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Nadine Morano et le mépris de la grammaire

Publié le 05 janvier 2012 par Francoisjost

Parfois on me demande à quoi sert la sémiologie ou la linguistique? A elle seule, la façon dont on a rapporté les propos de Hollande sur le "sale mec" justifie que ces deux disciplines soient enseignées dès l'école.
Rappelons les faits: le candidat socialiste, lors d'un repas avec des journalistes, imagine la tactique de Nicolas Sarkozy et lui prête ces propos: "Il va se présenter devant les Français et leur dire : 'Je suis un président en échec depuis cinq ans, je suis un sale mec, mais réélisez-moi parce que, dans cette période difficile, je suis le seul capable'". Passons sur l'attitude, à mon avis critiquable, qui consiste à abuser de la confiance de son interlocuteur en rapportant des propos "off". En revanche, arrêtons-nous sur l'analyse de la phrase. En ce qui concerne la grammaire, la situation est simple à décrire: un locuteur rapporte en discours direct ce que pourrait dire un autre locuteur. Il y a là ce que le linguiste Oswald Ducrot appellerait un cas de "polyphonie énonciative". En d'autres termes, Hollande imagine un mea culpa de Sarkozy sans prendre à son compte l'expression sale mec. Il ne peut donc s'agir d'une insulte.
Mais cet emboîtement de narrateurs dont chacun fait usage dans la vie courante semble difficile à comprendre: certains ou certaines font comme s'il n'y avait pas d'emboîtement narratif et attribuent directement les propos au locuteur qui les rapporte (même si la situation est fictive): c'est le cas de Nadine Morano, dont, on ne s'en étonnera pas, la maîtrise de la langue est à l'image de sa connaissance vague du taux de la TVA en Allemagne. D'autres parlent de pastiche ou disent que Hollande s'est mis dans la peau de Sarkozy. Nadine Morano, encore, renvoie la construction grammaticale à des histoires de psychologie (ce matin chez Bourdin).
Si on était revenu à la simple analyse de la phrase, les polémiques stupides sur ce propos et sa qualification d'insulte serait tombées aussitôt. Ignorance ou volonté de trahir la vérité pour écorner une candidature? Il y a sûrement des deux. Ce n'est là qu'un premier cas. Il y en aura beaucoup d'autres dans cette campagne. Je suggère qu'on demande à l'avenir à un sémiologue ou un linguiste son analyse pour ne pas donner prise à des jugements à l'emporte-pièce, destructeurs pour tous. L'analyse est aussi une affaire de morale.


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