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François Hollande : "S’il n’y a pas de justice, il n’y aura pas d’efforts partagés"

Publié le 04 janvier 2012 par Letombe

Mardi 3 janvier, François Hollande était l'invité du 20h de David Pujadas. Suite à la publication de sa tribune dans Libération, il est revenu sur le lancement officiel de sa campagne ainsi que sur le bilan désastreux du président-candidat Nicolas Sarkozy.


François Hollande invité du 20H de France 2 par francoishollande

David PUJADAS

Et on en vient à la rentrée de François HOLLANDE qui est avec nous ce soir, bonsoir François HOLLANDE !

François HOLLANDE

Bonsoir !

David PUJADAS

Rentrée sous le signe de l’accélération de la campagne, de votre campagne dans une tribune publiée aujourd’hui dans le journal LIBERATION ; vous sonnez la charge contre Nicolas SARKOZY. Sophie BRUNN, Vincent BOUFFARTIGUE.

Sophie BRUNN

Cette fois, ça y est, François HOLLANDE se lance. Dans LIBERATION, ce matin, le candidat s’adresse aux Français. Deux pages dans lesquelles il attaque le chef de l’Etat, accusé de « mystification ». La formule est typique du candidat : « Plutôt que de reconduire un président qui aurait changé, pourquoi ne pas ne pas changer de président ? ». François HOLLANDE redit aussi sa volonté de susciter « l’espérance » et de « retrouver le rêve français, celui qui permet à la génération qui vient de mieux vivre que la nôtre ». Et dès demain, le candidat entame une série de déplacements et de meetings tous azimuts. Le 22 janvier, il devrait livrer dans un discours fondateur les éléments-clés de son projet. Une campagne en bonne et due forme, donc, censée mettre un terme aux difficultés post-primaires. Car après sa désignation mi-octobre, l’état de grâce a été de courte durée : composition laborieuse de son équipe de campagne, accords et désaccords avec les Verts, flou sur les retraites, mais malgré ces couacs, jamais un candidat n’avait atteint un tel niveau dans les sondages à quatre mois de l’élection.

Brice TEINTURIER, directeur général délégué de l’institut IPSOS

Il y a une espèce de force qui, malgré tout, a permis à François HOLLANDE de résister à la période de flottement du mois de novembre et d’une partie du mois de décembre, et qui tient à la fois au rejet profond de Nicolas SARKOZY, mais au fait que François HOLLANDE, positivement cette fois-ci, incarne, lui, une possibilité d’alternance à la politique mise en place.

Sophie BRUNN

Objectif de l’opération d’aujourd’hui : incarner une nouvelle posture, celle d’un François HOLLANDE plus cogneur.

David PUJADAS

Une nouvelle posture, vous voulez durcir la campagne. Est-ce que ça signifie que, jusqu’à présent, elle manquait de punch ?

François HOLLANDE

Chaque étape a sa logique. J’ai connu les primaire, j’en suis sorti vainqueur. Ensuite, j’avais à préparer la phase qui va s’ouvrir, c’est-à-dire la confrontation. Nous sommes à cent dix jours – cent dix jours, c’est très court ! – du 1ertour. Donc je veux être dans la clarté, dans la netteté, dans la simplicité dans mon rapport avec les Français. J’ai à les convaincre ! C’est vrai que les sondages me portent, mais enfin, entre des sondages et des élections, il y a une campagne ; je la dois et donc je la lance plus officiellement aujourd’hui tout simplement parce que nous sommes au début de l’année et quand dans trois mois, les Français auront déjà fait le choix du 1er tour de l’élection présidentielle.

David PUJADAS

Mais que répondez-vous lorsqu’on vous reproche, jusque-là, un manque d’autorité ?

François HOLLANDE

S’il s’agit d’autoritarisme, je laisse ça à celui que vous connaissez. Vous croyez que j’en serais là, candidat à l’élection présidentielle, pour le Parti socialiste et les Radicaux de gauche si je n’avais pas une force de caractère ? Vous pensez que ça a été simple, le parcours qui a été le mien depuis tant d’années ? Vous croyez que je n’ai pas lutté, imposé mon point de vue ? Si je n’ai pas, à un moment, fait prévaloir ma ligne politique ? Si je suis aujourd’hui candidat devant les Français, c’est parce que j’ai fait tout ce chemin. Et aujourd’hui, je ne me laisserai pas détourner, et je ne me laisserai pas impressionner par…

David PUJADAS

Mais est-ce que…

François HOLLANDE

… Nicolas SARKOZY qui, d’ailleurs, essaie d’éviter et la campagne ; il présente ses vœux ? Mais moi, je ne m’adresse pas par des vœux aux Français ! Je dis aux Français ce que je veux pour mon pays.

David PUJADAS

Mais est-ce que vous vous revendiquez toujours comme un candidat ou un futur président si vous êtes élu, normal ?

François HOLLANDE

Mieux vaut être normal qu’anormal. Je vous donne ce conseil pour les choix que vous aurez à faire. Il vaut mieux avoir un président stable, cohérent, constant, capable de rassembler, de réconcilier les Français. Moi, je ne veux pas de la France que je regarde aujourd’hui, qui est divisée, qui est heurtée, qui est affaiblie, j’ai à redresser la France. C’est une lourde tâche ! Je ne le ferai que si les Français sont mobilisés et unis dans la justice. S’il n’y a pas de justice, il n’y aura pas d’efforts partagés. Et enfin, je veux lever une espérance : celle de la jeunesse. C’est vrai, on parle de rêve, c’est difficile de parler effectivement de rêve quand il y a la réalité qui est aussi dure…

David PUJADAS

Mais vous le faites toujours…

François HOLLANDE

… Aussi implacable. Avec le chômage qui a augmenté de 1 million de personnes depuis le début du mandat de Nicolas SARKOZY. Mais je le fais parce que c’est le rêve français ! C’est-à-dire cette grande idée qui voulait que nos enfants vivent mieux que nous et qui s’est, à un moment, arrêtée. Eh bien je veux la reprendre.

David PUJADAS

Il y a ce ton plus offensif que vous souhaitez adopter, il y a cette tribune, aujourd’hui, dans le journal LIBERATION. Ecoutez Jean-François COPE, le numéro un de l’UMP, qui l’a lue et qui vous interpelle.

Jean-François COPE, secrétaire général de l’UMP

Monsieur HOLLANDE, j’ai lu les deux pleines pages de LIBERATION que vous avez pu utiliser pour faire cette lettre dites « aux Français ». Je vois bien, à travers ce que vous écrivez, le piège dans lequel vous êtes en train d’enfermer les Français, qui va consister à ne rien dire d’important pour cacher le fait que vous n’êtes absolument pas en situation de faire des propositions concrètes. Je voudrais savoir à partir de quand vous aurez le courage de faire des propositions aux Français pour répondre à leurs attentes.

David PUJADAS

On l’entend beaucoup, ça, « des propositions financées, chiffrées, budgétées », quand ?

François HOLLANDE

D’abord, des propositions, je n’ai cessé d’en faire ! Depuis que je suis candidat ; candidat d’abord dans les primaires et puis à l’élection présidentielle ! Ce que j’ai dit sur la jeunesse, le contrat de générations, sur les moyens qu’il faut donner à l’Education nationale ! J’ai dit aussi que le redressement financier était indispensable et qu’il se ferait avec une réforme fiscale qui fusionnera l’impôt sur le revenu et la CSG, mettra le même barème pour les revenus du travail que pour les revenus du capital ! J’ai dit ce qu’il y avait aussi à faire pour donner un redressement productif ! Parce que s’il n’y a pas de croissance, s’il n’y a pas de production supplémentaire, mais comment pourra-t-on faire pour donner à ceux qui attendent un emploi, une perspective d’embauche !

David PUJADAS

Mais vous n’irez pas plus loin dans les propositions ?

François HOLLANDE

Et donc ce que j’aurai fait – et je le présenterai à la fin du mois – c’est un projet qui mettra en cohérence dans la limite des moyens qui nous sont permis par le moment budgétaire que nous connaissons.

David PUJADAS

Donc il y aura bien un nouveau projet François HOLLANDE à la fin du mois…

François HOLLANDE

Il y a le projet du Parti socialiste, je m’en inspire, je suis socialiste. Et il y aura la plate-forme que j’aurai retenue en fonction de ce que je pense être la priorité, la grande priorité : la jeunesse, et en fonction de l’obligation que nous avons de redresser nos comptes, en fonction de la production sur laquelle il n’y a pas de croissance possible et il n’y a pas, donc, d’emplois pour demain, et enfin, de faire que la réforme fiscale puisse être engagée pour que la justice puisse être établie. J’aurais aussi à préciser, en matière de retraites – je l’ai déjà fait – ceux qui ont leur durée de cotisation, qui ont commencé tôt à travailler pourront partir, j’aurai à dire, en matière de santé – et je le ferai – que personne ne peut être, comme c’est le cas aujourd’hui, empêché d’accéder pour des raisons financières, aux soins.

David PUJADAS

On retient qu’il y aura bien un projet plus précis d’ici à la fin du mois. On connaît à peu près maintenant la stratégie de Nicolas SARKOZY, il tentera de rester président le plus tard possible ; il se déclarera le plus tard possible pour gérer ce qu’il nomme une crise très grave. Est-ce que vous jugez déplacé ou illégitime qu’un gouvernement, qu’un président de la République lance de nouvelles réformes, comme c’est le cas en ce moment, à trois mois du scrutin ?

François HOLLANDE

D’abord, que Nicolas SARKOZY soit président jusqu’au bout, c’est le mandat qu’il a reçu ! Je n’ai rien à dire là-dessus ! Qu’il dise qu’il n’est pas candidat, ça fait sourire ! Enfin, chacun a compris ! Vous pensez que s’il n’était que président et pas candidat, il ferait ces séances de vœux qui se multiplient à toutes les catégories professionnelles ? Bon, je laisse ça, ça fait partie d’une forme d’hypocrisie. Je n’ai pas du tout cette démarche ; je pense qu’il faut être clair. Mais il fait ce qu’il veut. En revanche, de vouloir instaurer une TVA supplémentaire, 3 à 4 points, avant la fin de son mandat, je considère que là, il y a une forme de prétention à pouvoir agir alors même que les électeurs veulent choisir. Donc il prendra sa responsabilité, mais moi, je récuse et la méthode et la disposition.

David PUJADAS

Vous récusez la disposition, mais Manuel VALLS, votre porte-parole, le responsable de votre communication la défendait, lui ! Est-ce qu’il n’y a pas un manque de cohérence ?

François HOLLANDE

Il y a eu des débats, ils ont été tranchés, moi, j’ai ma position. Je ne veux pas que les Français qui vont déjà assumer le redressement financier, soient affligés de 3 ou 4 points de TVA qu’on appellera sociale, parce qu’il y aura une baisse de cotisations, non pas des salariés, mais des employeurs ? Pour une compétitivité qui ne sera d’ailleurs pas améliorée, puisque les importations représentent le tiers de la consommation ! Donc ne laissons pas croire que la TVA va nous protéger des importations venant de l’extérieur ! Donc il y a, de ce point de vue-là, une mystification économique, et une faute sociale ! Et enfin, des conséquences extrêmement graves sur la croissance ! Je ne laisserai pas faire, et d’ailleurs ça sera un enjeu de l’élection présidentielle ! Pour moi, la compétitivité, elle doit être améliorée par un soutien à l’investissement productif ! Par une aide aux entreprises ! Notamment à celles qui exportent ! Par une amélioration des conditions d’embauche ! C’est ce que je propose notamment avec le contrat de générations ; qu’est-ce que c’est que le contrat de générations ? C’est de permettre aux seniors que l’on écarte trop facilement de l’entreprise avant même qu’ils n’aient pu concourir à faire valoir leur retraite, et puis ces jeunes qui ne rentrent jamais avec un contrat à durée indéterminée ? Ma proposition, c’est de lier les deux ! C’est-à-dire qu’il y ait une forme de tutorat entre le senior et le jeune, et le jeune qui rentrerait avec un contrat à durée indéterminée et les deux emplois seraient exonérés de cotisations sociales. Voilà une mesure beaucoup plus puissante que je ne sais quelle augmentation de prélèvement.

David PUJADAS

Dernière question : l’emploi. On en parle beaucoup en ce moment : le chômage. Est-ce qu’il est du devoir de l’Etat d’intervenir à chaque plan social d’importance comme c’est le cas par exemple, en ce moment, à SEAFRANCE ?

François HOLLANDE

L’Etat doit être vigilant, attentif et doit offrir des solutions. Il y a eu une volte-face du président de la République, une de plus ; très bien, je ne m’en plains pas.

David PUJADAS

Mais vous approuvez le soutien à un éventuel projet de coopérative ?

François HOLLANDE

Mais là, l’Etat n’a pas annoncé qu’il allait faire ! Il a simplement dit qu’il permettait à des salariés de mettre leurs indemnités de licenciement pour reprendre une entreprise dont ils ne seraient même pas, ces salariés, propriétaires des bateaux qu’ils exploiteraient ? Avec le risque que ces salariés – ils l’ont compris – dans six mois, dans un an, aient perdu leurs indemnités de licenciement et soient amenés à constater la liquidation de cette entreprise ? L’Etat, ce qu’il devait faire – et j’en fais la proposition – c’est une intervention directe et comment…

David PUJADAS

Avec des fonds publics…

François HOLLANDE

Avec une banque publique d’investissement qui n’est pas là aujourd’hui ! Il y a le FSI qui pourrait… C’est un fonds qui pourrait être dédié à l’investissement, il aurait pu participer ! Il n’y a eu aucune décision de participation publique ! La SNCF est en train de se désengager ! Donc en définitive, c’est tout à fait la méthode de Nicolas SARKOZY : il a parlé mais il n’a pas agi !

David PUJADAS

Merci, François HOLLANDE…

François HOLLANDE

Merci à vous.

David PUJADAS

… D’avoir accepté notre invitation ce soir.

 

François Hollande

 

François Hollande : «Le changement c'est maintenant»


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