Les régimes obligatoires sont le nœud du problème. Les cotisations sociales augmentent tandis que les remboursements des régimes obligatoires diminuent.
Par Thibault Doidy de Kerguelen
Près d’un Français sur 5 (19%) affirme avoir réduit (de façon drastique ou légèrement) ses dépenses de santé, selon un sondage Obea-Infraforces à paraître dans le numéro de janvier de Santé Magazine.
69% des personnes interrogées ont réduit leurs dépenses de médicaments et 43% affirment choisir des pharmacies où les tarifs sont les moins élevés. Entre 30 et 40% des sondés déclarent avoir renoncé à certaines prestations, en particulier les dents et l’ophtalmologie.
Encore plus grave: 74% des personnes ayant réduit leurs dépenses déclarent consulter moins souvent leur généraliste et 28% affirment ne pas pratiquer les examens prescrits.
Ces chiffres sont à rapprocher d’une étude similaire publiée dans l’Expansion le mois dernier et qui disait aussi que plus d’un Français sur trois devant aller chez le dentiste avait repoussé ses soins à « une date ultérieure ».
L’article ce Santé Magazine semble s’étonner de cette situation, rappelant que 93% des personnes interrogées disposaient pourtant d’une assurance complémentaire santé. C’est ne pas bien connaître la réalité de la situation et du marché. Les complémentaires santé ont considérablement augmenté leurs cotisations ces dernières années. Si peu de Français (même s’ils sont chaque années plus nombreux et que le phénomène risque de prendre de l’ampleur en 2012) ont fait le choix de se passer de cette assurance, très nombreux sont ceux qui ont choisi de réduire leurs formules au remboursement dit « de base », c’est-à-dire 100% du tarif de la Sécurité Sociale. Or, c’est là que se trouve la grande hypocrisie du système de santé français. Sur des zones géographiques de plus en plus grandes du territoire, les tarifs de convention ne veulent plus rien dire. S’il n’y a guère qu’en région parisienne où il est extrêmement difficile de trouver un médecin généraliste qui vous prenne le tarif de convention de 23€ (les tarifs les plus fréquents étant de 30 à 35€), c’est quasiment partout que les spécialistes ne peuvent se contenter des « officiels » 25€ pour une consultation, la réalité des prix s’échelonnant entre 40 et 60€ selon les spécialités, la renommée et le lieu. Lorsque Santé Magazine nous parle des dents et de l’optique, que ne rappellent-ils que la Sécurité Sociale estime le coût d’une monture à 2,54€ (il n’en existe pas sur le marché à ce prix…), le prix d’une couronne à 107€ ou le coût d’un acte chirurgical à son tarif d’il y a plus de dix ans.
Les régimes obligatoires sont le nœud du problème. Rappelons que les cotisations sociales, loin de baisser, augmentent. Les remboursements des régimes obligatoires diminuent. Les tarifs de convention décrochent complètement par rapport à la réalité du coût de la santé, créant ainsi un tarif de référence complètement virtuel et déconnecté de la réalité.
Les complémentaires santé, quant à elles, sont taxées de 3% de leurs cotisations pour financer la CMU. Elles viennent d’être taxées de 7% cette année au titre de la taxe sur les assurances. Elles doivent prendre en charge de plus en plus de soins abandonnés par les régimes obligatoires. Il n’en demeure pas moins que si vous additionnez toutes cotisations que vous avez payées aux régimes obligatoires (patronales et salariales et sans même tenir compte des taxes sur les alcools, le tabac ou les différentes CSG/CRDS déductibles ou non) et que vous les rapportez aux sommes reçues en remboursement de prestations de santé et que vous faites la même opération pour les cotisations de votre assurance complémentaire, vous serez (sauf exception de maladie grave ou d’accident du travail) effarés de constater la disproportion. Les assurances complémentaires demeurent largement moins onéreuses que les régimes obligatoires. N’empêche, dans la mesure où elles ne sont pas obligatoires, c’est sur elles que les Français rognent. Ils rognent mal. En choisissant de souscrire des complémentaires « de base », ils s’engagent à payer des cotisations pour des prestations qui ne leur permettent plus d’assurer les soins qui ne sont pas extrêmement urgents. Qu’est-ce que cela veut dire, lorsque 40% de ses revenus partent en cotisations sociales, que l’on a souscrit une assurance complémentaire, d’avoir encore 20 ou 30€ à débourser pour une consultation, 300€ pour une paire de lunettes ou 400€ pour se faire soigner une dent? Alors, on ne se soigne plus qu’en cas d’urgence.
Cela s’appelle une diminution considérable du niveau de vie de la population, une paupérisation.
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