C’est en vain que l’on court après ce bien suprême,
Ce bien si fugitif et si vanté de tous,
Le bonheur, vague image, insoluble problème ;
C’est en vain qu’on le cherche en dehors de soi-même ;
Le bonheur est en nous.
On trouve bien ailleurs quelques semblants de joie,
Quelque ombre de plaisirs dont les abords sont doux ;
Mais bientôt la douleur se relève, déploie
Son aile impitoyable et ressaisit sa proie :
Le bonheur est en nous.
Demandez aux grandeurs, au luxe, à la puissance,
Demandez ce que l’or cache en lui de dégoûts.
Plus on s’élève et plus, devant l’âme qui pense,
L’horizon des douleurs s’étend lugubre, immense :
Le bonheur est en nous.
Toujours des pleurs, toujours quelque angoisse secrète ;
Si grand qu’on soit, le sort frappe des mêmes coups.
Ce n’est qu’avec les siens, dans quelque humble retraite,
Qu’on peut rendre la paix à son âme inquiète :
Le bonheur est en nous.
Et cette paix du cœur, seul bien vraiment suprême,
Seul trésor qui mérite et n’ait pas de jaloux,
Si nous la trouvons là, c’est que c’est là qu’on aime,
C’est que notre famille est un autre nous-même :
Le bonheur est en nous.
Édouard TURQUETY (1807-1867).
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