Magazine Politique

Leave Jack Lang alone !

Publié le 30 décembre 2011 par Variae

Tête de Turc. Jack Lang est une tête de Turc – et je ne dis pas cela à cause de sa prise de position sur le génocide arménien. Depuis quelques temps, Jack Lang est devenu un sujet de plaisanterie récurrent. On raille son errance en quête d’une circonscription pour les législatives, on raille, plus largement, le personnage, ce qu’il est, et ce qu’il représente. J’y ai même sans doute contribué, au début. Jusqu’à ce que la dimension répétitive, systématique – trop automatique pour être sympathique – du procédé me fatigue, puis me dérange, et enfin me mette un peu mal à l’aise.

 

Leave Jack Lang alone !

C’est une mécanique que j’ai fréquemment observée avec des personnalités médiatiques se retrouvant, à un moment ou à un autre, en situation de faiblesse. Une sorte de lynchage soft, la blague au bord des lèvres. Eh quoi on s’amuse, on rigole, il est tellement ridicule qu’on aurait tort de s’en priver ! L’effet de masse aidant, chacun se désinhibe, s’enhardit, et y va de son petit mot spirituel. Docteurs ès traits d’esprit et blagueurs patauds communient dans un même carnaval du LOL, chacun devenant tout d’un coup follement drôle quand il apporte son clin d’œil à la curée consensuelle. Au bout d’un moment, même la presse s’en mêle, relatant, narquoise, le feuilleton des mésaventures de la cible collective. Tout cela fonctionnant d’autant mieux que cette dernière est une tête à claques que plus grand monde n’a envie de défendre.

J’ai un léger avantage : une ville natale en commun avec Lang. J’ai donc déjà tout entendu, et pire encore, sur le personnage. Je n’ai pas d’autre lien avec lui, et donc pas de raison particulière de prendre sa défense. Mais, allez savoir pourquoi, j’ai dans ma tête une petite voix qui m’incite à m’intéresser à ceux qu’il est de bon ton d’accabler, sans que leur cas ne paraisse pourtant totalement révoltant et scandaleux.

Jack Lang est superficiel, narcissique et égocentrique. Il est vrai qu’il est absolument le seul à répondre à cette description dans le monde politique.

Jack Lang est un horrible éléphant déjà ministre dans les années 80. Ni plus ni moins que Laurent Fabius.

Jack Lang est un parachuté honni, que l’on ridiculise par des fausses annonces dans Libé. L’auteur de l’annonce en question est un élu d’un parti dont la dirigeante, Cécile Duflot, est catapultée du Val de Marne au cœur de Paris pour les prochaines législatives. On lui souhaite d’ailleurs bien du courage pour réussir aussi bien son atterrissage que Lang, naguère, dans le Nord.

Jack Lang a fricoté avec Nicolas Sarkozy, a participé à une de ses commissions de réflexion. La co-présidence avec Alain Juppé d’une autre commission de ce type par Michel Rocard n’empêche pas ses thuriféraires de continuer à louer l’ex-premier ministre. Et personne ne se formalise de la fuite à l’anglaise de Martin Hirsch, mini-ministre de François Fillon aujourd’hui reconverti dans le sarkobashing au sein d’un think tank de gauche.

Jack Lang est vieux. Pas plus que d’autres, et sans doute même un peu moins dans sa tête.

Oui mais : Jack Lang cumule tout ça, et ça commence à faire beaucoup pour un seul homme. D’accord.

C’est alors que ma petite voix me reparle. Elle me dit : il y a plus que la somme de ces griefs dans la joie féroce à étriller Lang. Il y a le règlement de comptes avec l’éternel Ministre de la Culture dont on voudrait bien s’émanciper. Il y a le plaisir de tacler cette gauche mitterrandienne dont on ne cesse de faire l’inventaire, quand elle a gagné deux fois l’Élysée. Il y a la hargne contre la gauche festive et cultureuse, soixante-huitarde, horriblement pré-bobo, qu’il s’agirait d’enterrer pour retrouver le vote populaire. Il y a le mépris pour ces cultures « populaires », justement, pour ces musiques de jeunes, hip hop, électronique, dont il eut le premier le flair de se rapprocher. Il y a, plus sourdement encore, la jalousie incrédule et consternée devant un personnage dont on pense tant de mal, et qui est sans doute pourtant un des seuls responsables politiques dont tout le monde connaisse le nom – et quelques réalisations, 21 juin en tête – dans l’Hexagone, et même un peu à l’étranger. Ministre de l’Éducation préféré des Français, vient-on même d’apprendre. C’est sûr, ça fait encore beaucoup pour un seul homme.

Ma petite voix m’agace : elle me pousse à prendre la défense de gens qui n’en ont sans doute pas besoin, et dont je me passerais bien. Mais que voulez-vous : c’est ma petite voix. Et elle continue, la garce ! « Si vous en avez tellement assez d’entendre parler de Lang, commencez par cesser de parler de lui. Passez à autre chose, soyez cohérents avec votre mépris. LEAVE JACK LANG ALONE ! ».

Romain Pigenel


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Variae 35066 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine