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Recomposition du paysage boursier : quelle place pour les émetteurs régionaux ?

Publié le 03 janvier 2012 par Sia Conseil

illustration_pret_emprunt_titres_societes_gestion La recomposition du paysage boursier, dont le rapprochement Nyse Euronext – Deutsche Börse actuellement examiné par les autorités de contrôle, témoigne d’une évolution majeure suite à l’introduction de la Directive MIF.

Après la fragmentation, la consolidation des places boursières est en marche transformant ces institutions en sociétés cotées soumises à la concurrence et à l’exigence de rentabilité.
Sources par excellence de financement, les places boursières, autrefois régionales et proches du tissu industriel, se sont muées en fournisseurs de services pour les intervenants des marchés financiers. Faible visibilité auprès des investisseurs, coûts d’introduction dissuasifs, absence de relation de proximité, les PME (Petites et Moyennes Entreprises) et les ETI (Entreprises de Taille Intermédiaire) ne semblent plus être la priorité des grandes bourses mondiales qui préfèrent investir vers de nouveaux services à valeur ajoutée.

Devenues de véritables SSII proposant des services technologiques allant, entre autres, du trading à haute fréquence à la colocation de serveurs informatiques, les entreprises de marché ont-elles perdu leur rôle premier qui est d’offrir une source de financement pour les entreprises auprès d’investisseurs ?

Selon un rapport publié par la Banque de France[1], les PME-ETI représentaient un chiffre d’affaires cumulé de 114 milliards d’euros pour 850.000 emplois en 2009. Or, en 2010, ces PME-ETI ne représentaient que 10% des transactions traitées quotidiennement en Europe[2].

L’impact économique est donc réel et les pouvoirs publics semblent en avoir mesuré l’enjeu : le rapport Demarigny et la création de l’observatoire des PME-ETI côtées témoignent de cette prise de conscience. L’objectif est alors proclamé : mieux comprendre ces entreprises et faciliter leur accès au marché.

Une évolution du cœur de métier des entreprises de marché

La directive MIF a radicalement modifié les règles du jeu avec la fin du monopole des bourses nationales et la suppression de la centralisation des ordres. Attaquées par les MTF[3], les bourses historiques ont répondu en activant la consolidation du secteur et en développant de nouveaux métiers et services. Aujourd’hui, les bourses traditionnelles se muent de plus en plus en SSII où la technologie devient l’actif le plus stratégique. Ainsi, NYSE Euronext a délocalisé sa division infrastructure dans la banlieue de Londres afin d’offrir un service de colocation de serveurs aux principaux intervenants du marché. En gagnant quelques millièmes de seconde, les stratégies d’arbitrage automatisées (Hight Frequency Trading) représentant plus de 50% des ordres des places les plus liquides. Les services technologiques (vente de données, solutions informatiques et infrastructures de marché) représentent pour NYSE Euronext la troisième activité la plus rentable du groupe (16% de son CA en 2010 et 1 milliard de dollars prévus d’ici 2014). L’avenir des places boursières semble donc se jouer dans la haute technologie pour les intermédiaires financiers au grand dam des PME-ETI, à la recherche de financements de plus en plus difficiles à trouver auprès des banques.

Une clientèle en manque de visibilité

En effet, pour Middlenext, association indépendante représentant les valeurs moyennes cotées, cette évolution des marchés financiers s’effectue au détriment des PME-ETI. La volonté affichée de l’AMF et de NYSE Euronext de créer des structures dédiées à leur financement (comme le marché Alternext en 2005) n’a pas été à la hauteur de leurs enjeux : la fermeture des antennes régionales, la dématérialisation des centres de décision et du conseil client et l’augmentation des tarifs de transfert sur Alternext sont autant d’éléments dissuasifs. La complexification du système (nouvelles réglementations et technologies) parallèlement à la multiplication des intervenants sont aussi des facteurs de réticence pour leur introduction en bourse : le Haut Commissariat aux comptes impose désormais un changement de commissaire aux comptes dans les 2 ans suivants l’introduction en bourse. Les conseillers traditionnels et commissaires aux comptes des PME-ETI – soucieux de conserver leurs mandats – déconseillent donc cette solution à leurs clients. De même, l’intervention de prestataires externes nécessaires à l’introduction représenterait pour les PME-ETI, 6 à 10% des capitaux levés contre 2 à 3 % en moyenne.

Recomposition du paysage boursier : quelle place pour les émetteurs régionaux ?

Les PME-ETI semblent entrer dans un cercle infernal où absence de visibilité, coûts et manque d’informations sont étroitement liés. En effet, la production et la diffusion d’informations financières nécessaires pour les bureaux d’analyses coûteraient entre 150 et 500 000 euros, exorbitant pour les PME-ETI qui souffrent alors d’un manque chronique du relais des analystes pour assurer leur visibilité auprès des investisseurs. Fait troublant, cette tendance semble traverser l’Atlantique puisqu’aux Etats-Unis le nombre d’introductions en Bourse de ces entreprises a baissé de moitié entre 2001 et 2009.

Recomposition du paysage boursier : quelle place pour les émetteurs régionaux ?

Des pistes de réflexion à mettre en œuvre

Les PME-ETI sont une source de vitalité du tissu industriel mais leurs sources de financement se sont taries avec la crise ; l’alerte semble avoir été prise au sérieux et le rapport du financement des entreprises par le marché remis à Christine Lagarde en juillet dernier présente des solutions ambitieuses mais indispensables : conditions financières d’introduction revues à la baisse, resserrement des fourchettes de liquidité apportées aux brokers, meilleure visibilité de l’information avec un service de cotation en ligne et la création du nouvel indice à l’innovation. Un accompagnement sera aussi proposé lors de leur introduction en bourse.

De son côté, le rapport Demarigny, dans la lignée du Small Business Act américain de 1953, va plus loin en proposant entre autres une harmonisation du statut des PME-ETI au niveau européen, la mise en place d’une juridiction favorable et une plateforme de négociation européenne réservée.

Un mix métier à recomposer

Les entreprises de marchés sont devenues des entreprises cotées soumises à la concurrence et avec des actionnaires exigeants en termes de rentabilité. La revue du cœur de métier, tourné vers la technologie et les intervenants s’est faite au détriment des PME-ETI à la recherche de financement pour leur développement. La récente prise de conscience doit maintenant se concrétiser et le combat ne fait que commencer entre ces émetteurs et les entreprises de marché focalisées sur le maintien de leur avantage concurrentiel de plus en plus lié à la technologie …

Sia Conseil


[1] Bulletin de la Banque de France, 2e trimestre 2011.
[2] Rapport Demarigny, un SBA du droit boursier européen, mars 2010.
[3] Multilateral Trading Facility


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