centaine de kilomètres au sud de Paris, la classe de CM2 de l’école Francis-Ponge s’est vu confier le 20 janvier la médaille des Justes, remise à titre posthume à deux de ses habitants, Mélina et René Bouland, qui avaient protégé et élevé Henri Golub, dit «Riri», un petit Juif durant la Seconde Guerre mondiale.

C’est l’aboutissement d’un travail scolaire accompli durant l’année 2005-2006 dans ce bout de l’Yonne par des enfants de 10 ans. Ils ont interrogé la mémoire de leurs aïeux, ont revisité leur village à la lumière de l’histoire de la guerre puis, de retour en classe, ils ont lu des extraits du Journal d’Anne Frank, de Si c’est un homme, de Primo Levi. De leurs travaux, il reste aussi un journal d’école, Prairial, où l’on distingue le petit «Riri» qui pose en chaussettes Jacquard à côté d’une photographie de Mélina et René Bouland sous le titre «Ils ont sauvé Riri». Les écoliers de Courlon-sur-Yonne n’ont pas attendu l’annonce de Nicolas Sarkozy de «voir confier la mémoire» d’un enfant juif aux élèves de CM2. Ils ont découvert et reconstitué le destin d’Henri Golub, suite à la volonté de sa fille Déborah, qui voulait voir reconnu ceux qui avaient préservé de l’Holocauste son père, qui parlait si peu de son histoire. L’idée lui est venue en 2004, alors qu’elle était enceinte de sa fille Anna : «Au moment de ma maternité, le symbole de la médaille des Justes à ceux qui avaient sauvé mon père m’a semblé essentiel.»

Confidence. Les parents d’Henri Golub étaient des Juifs polonais arrivés en France au début des années 30. Ils se marient en 1936. Malka et Judka Golub sont tailleurs. Henri naît au printemps 1940. Le 14 mai 1941, son père se présente à une convocation au commissariat dont il ne reviendra pas. Il fait partie du convoi numéro 4 du 25 juin 1941 à destination d’Auschwitz. Le 21 juillet 1942, en pleine rafle du Vél’ d’Hiv, Malka Golub entend les policiers dans les escaliers. Elle a juste le temps de confier son bébé à une voisine. Malka fera partie des 500 adultes et 500 enfants du convoi 22 pour Auschwitz. Henri Golub, 30 mois, est conduit «chez les Vicens. Ils avaient proposé à Malka de remettre Henri à leur beau-frère et belle-sœur, à Arras, en cas de nécessité», racontent les écoliers de Courlon. Le petit garçon reste un temps dans le Pas-de-Calais avant d’être accueilli à Courlon-sur-Yonne par Mélina et René Bouland. C’est un couple sans enfant qui vit de ses rentes après avoir tenu une charcuterie en banlieue parisienne. Pour ceux qui ne sont pas dans la confidence, Henri Golub est «le neveu» des Bouland. Parfois, il faut le cacher dans la cave quand les Allemands sont trop près. Henri Golub restera à Courlon jusqu’en 1948, année où il ira vivra chez une tante. De son enfance chez les Bouland, il dira plus tard dans une interview à Elle : «J’ai vécu une partie de mon enfance avec ces gens généreux et bons que j’appelais "mon oncle" et "ma tante". Je m’imaginais que la vie était ainsi faite et que certains enfants avaient un père et une mère, d’autres, un oncle et une tante. Moi, j’appartenais à la deuxième catégorie. Je ne souffrais pas d’être orphelin, j’ignorais ce que cela signifiait. Un père, une mère, je ne savais pas vraiment ce que c’était. […] Plus tard, beaucoup plus tard, je me suis aperçu que tous les enfants avaient un père et une mère. Cela m’a posé des problèmes. […] Aujourd’hui, mes parents, ce sont les 6 millions de Juifs assassinés.»

«Sans tricherie». Henri Golub retournait chaque week-end dans la maison des Bouland. «Ils étaient très famille, ils auraient voulu l’adopter», se souvient Mme Demeester, 81 ans, leur voisine. «Courlon, c’était la cellule familiale reconstituée», dit Déborah, qui tend une photographie de vacances où on la voit petite fille avec son père et Mélina devant un parterre de cosmos en fleur. Henri Golub est mort en 1983 et est enterré au cimetière de Kfar Samir à Haïfa, en Israël. Mélina Bouland (1896-1984) et René Bouland (1901-1972) reposent à l’entrée du cimetière de Courlon, sous une plaque de marbre où il est écrit «Justes parmi les nations». Déborah Golub affirme que les écoliers ont reconstitué leur histoire commune «sans tricherie, avec ce côté direct des enfants». «Il y a eu une réaction d’enthousiasme chez eux. Pas au sens de la joie. Ils avaient compris la gravité du sujet», raconte leur instituteur, Jean-Jacques Percheminier. Il ajoute : «Quand on a fait ce travail, j’avais l’espoir de me situer dans la lignée de mes prédécesseurs qui souhaitaient transmettre des valeurs de respect, de tolérance, d’humanisme.» Mission accomplie.


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