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FRANCE: Les chercheurs se mobilisent

Publié le 04 mars 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
Mars 2004, ce n'était qu'un début; mars 2008, le combat continue… Il y a comme un air de remake, un regain de fièvre printanière dans la "réunion nationale des directeurs de laboratoires et des membres d'instances scientifiques" à laquelle étaient attendus, mardi 4 mars au Collège de France, près de 600 patrons d'unités de recherche. Il y a quatre ans, plus de 2 000 d'entre eux, rassemblés devant l'Hôtel de Ville de Paris, avaient solennellement remis leur démission pour protester contre les coupes budgétaires infligées à la recherche publique.

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Aujourd'hui, indique Philippe Blache, directeur du Laboratoire parole et langage (Centre national de la recherche scientifique, CNRS-université de Provence) et membre du collectif d'organisation de cette journée, il s'agit d'ouvrir "un débat pouvant déboucher sur d'éventuelles actions".

Mais l'heure est bien à la mobilisation générale. Le même jour, une quinzaine de syndicats et d'associations de l'enseignement supérieur et de la recherche ont appelé les personnels et les étudiants à des rassemblements, à Paris et en province.

"La recherche scientifique est actuellement en plein bouleversement. Nous sommes bien placés – les mieux sans doute – pour voir ce qui fonctionne bien et ce qui va plus mal, poursuit Philippe Blache. Nous avons, et depuis longtemps, des propositions à faire pour l'amélioration du fonctionnement de la recherche. Nous demandons, au lieu d'une politique de terre brûlée, qu'une réelle concertation soit mise en place, avec l'ensemble de la communauté.

La "politique de terre brûlée", c'est, aux yeux des participants à cette réunion de crise, celle que pratique Nicolas Sarkozy. Le 28 janvier, à Orsay, lors d'un hommage au Prix Nobel de physique 2007 Albert Fert, le chef de l'Etat avait tiré à boulets rouges sur le système de recherche national, le jugeant "vieux d'un demi-siècle", gangrené par la "balkanisation" et menacé de "paralysie".

Une façon de justifier une refonte complète de ce système, conduisant notamment à transformer les organismes publics actuels, comme le CNRS, en "agences de moyens" chargées de "mettre en œuvre la politique scientifique que le gouvernement leur aura confiée". Et donc privées de toute initiative.

Il y a là "un recul de l'autonomie scientifique au profit d'un pilotage politique, sans aucune garantie scientifique sérieuse", s'alarment les directeurs de laboratoires. "La systématisation du financement de projets à très court terme, ainsi que la décision de confier l'évaluation de la recherche à une agence, avec comme conséquence une baisse considérable de la qualité de cette évaluation, conduisent à déstructurer le noyau de base où s'élabore la science, c'est-à-dire le laboratoire", met en garde Philippe Blache.

LES CRÉDITS DE BASE EN BAISSE DE 5 % À 6 %

Alors que, le 28 janvier toujours, M. Sarkozy promettait "un effort budgétaire massif" pour la recherche, afin de "marquer sans équivoque l'importance primordiale que nous allons attacher à son essor dans les cinq années qui viennent", dans les labos, la réalité est bien différente. Les crédits de base – ceux qui permettent de couvrir les dépenses de fonctionnement courantes, d'acheter fournitures et petits équipements, mais aussi d'amorcer de nouveaux projets de recherche – accusent une baisse moyenne, au CNRS, de 5 % à 6 %.

Pour certaines équipes, elle atteint même davantage : 10 % pour l'Institut de physiologie et biologie cellulaires de Poitiers, 12 % pour le Laboratoire d'aérologie de Toulouse, 12,5 % pour le Laboratoire de physique théorique d'Orsay, 20 % pour l'Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides de l'Observatoire de Paris, 24 % pour le Laboratoire de dynamique terrestre et planétaire de Toulouse…

Pourtant, le budget 2008 de l'enseignement supérieur et de la recherche affiche bien une hausse de 1,8 milliard d'euros. Mais, outre qu'une part substantielle de cette enveloppe est destinée à la mise en œuvre de la loi sur l'autonomie des universités, les crédits consacrés à la recherche proprement dite vont, pour l'essentiel, aux aides à la recherche privée (+390 millions d'euros pour le crédit impôt recherche) et aux financements sur projet (+130 millions d'euros pour l'Agence nationale de la recherche).

S'y ajoutent le coût des grands équipements (comme le réacteur de fusion nucléaire ITER ou le nouveau supercalculateur du CNRS), ainsi que les salaires des vacataires, désormais intégrés aux dotations de base. "La question est de savoir si les organismes ont encore les moyens de mener une politique scientifique cohérente", commente Bertrand Monthubert, président de Sauvons la recherche.

Les directeurs de laboratoires déplorent aussi le "manque de perspectives permettant d'attirer les jeunes vers la recherche" et la "multiplication annoncée des contrats précaires". Alors que 3 000 postes statutaires ont été créés en 2006 dans les organismes et les universités, puis 1 500 en 2007, seul le remplacement des départs à la retraite sera assuré en 2008.

Dans le même temps se développent les contrats à durée déterminée (quelque 4 500 à ce jour), de un à trois ans, liés aux projets financés par l'Agence nationale de la recherche. "Il s'agit là d'un signal très négatif, qui ne peut que renforcer la désaffection des jeunes pour les carrières scientifiques", regrette Bertrand Monthubert.

Le ministère vient de donner un motif d'inquiétude supplémentaire aux chercheurs en demandant au CNRS de "réfléchir" à une transformation de ses départements scientifiques en Instituts nationaux de recherche. "Faire du CNRS une simple holding d'instituts, mettent en garde les directeurs d'unités de recherche, ce serait perdre ce qui fait son originalité et sa richesse, c'est-à-dire son interdisciplinarité." Chaud, le printemps des chercheurs s'annonce chaud.


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