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Faut-il casser la (Mou)barak ?

Publié le 06 janvier 2012 par Legraoully @LeGraoullyOff

« Et puis, on ne souffre pas, en sont-ils sûrs ? Qui le leur a dit ? Conte-t-on que jamais une tête coupée se soit dressée sanglante au bord du panier, et qu’elle ait crié au peuple : Cela ne fait pas de mal ! » (Victor Hugo)

Faut-il casser la (Mou)barak ?

Ici Brest, les Bretons parlent aux Lorrains ! Bon, d’accord, je sais…

Je sais que si les Égyptiens exécutent leur ancien pharaon avant que la maladie qui cloue Moubarak sur sa civière ne s’en charge (sous réserve que ce ne soit pas du bluff, évidemment), cela aura été décidé au terme d’un procès légal et ne pourra donc pas être réduit à un lynchage comme ce fut le cas pour Kadhafi.

Je sais aussi qu’on ne peut pas attendre d’un pays qui commence tout juste à s’engager sur la voie de la démocratie, avec tous les risques que cela comporte, qu’il fasse vivre aussitôt tous les hommes dans un monde de paix et de fraternité ; je sais aussi parfaitement que la France a été le dernier pays d’Europe occidentale à abolir la peine de mort, que cela s’était fait CONTRE l’avis du peuple et qu’on n’a donc pas de leçons à donner aux Égyptiens dans ce domaine-là.

Je suis également d’accord pour dire que Moubarak est une crapule et que je ne vais pas du tout pleurer sa mort ! On peut même dire que les Égyptiens d’aujourd’hui ne font pas la même erreur que les Français de 1793 qui ont offert un martyr sur un plateau à la contre-révolution en exécutant Louis XVI alors que ce dernier ne méritait pas ça. Mais n’empêche.

N’empêche… Quand j’ai su que la peine de mort avait été requise contre Hosni Moubarak, je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir un pincement au cœur : on est contre la peine de mort où on ne l’est pas. Si on commence à faire des concessions pour se débarrasser à tout prix d’un homme, même si c’est la pire des crapules, alors on considère que la peine de mort est légitime. C’est d’ailleurs pour ça que le cas de Jean-Marc Rouillan m’a posé problème : d’accord pour dire que les types qu’il a butés sont des salauds, mais si on se croit en droit de les tuer pour cette raison, alors la peine de mort est considérée comme légitime. Le peine de mort, ce n’est bon pour personne, point barre !

De plus, savez-vous ce qui caractérise une société démocratique ? Disons, grosso modo, pour ne pas se perdre en considérations oiseuses, que c’est le contraire d’une société totalitaire. Et qu’est-ce qu’une société totalitaire ? Là, c’est Hannah Arendt qui répond pour nous : c’est une société où l’individu est nié. A contrario, donc, une démocratie doit laisser à l’individu le droit d’exister autrement que comme membre du corps social et ne doit donc pas prétendre avoir droit de vie et de mort sur lui. Il n’existe pas encore de démocratie parfaite, mais une démocratie qui maintient la peine de mort se complait dans son imperfection : la nouvelle démocratie égyptienne, à cet égard, fait ses premiers pas sous le signe d’une imperfection revendiquée.

Bref, on ne va pas pleurer la mort de Moubarak s’il finit exécuté, mais on ne va pas l’applaudir non plus : ce ne sera pas une victoire de la démocratie (qui était déjà victorieuse le 11 février 2011, jour de la démission du Raïs) mais une victoire, une fois de plus, de l’instinct de mort et de l’esprit de vengeance qui permettent à la peine de mort de se maintenir dans tant de pays du globe. Allez, salut les poteaux !


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