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De la féminité

Publié le 21 janvier 2008 par Jjplm5

 

Exergues :

   "Mais telle est la vérité remarquable dont je suis sûr : j'éprouve à vivre un plaisir sans limites et j'aurai à mourir une satisfaction sans limites" (Maurice Blanchot, La folie du jour)

   "J'ai pourtant rencontré des êtres qui n'ont jamais dit à la vie, tais-toi, et jamais à la mort, va-t'-en. Presque toujours des femmes, de belles créatures" (id., je souligne)

 

Suite :

   De la féminité... et, ne pas l'oublier, "presque toujours des femmes"... S'agit-il de traiter, ne serait-ce que brièvement, de la féminité ou d'en réclamer, d'en souhaiter le plus possible tant elle est une dimension fondamentale de l'existence - que l'on soit femme ou que l'on soit homme?

   Une ouverture totale de l'âme et du corps - cette formule (ou cet impératif) s'est imposée à moi. Cette attitude féminine m'est apparue comme la seule en accord avec la vie-la mort. Comme quelque chose qu'il fallait souhaiter et activement-passivement rechercher. La formule qui s'est imposée à moi n'est pas de moi. Elle est, à un mot près, de Kafka. Je l'ai retrouvée dans un contexte qui importe, lui aussi.

   Voici, extrait du Journal de Kafka, à la date du 23 septembre 1912 :

   "J'ai écrit ce récit - Le Verdict - d'une seule traite, de dix heures du soir à six heures du matin, dans la nuit (je souligne) du 22 au 23. Je suis resté si longtemps assis que c'est à peine si je puis retirer de dessous le bureau mes jambes ankylosées. Ma terrible fatigue et ma joie, comment l'histoire se déroulait sous mes yeux, j'avançais en fendant les eaux. A plusieurs reprises durant cette nuit, j'ai porté le poids de mon corps sur mon dos. Tout peut être dit, toutes les idées, si insolites soient-elles, sont attendues par un grand feu dans lequel elles s'anéantissent et renaissent. Comment tout devint bleu devant ma fenêtre. Une voiture passa. Deux hommes marchèrent sur le pont. A deux heures, je regardai ma montre pour la dernière fois. Quand la bonne a traversé le vestibule, j'écrivais la dernière phrase. La lampe éteinte, clarté du jour. Légères douleurs au coeur. La fatigue disparaissant au milieu de la nuit. Mon entrée tremblante dans la chambre de mes soeurs. Comment, auparavant, je m'étire devant la bonne et dis : "J'ai travaillé jusqu'à maintenant." La vue de mon lit intact, comme si on venait de l'apporter à l'instant dans la chambre. Ma certitude est confirmée, quand je travaille à mon roman, je me trouve dans les bas-fonds honteux de la littérature. Ce n'est qu'ainsi qu'on peut écrire, avec cette continuité, avec une ouverture aussi totale de l'âme et du corps (je souligne)". (Pp. 294-295 de l'édition de la Pléiade, Gallimard). J'arrête là la citation et rédige une ou deux notes. En ce qui concerne la nuit, je renvoie au "billet" précédent. Remarquons que Kafka, qui écrit, dit "curieusement" : "comment l'histoire se déroulait sous mes yeux" (Ce que j'ai appelé ci-dessous  L'art de la fugue implique une toute autre attitude. Roger Laporte n'aurait pu "voir" une histoire se dérouler devant ses yeux). Kafka, en écrivant, ne procède pas du tout à ce qu'on pourrait considérer comme un travail strictement intellectuel : "...j'ai porté le poids de mon corps sur le dos", "...une ouverture aussi totale de l'âme et du corps".

   L'ouverture totale de l'âme et du corps est bien une attitude féminine. Presque toujours des femmes. Et cette attitude qui requiert la "passivité" la plus extraordinaire est, au plus haut point, ici, "créativité". Pas ici seulement, il ne faut pas en douter. Comme il ne faudrait pas croire que l'attitude fémine dont je parle n'est nécessaire qu'à la "création" artistique. Elle implique - ou produit - une "créativité" permanente. Que l'on soit femme ou... que l'on soit homme.


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