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Pourquoi prison rime avec République de l’ombre ?

Publié le 28 décembre 2011 par Rsada @SolidShell

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« La prison doit changer, la prison va changer ! » avait-il dit ! C’est le titre évocateur du livre d’échanges entre Véronique Vasseur –médecin hospitalier- et Gabriel Mouesca –ancien leader d’une organisation clandestine basque- tous deux membres de l’Observatoire International des Prisons.

Cette promesse prononcée le 22 janvier 2007 par un candidat à l’élection présidentielle lors d’une visite à la prison pour femmes de Rennes, bienveillante sur la forme, s’est transformée en mensonge éhonté à la veille de dresser un bilan comptable des divers échecs de celui qui, entre-temps, est devenu le président Nicolas Sarkozy.

Ils sont nombreux ceux qui ne manqueront pas de se dire : « Voilà ! Encore un qui cherche à tout mettre sur le dos de Sarkozy ! ». Non, que chacun se rassure, les prisons françaises sont un sujet bien trop sérieux pour que je me laisse aller à des considérations qui se borneraient à prétendre que Nicolas Sarkozy est responsable de tous les maux, notamment celui qui vaut à notre pays de figurer en queue de peloton pour ses tristes conditions de détention.

Nicolas Sarkozy n’est pas le seul responsable de la situation. Mais comme beaucoup d’autres, en promettant ce qu’il n’a pas été capable de tenir, le président s’est placé en contradiction avec ses propres engagements. Sa coresponsabilité est directement engagée à partir du moment où il a laissé mener et se cumuler des politiques qui n’ont conduit qu’à : alourdir la machine judiciaire, chercher une querelle permanente à la magistrature, multiplier les lois sur la récidive (tout en niant les besoins des personnels chargés d’assurer le suivi des détenus), réfuter les évidences sanitaires et sociales en milieu carcéral, développer la construction de nouvelles prisons (au détriment des solutions alternatives à l’incarcération) pour, au final, nous laisser en héritage une société en état de crimino-dépendance.

La prison est utile. Elle préserve la société de celles et ceux qui contreviennent à la loi et/ou qui se révèlent dangereux pour celle-ci. Mais, si comme l’écrivait Albert Camus« Nous ne pouvons juger du degré de civilisation d'une nation qu'en visitant ses prisons », la civilisation française s’est anémiée en laissant se développer une République à deux visages : celle de la lumière, commune à tous, et celle de l’ombre, dévolue à ses prisonniers.

Dans la République de la lumière, tous les citoyens sont égaux en droits et en devoirs. Je me plais à renvoyer nos compatriotes à leur propre Histoire et à la lecture des textes fondateurs de notre identité nationale. Je laisse le soin ensuite de valider cette vérité de surface, tant l’état de la société conforte l’idée que nous faisons face désormais à une véritable imposture morale.

Dans la République de l’ombre, tous les détenus ne sont tenus qu’a leurs devoirs. Privés (en théorie) d’une partie de leurs droits, ils sont en réalité pour beaucoup privés de toute possibilité de réinsertion après s’être amendés. Notre Justice les a condamnés à vivre reclus pour un temps défini, notre société les condamne à devenir transparents ou à mourir éloignés de tout regard extérieur.

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A l’heure de tourner la page de 2011, je ne suis pas ici entrain de dresser un énième constat mélancolique. Les années m’ont endurci et elles m’ont appris à ne plus laisser la place au misérabilisme conscient et permanent. La vie est trop courte et le temps n’a de cesse que de s’accélérer.

Cela étant dit, je m’interroge sur le fait qu’il n’aura fallu que quelques mois et une succession de faits-divers sordides pour que notre pays alourdisse sa facture pénitentiaire. Quelques mois à peine pour que notre Justice devienne injuste. Quelques mois à peine pour que l’on renforce le sentiment que tous nos détenus ne sont que des récidivistes en puissance et qu’ils sont coupables de tout, même de crimes ou de délits qu’ils n’ont pas commis. Quelques mois à peine pour compter les suicides s’égrener derrière les barreaux sans susciter aucune émotion, sans trouver aucun écho. Quelques mois à peine pour que le Contrôleur Général des Prisons évoque de graves violations aux droits fondamentaux en soulignant la surpopulation endémique de nos prisons.

En 2012, au moment de participer à dessiner les contours de la France pour les années futures, je n’oublierais pas l’énumération du constat ci-dessus. Je n’oublierais pas les promesses non tenues, les mensonges teintés de politesse ou les silences de circonstance. Je garderais en mémoire la centaine dépassée de détenus qui, encore cette année, ont mis fin à leurs jours dans l’indifférence générale. Je défendrais ma conviction profonde que la République et la France méritent d’écrire l’épilogue d’une « honte nationale » décriée depuis bien trop longtemps par Robert Badinter.

Cette année, j’ai beaucoup écrit et parlé sur nos prisons. L’an prochain, j’écrirais et j’en parlerais bien plus encore ! Je cesserais le jour où j’estimerais avoir retrouvé un soupçon de fierté sur le sujet. La fierté de savoir que mon pays, la France, a restauré le principe inaliénable du respect de la dignité humaine pour tous ses citoyens et en tout point de son territoire.

A la manière de Jacques Brossard : « Un mot peut détruire l'œuvre d'une vie. Un mot peut élever la fierté d'un peuple. »


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