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The Economist et la balle dans la nuque

Publié le 15 janvier 2008 par Dlaufer

Comment exécuter un condamné à mort ? La question hante le genre humain depuis des siècles. Peloton ? Corde ? Guillotine ? Un dîner avec Alexandre Adler ? Je me souviens m’être atrocement ennuyé à l’Université de Lausanne, au point de réfléchir avec des amis dans la lugubre cafétéria du B2 à la façon la plus humaine de résoudre ce dilemme. Notre solution mettait l’accent sur l’aspect qui me rend la peine de mort si peu sympathique : l’attente. On a décidé d’exécuter ? Eh bien, qu’on exécute. C’est ainsi que j’avais mis au point le concept du « couloir éclaffeur ». Le juge dit : « Accusé, vous êtes acquitté et vous êtes par conséquent libre. Pour sortir de ce tribunal, prenez s’il vous plaît la petite porte de gauche. » Le gaillard ne s’en sent plus de joie, sort d’un pas allègre et paf ! le couloir qu’il emprunte se referme d’un coup sec sur lui, au moyen de vérins hydrauliques surpuissants. Le condamné meurt libre et heureux, la société est vengée – puisque c’est de cela qu’il s’agit – et tout le monde est satisfait.

A mon grand étonnement, le gouvernement chinois a pourtant opté pour d’autres solutions. Il faut dire que les impératifs auxquels les Chinois font face ne sont pas encourageants : plus de mille exécutions par an, et on dit que ce chiffre officiel est largement au-dessous de la vérité. Certaines sources évoquent entre sept et huit mille exécutions annuelles. Dans les 20 clients par jour. Autant que mon coiffeur qui n’en perd jamais sa coutumière jovialité. Se pourrait-il qu’on manie plus facilement le peigne que le 9mm ? On sait que le gouvernement chinois exécute ses condamnés d’une balle dans la nuque et facture la balle à la famille de celui-ci. Cette pratique un rien mesquine a fini par provoquer une vaste opération de relations publiques à Pékin. The Economist, avec son égalité d’humeur toute londonienne, m’apprend que Pékin a décidé d’abandonner ces pratiques barbares et antédiluviennes. Le gouvernement embrasse désormais les grandes avancées technologiques de l’injection létale. La raison avancée est que l’injection est plus « humaine » que la balle. La question du traitement humain est centrale : on est d’accord de tuer, mais faire souffrir, ça, hors de question.

The Economist et la balle dans la nuque

Or aux Etats-Unis, on se pose exactement la même question qu’en Chine, mais dans le sens opposé. Des condamnés à mort ont saisi la Cour Suprême en arguant que l’injection létale est anticonstitutionnelle car elle provoque des souffrances horribles. La Cour Suprême a accepté l’argument et est actuellement en train d’observer les mesures à prendre. C’est fichant. Les uns trouvent les balles barbares, les autres, que l’injection est une infection. En attendant, des deux côtés du Pacifique, les clients continuent de grossir les rangs et ignorent encore à quelle sauce ils vont être mangés. Je vous dis : le couloir éclaffeur.

Nous, paisibles peuplades alpestres, avons mis ces honteuses pratiques au rancart depuis 1944. La question de la mise à mort ne concerne plus chez nous que les poulets (je parle des gallinacés). On est bien d’accord de les mettre en cage, de les étriper, de les plumer, de les frire et de broyer leurs os pour en faire de la bouffe pour les chats, il ne sera pas dit qu’on les aura fait souffrir, les pauvres bêtes. Même les poulets ont le droit de mourir dans la dignité.


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