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Cuijiao et son mari, deux décorateurs migrants

Publié le 23 décembre 2011 par Neoyak

Nous avons reçu il y a quelques jours la visite d'une

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cousine de Lina et de son mari. Cousine éloignée, certes, puisque Lina ne la connaissait pas auparavant - alors que c'était seulement la petite-fille de la cousine germaine de sa grand-mère maternelle...

Cette cousine nous a été présentée par la famille car vivant à Xingtai, la ville du Hebei juste au nord de Handan - également un temps capitale de l'ancien royaume de Zhao, mais de manière si éphémère (7 ans) que cela n'a pas vraiment marqué les esprits.

Et ils ont donc profité d'un week-end pour venir nous rendre visite, à 50 km au sud de Xingtai. Nous en avons donc appris un peu plus sur l'importante population de compatriotes de Lina présents dans le sud du Hebei, à Handan comme à Xingtai : les entrepreneurs / décorateurs du Hubei.

Comme beaucoup d'entre eux originaires de la même bourgade dans le Hubei, ils ont quitté leur ville natale il y a de longues années pour partir faire fortune sur des terres plus accueillantes. Faire fortune, ou tout du moins faire leur vie.

Leur métier : faire l'aménagement intérieur des appartements neufs, un métier en plein boom du fait de  la frénésie immobilière en Chine - qui pourrait cependant s'essouffler si la bulle immobilière s'effondre. Le mari de la cousine Cuijiao a commencé comme simple ouvrier du bâtiment, puis après avoir suffisamment développé son réseau s'est lancé à son compte, embauchant selon les besoins d'autres ouvriers pour faire le travail.

Pourquoi "des terres plus accueillantes" ? Nous leur avons demandé ce qu'ils trouvaient à la province du Hebei, pourquoi des milliers d'habitants d'un village du Hubei qui n'en compte que cinquante mille se retrouvaient à Handan, à Xingtai et dans d'autres villes des alentours. Leur réponse nous aurait sans doute surpris si la mère de Lina ne nous l'avait déjà dit elle-même quelques semaines plus tôt : "dans notre province les gens sont trop rusés (狡猾), cherchent constamment à nous avoir. Mais les gens du Hebei sont plus honnêtes". Et ce sont des locaux qui le disent...

Mais revenons au sujet principal : il faut savoir qu'en Chine,

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l'aménagement (ou la décoration) d'un appartement est une étape très importante. En effet, les appartements neufs sont dans la très grande majorité des cas livrés "nus" (毛坯), c'est à dire sans revêtement au sol (juste la chape de béton), sans peinture, sans cuisine, toilettes, éclairage... seuls les fils et tuyaux sont prêts. Le budget aménagement peut selon les exigences représenter une part non négligeable du coût final de l'appartement - autant même que l'appartement lui-même dans le cas d'un aménagement luxueux dans une ville aux prix de l'immobilier relativement bas. L'aménagement est d'ailleurs généralement plus poussé qu'en France : les Chinois aiment en particulier beaucoup les jeux d'éclairage et les faux plafonds, comme on peut le voir sur ces quelques publicités.

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Du coup, ils sont des milliers de travailleurs sans qualification particulière à accourir vers les villes en développement rapide pour profiter de ce marché florissant. De quelques dizaines à quelques centaines de milliers de yuans, tous les prix coexistent selon qu'on veut son aménagement (装修) basique (简装), de qualité (精装) ou luxueux (豪装). Mais la part laissée aux ouvriers ne représente pas forcément grand chose - surtout si l'entrepreneur s'est déjà servi au passage.

Nos cousins travaillent dur (en fait, seulement lui, sa femme l'assiste seulement occasionnellement) pour économiser pour élever leurs deux garçons (des jumeaux, rare) restés vivre au village natal chez les grands parents. Ils sont partis en 1998 alors que les jumeaux n'avaient qu'un an, et ne reviennent que deux ou trois fois l'an. Ils logent dans une chambrette d'une habitation traditionnelle chinoise (les "courtyards" à cour carrée), dans un 城中村 (village au coeur de la ville, généralement sur la liste des prochains quartiers à raser) de Xingtai. La chambre ne leur coûte que 110 Y par mois (13 euros), mais à ce prix ce n'est pas chauffé, et il fait souvent -5° ou -10° en hiver dans cette région.

Ils étaient pressés que le nouvel an arrive, pour pouvoir enfin retourner quelques semaines dans le Hubei, où je me souviens avoir passé un hiver très pénible en l'absence également de chauffage, mais c'était avant d'avoir réalisé que 0/5° sans chauffage était toujours mieux que -10/-5° sans chauffage non plus...

Les bonnes années, ils peuvent gagner jusqu'à cent ou deux cent mille yuans. Les mauvaises, juste trente ou quarante mille. Cela est largement suffisant pour vivre à Xingtai, mais leur but est d'économiser pour offrir une meilleure vie à leurs garçons. Et en étant loin d'eux, ce n'est pas facile, car les grands-parents chinois ont de nos jours bien du mal à encadrer les jeunes générations, le gap culturel étant immense : en Chine, on parle déjà de choc des générations avec seulement 10 ans d'écart, alors imaginez 50 ans ! Et les enfants de nos cousins, choyés mais peu cadrés, passent leur temps sur internet, redoublent au collège, et suivront probablement le même chemin que leurs parents, celui des travailleurs ou entrepreneurs migrants.

On se demande parfois à quoi bon tant de peine. Mais les choix ne sont pas si simples, et le poids des habitudes sociétales fait qu'il est difficile d'imaginer vivre autrement pour bon nombre de gens dans la même situation.

Après un copieux repas près de chez nous, nos cousins sont repartis à Xingtai, pour quelques derniers jours avant le répit hivernal. Et une nouvelle année recommencera loin de chez eux.


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