Faisons un petit jeu de rôle. Admettons que vous soyez Président de la République, et que vous ayez une sale affaire de financement de campagne dont vous n'arrivez pas à vous débarrasser. Admettons que la presse d'opposition (au hasard, Libération) ne vous laisse pas de répit à ce sujet, et ait l'audace de faire sa une sur l'enquête en cours, à quelques mois d'un scrutin capital. Que faire ? Comment réagir ? Lâcher vos Morano et vos Wauquiez ? Oubliez ces frustres solutions ! Vous avez besoin d'un partenaire plus discret, d'un homme du sérail qui pourra faire diversion : un pompier volant de la présidence, j'ai nommé Christophe Barbier. Qui a eu la gentillesse d'enregistrer un tutoriel vidéo, lundi, pour vous exposer sa méthode infaillible pour noyer un dossier sur vous : la méthode du " pétard mouillé ".
Étape 1 : nier d'emblée la portée des informations révélées par le journal d'opposition
Vidéo à 0:05 " Il n'y a rien de neuf dans l'affaire Karachi ". A répéter avec un air rassurant et sûr de vous, en jouant de votre autorité. D'entrée de jeu, vous marquez votre territoire.
Étape 2 : placer le mot " légal "0:20 " C'était une affaire tout à fait légale que le versement de commission à cette époque-là ". L'important est de placer ce mot : le lecteur/spectateur n'aura pas le temps d'aller fouiller la loi, et il gardera de vous cet important sentiment de légalité. Si c'est légal, où est le problème ?
Étape 3 : jeter le doute, marteler le flou0:30 " On n'a pas avancé d'un centimètre sur l'éventuel lien entre cette histoire de rétrocommissions éventuellement interrompues et le terrible attentat ". " Éventuel " deux fois, et un dubitatif " cette histoire " : la presse d'opposition vous enivre de sornettes douteuses, n'en doutez pas.
Étape 4 : décourager le lecteur d'acheter le journal d'opposition0:40 " la une de Libération ce matin est complètement survendue ". On a essayé de vous rouler : alors pourquoi acheter ce qui n'a pas la valeur annoncée ? Économisez plutôt votre argent.
Étape 5 : noyer le poisson en s'incluant dans la critique0:50 " La presse parfois survend ses déclarations, ne jetons pas la pierre à Libération ". Ne croyez surtout pas que c'est une attaque personnelle contre le quotidien d'opposition : il arrive même à moi, Christophe Barbier, de faire ce genre d'erreur, c'est dire !
Étape 6 : déporter l'affaire sur le terrain des luttes d'influence1:10 " Il y a, au sein des affaires en cours, compétition entre la justice, à qui avancera le plus vite [...] compétition entre les enquêteurs et les politiques ". On ne parle pas de justice, on parle de luttes de pouvoir au sein de la justice et de la police, d'accord ? Ahlala, on ne peut plus faire confiance à personne !
Étape 7 : diluer les responsabilités1:25 " Est-ce que les électeurs voteront en avril en pensant aux dossiers qui s'empilent à droite comme à gauche, à droite plus qu'à gauche, mais la droite a le pouvoir depuis si longtemps [...] ils sont sans illusion sur la probité des hommes politiques en général et sur la clarté des comptes de campagne en particulier ". Droite, gauche, tous aussi pourris ; quant aux comptes de campagne, on sait bien qu'ils sont toujours truqués, n'est-ce pas !
Étape 8 : intimer un comportement aux électeurs1:54 " les Français qui sont sages jugeront les candidats à l'aune de l'essentiel : leur programme, leurs proposions ". Autrement dit : si vous tenez compte des affaires, c'est que vous n'êtes pas sage. Or vous êtes quelqu'un de raisonnable, n'est-ce pas ?
Étape 9 : passer le plat au président sortant2:15 " Il y a fort à parier que dans les isoloirs, c'est l'emploi et non les affaires qui pèsera le plus lourd ". Et ça tombe bien : Nicolas Sarkozy organise justement un grand sommet à ce sujet en début d'année !
Vous avez bien retenu la leçon ? Vous savez maintenant ce qu'il vous reste à faire en cas de souci présidentiel médiatico-judiciaire, de presse récalcitrante : appeler à l'aide Super Barbier, l' éditocrate à la cape, pardon, à l'écharpe rouge !
Mr. Trouble never hangs around When he hears this mighty sound... "Here I come to save the day!" That means that Chris Barbier is on the way Yes sir when there is a wrong to right Chris Barbier will join the fight ! On the sea or on the land He gets the situation well in hand ...Romain Pigenel