Krugman, ex-économiste reconverti dans l’art subtil de lobbying politique, fustige une prétendue pensée dominante ultralibérale, alors que le gouvernement des États-Unis applique précisément les recettes qu’il préconise.
Par Georges Kaplan
David Di Nota nous apprend, dans un article publié sur Causeur, que dans son intervention à la Eastern Economic Association, Paul Krugman se serait lamenté de la fâcheuse tendance qu’ont les économistes à faire confiance à leurs modèles macroéconomiques. Je dois rêver…Sacré Krugman ! Voilà un garçon qui ne manque jamais une occasion de dire tout et son contraire en se donnant des airs supérieurs. Parce que, voyez-vous, « les économistes » ce n’est pas un ensemble homogène qui pense et raconte la même chose. Je sais bien que c’est l’impression que cela peut donner au profane tant ceux qui sont invités à s’exprimer sur la place publique ont une fâcheuse tendance à l’uniformité – il suffit de faire un tour au rayon « économie » de la moindre FNAC (c’est très vite fait, plus vite que le rayon ésotérique par exemple) pour se convaincre du filtrage : pour 5 Galbraith, pas un seul Mises ; pour 10 Stiglitz, vous tenterez désespérément de trouver la moindre œuvre de Friedman ; pour 15 Keynes, pas l’ombre d’un Hayek ; pour 20 Krugman, je vous mets au défi de trouver un seul Barro ; enfin, pour 25 Marx, dites moi combien vous voyez de Smith ?
Et dans la famille de ceux qui vous pondent des gros modèles mathématiques à base de grands agrégats abstraits, il se pose là le Krugman ! Si vous en voulez des courbes de « demande agrégée » (ne me demandez pas, je ne sais pas non plus) qui croisent « le » taux d’intérêt (lequel ?), vous n’en trouverez nulle part ailleurs autant que sur le blog du bonhomme. Mais tout l’art subtil du Krugman, ex-économiste reconverti dans l’art subtil de lobbying politique, c’est d’être le premier à avoiner copieusement celles et ceux qui, justement, critiquent cette sur-mathématisation d’une science essentiellement humaine. « Idéologues que vous êtes » dit-il, « moi, je suis un vrai scientifique : regardez mes modèles ! »
C’est toute la perversion de cette époque où la recherche a été fonctionnarisée et où l’accès aux média est passé sous contrôle politique : on a tué le débat. Vous pensez que c’est propre à l’économie ? Eh bien vous vous trompez. Au hasard, je cite la climatologie : des milliers de types compétents dans le monde ont beau publier des papiers, signer des pétitions, démontrer leurs théories à l’épreuve des faits comme en laboratoire et devinez quoi ? Il y a « consensus » : le réchauffement climatique est d’origine humaine – point barre, circulez !
Et voilà notre Krugman qui fustige une prétendue pensée dominante, bien sûr ultralibérale, alors que le gouvernement des États-Unis applique précisément les recettes qu’il préconise ; relances budgétaires, politiques monétaires accommodantes et autres « quantitative easing » – le bréviaire de la synthèse classico-keynésienne dans toute sa splendeur. Ça ne marche pas ? C’est qu’on n’en a pas assez fait (je ne plaisante pas, c’est ce que le bonhomme répète depuis des mois) !