“Le résultat est le suivant : après avoir discuté avec une femme, l’homme réussit moins bien des épreuves intellectuelles. La cause de ce comportement réside dans le fait que le mâle a tendance à surinterpréter les signaux envoyés par la dame ou la demoiselle et à sexualiser le moindre contact avec cette dernière.”
“Ce constat est ancestral et découle de l’évolution des espèces : l’instinct de chasse de l’homme qui ne veut pas manquer une occasion de s’accoupler. Ainsi, il se déconcentre, s’épuise en voulant prouver sa valeur et perd temporairement une partie de ses facultés cérébrales.” (Article; il a été repris par Le Monde aussi)
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Un) Mon amie Jansi m’a envoyé cet article, suspectant probablement que j’allais me faire une joie de le critiquer. Elle avait raison.
Deux) Je suis biaisée au départ vu que j’ai tendance à rouler les yeux dès que la biologie est invoquée pour expliquer les comportements sociaux. Pour ceux qui ont quelques notions d’anthropologie ou sociologie, cette utilisation sauvage de la théorie de l’évolution me rappelle la doctrine du “darwinisme social”, qui est un ramassis de conneries.
Trois) J’étais donc sceptique en lisant l’article. J’ai fait l’effort d’aller lire le rapport original de la recherche en question, pour être sûre que ce n’était pas un résumé bancal de journaliste. En lisant, j’ai appris deux choses: a) toutes les personnes participant à l’enquête avaient 21 ans et b) c’est un peu hâtif d’interpréter les résultats comme un pouvoir des femmes sur l’intelligence des hommes.
A propos de l’âge des participants, je trouve ça audacieux de généraliser les “réactions sexuelles” des hommes à toute la population alors que les interrogés étaient si jeunes (SI, 21 ANS EST TRES JEUNE). Mon petit doigt me dit que la sexualité des hommes et femmes fluctue avec l’âge.
Mais le plus important est la manière dont la recherche a été conduite. Les participants devaient effectuer une tâche en étant soit observés par une personne du sexe opposé (qui n’était pas physiquement présente dans la salle, mais avec qui ils interagissaient par ordinateur), soit avertis qu’ils allaient être observés plus tard (pour tester si la simple anticipation de “l’interaction” affectait leurs capacités cognitives, même s’ils n’étaient pas observés sur le moment).
En clair, ils croyaient être observés par une personne du sexe opposé qui se trouvait dans une autre pièce, ou se préparaient à cette observation. Déjà ici on voit bien qu’il ne s’agit pas d’une interaction similaire à celle qu’on a avec la boulangère du coin de la rue. Certes, les hommes répondaient moins bien aux tests après avoir “interagi” avec une femme. Mais je pense que la question à se poser est la suivante: les hommes seraient-ils plus nerveux à l’idée d’être observés et jugés par une femme dans ce genre de situation? Est-ce que la position d’autorité qu’a l’enquêtrice les affectent plus que l’autorité qu’aurait un enquêteur sur une participante?
Quatre) Bref, l’interaction est si particulière que la généraliser à la vie de tous les jours est louche. Je suis personnellement rarement observée par une personne se trouvant dans une autre pièce, et je ne comparerais pas une telle observation avec une réelle interaction.
En plus, le lien avec l’évolution et le “désir de s’accoupler” (qui pousserait les hommes à conclure avec tout ce qui bouge, pour la survie de la race humaine) est une tentative d’explication avancée par le chercheur à la fin du rapport, explication basée sur des théories d’autres chercheurs (qui sont peut-être bien des couilles). La morale de l’histoire c’est qu’on ne doit pas croire tout ce qu’on nous dit, même si c’est de la ***Science***. “Don’t believe the truth”, comme disait l’avant-dernier album d’Oasis.
Cinq) Je n’évoquerai même pas les commentaires sous l’article. Ce que j’avais écrit dans le billet Les différents types de commentaires sur les sites de journaux s’applique à merveille. Apprécions tout de même les comiques (j’espère) qui affirment que les hommes deviennent moins intelligents pour se mettre au niveau des femmes.
Bonus) “Les signaux envoyés par la dame ou la demoiselle”: le terme “demoiselle” est-il vraiment utile à la langue française.
Houla, si vous avez lu tout ça c’est que vous avez trop de temps libre dans votre journée. Maintenant que j’ai presté mon quota de texte sérieux, je peux reparler de Downton Abbey? C’était une belle proposition en mariage, il faut l’avouer.