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Terres de légende

Publié le 25 février 2008 par Steven Petitpas
Il est de ces expériences si fabuleuses qu'on finit par se demander si on les a vraiment vécues. Il en est d'autres, plus fabuleuses encore, dont on se demande si on est en train de les vivre au moment même où on les vit et dont on pense, ensuite, qu'on les a forcément rêvées. Laissez-moi vous conter l'une d'entre elles...
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Il était une fois un jeune garçon qui vivait loin, très loin de sa terre natale. Perdu par-delà les mers nordiques pour de sombres raisons linguistiques, il s'était mis en tête d'ouvrir son âme aux richesses du monde.  Ayant rencontré, au cours de ses errances et de ses pérégrinations, d'autres jeunes gens comme lui expatriés, il fonda une communauté cosmopolite à laquelle il proposa, un soir d'hiver, de voler vers les terres du Nord, vers le pays des Scots, à la recherche de montagnes, de lacs et de châteaux en ruine.
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Il avait entendu parler d'Edimbourg, ville dont on disait qu'elle comptait en son sein encore plus de mystères que d'âmes, une ville qui, disait-on, gardait en ses murs corridors et dédales de légendes. Selon les directives d'un plan maintes fois repensé, ils y établieraient leur camp et, de là, au fil des jours, contre le vent et les morsures du froid, ils partiraient en quête des trésors de cet étrange pays.
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Un brouillard de saison, corrompu par la lumière impérieuse des édifices, accueillit les jeunes voyageurs à leur arrivée. Edimbourg, pudique, s'était parée d'une cape si énigmatique que la découverte des mille beautés du lieu dut être repoussée aux premières lueurs de l'aube. Impossible en effet de distinguer dans la nuit vaporeuse les constructions qui valaient à la vieille cité toute sa réputation. Seules les rues, sinueuses, obstinées, lancées dans des courbes accidentelles, sous des ponts séculaires, dans les pentes de petits escaliers, ces rues tracées entre des murs pantelants, droits, frémissants, hauts et hiératiques, ces rues accidentées, étroites et immenses à la fois, daignèrent s'offrir cette nuit-là à nos aventuriers...
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Grâce aux nombreuses cartes emportées avant l'expédition, et grâce aux conseils d'un natif à l'accent coloré, l'auberge qui leur servirait de point de chute fut rapidement trouvée. Après quelques célébrations dont seul leur âge a le secret, nos voyageurs, qui commençaient à s'investir de l'atmosphère du lieu, dormirent sans tarder du sommeil du juste... Et au petit matin, tout apparut. Les édifices dressés de toute leur hauteur, les flèches noires des églises, les cimetières doyens, la vieille ville hautaine, débordante d'Histoire, le château légendaire, accroché dans le ciel, observant avec indifférence les convulsions de la modernité jetée en contre-bas... Edimbourg architecturale, ancienne, insondable.
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L'esprit de nos jeunes gens se repaissait d'images et modelait déjà des souvenirs uniques. Mais à peine s'émerveillaient-ils qu'ils échappaient à Edimbourg, inexplicablement appelés par les montagnes s'étendant au-delà d'Arran, par ces terres que d'aucuns nomment les Highlands quand d'autres leur préfèrent le doux nom d'A'Ghaidhealtachd. Aussi candides que téméraires, ils décidèrent de traverser les hautes terres en l'espace d'un seul et même jour. Ils partiraient d'Edimbourg, longeraient les rives tourmentées de la côte ouest, continueraient jusqu'à l'énigmatique et lointaine Inverness puis regagneraient leur point de départ via l'Est du pays. Un long voyage. Il faudrait être brave. Il faudrait être attentif.
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La lande, couverte de bruyère. Des fougères, des roches, des montagnes. Des lacs aux eaux très claires. Toutes les couleurs de la palette du monde : terres brunes, blanc de glace, contrées vertes, nappes ocres et vagues blondes. Toutes les images, tous les tableaux. Le soleil se jouait de l'eau. L'eau dédoublait les montagnes. La lumière croisait les branches et frappait sans retenue les voyageurs hagards. C'était une autre contrée. Une merveille définitive.
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Et bientôt, de l'eau à perte de vue. Un lac plus profond, plus noir que son propre mystère. Le silence, le ciel, et la lumière totale. Une vision éblouissante, étonnante. Etrange. C'était trop. C'était exagéré. Exagérément beau. Nos aventuriers, sans s'en rendre compte, avaient plongé dans une page de roman. L'irréel s'était immiscé entre l'eau et leurs yeux. Ils touchaient des doigts une vision d'Eden.
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On dit qu'un monstre vit dans cette étendue. On parle d'apparitions. On parle de bête, de serpent géant. Légendes et mensonges combattent sur les berges sans jamais renoncer. Mais peu importe au fond, car c'est le lieu qui respire. C'est le lieu qui hante les esprits et appelle le conte. Le Loch Ness, despote, vous attire sur ses eaux et mystifie votre âme. Le mercure se plisse, fronce, s'enroule au devant des bateaux. On se tait. Accoudé à la toile, le château Urquhart, vieux loup défiguré, rit de vous voir si vain face à l'immensité.

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