Magazine Politique

« Intouchables », de Olivier Nakache et Eric Toledano

Publié le 07 janvier 2012 par Alex75

Avec François Cluzet, Omar Sy

Comme des dizaines de milliers de Français, je suis allé voir récemment -sur le tard-, le film « Intouchables » d’Eric Toledano et Olivier Nakache, pour poursuivre disons, sur une tonalité culturelle, cette fois-ci en se focalisant sur le septième art.

Cependant, à l’image d’autres auteurs de portails identiques au nôtre, j’avoue pour m’exprimer avec franchise, et en tant que fin connaisseur des comédies à la française -sans aucune prétention, ne prétendant nullement m’élever au rang de critique de cinéma, à la hauteur du talentueux Henri Chapier ou de la sémillante et caustique Elisabeth Quin-, difficilement comprendre, pourquoi les médias, dans leur globalité (!), encensent ainsi ce film, sans aucune contre-partie, ni demi-mesure (ce qui n’est pas sans soulever certaines problématiques). Et j’avoue ainsi, que les critiques totalement di-thy-ram-biques dont nous auront abreuvé les médias -presse écrite, radio -- TV-, au sujet de ce film, ont effectivement, moi aussi, fini par me convaincre d’aller passer deux heures, en compagnie du duo interprété par François Cluzet et Omar Sy.

« Intouchables », c’est un petit film, une petite comédie française de crise, ménageant la chèvre et le chou, au travers de deux archétypes de milieux sociaux, supposés irréconciliables. La parabole est ainsi présentée, limpide mais aussi « hypocrite comme une recette » à réaliser un bon film culte -- non sans rappeler quelques comédies des années 80, à l’image du film  »L’oeil au beurre noir », réalisé par Serge Meynard avec le talentueux Smaïn Faïrouze, dit Smaïn-, celle de l’aveugle et du paralytique. Prenez ainsi un pauvre d’aujourd’hui, cumulant des difficultés lourdes, d’ordre social et sociétal, et mettez-le en présence d’un méchant riche, devenu gentil cependant, à force d’être ostracisé par la société, dans une problématique liée à son handicap, pour le moins inconvenant. Le premier devient le confident du second, et tous deux apprennent à s’apprécier, s’évaluer, se respecter, voire s’aimer l’un et l’autre. A l’exception du fait, que les deux personnages sont les archétypes de deux milieux, disons opposés, qui n’auraient jamais du être appelés à se rencontrer (« même si c’est arrivé, dit-on, une fois, une seule, dans la vraie vie »), avec d’un côté un loulou de banlieue, couleur ébène, de bonne composition, plein de bon sens, sympathique, un peu voleur, un peu traficant comme nombre de ses corelégionnaires -bien qu’ayant indubitablement des circonstances atténuantes-, un peu naïf, se satsifaisant de dormir dans des draps de soie, mais aussi bon danseur comme tous les noirs (les clichés sont là). Et de l’autre côté, « un riche, belle gueule, famille d’aristocrates, grandes études » (Sciences-po, naturellement), réussite, grosse fortune, « hôtel particulier grouillant de serviteurs heureux et zélés d’être exploités par milliardaire si gentil, aimable et attentionné ». Et voilà la trouvaille : le héros, bourgeois bon chic-bon genre, patron autoritaire, est devenu « tétraplégique », et humain du même coup, suite à un dramatique accident, en l’occurence, en exerçant l’un de ses loisirs favoris, le parapente. La trétraplégie étant pour l’histoire et le scénario, une lésion grave et sérieuse de la moelle épinière, causée par une chute ou un choc anormal et accidentel, s’accompagnant d’une absence totale ou partielle de motricité  et de sensibilité.

Omar Sy, le grand et beau comédien, d’origine sénégalaise (qui interprète sa propre caricature, sous forme de duo, dans une émission comique à succès sur le petit écran, et la chaîne Canal +), a beau réalisé des prouesses d’acteur : chanter, danser, conduire, il rit et roule des yeux comme un blanc s’entendrait à voir rire et s’étonner un noir, dans une caricature tirée d’un sketch à la Michel Leeb. Et au bout du compte, il ne parvient pas à décoller de lui, cette image d’Oncle Ben’s sur les paquets de riz, ou de tirailleur sénégalais « Y’a bon ! » sur les boîtes de cacao Banania, s’enfermant dans un mécanisme de stéréotype inversé… Le jeune de banlieue, issu de l’immigration -et en voie de réinsertion après des erreurs de jeunesse-, finit par tomber dans les stéréotypes, engendrés d’ailleurs par l’idéologie anti-raciste des années 80, à la Julien Dray et à la « Touche pas à mon pote », dans une cascade à l’envers. Quant à François Cluzet, engoncé dans son fauteil roulant, il livre une étonnante interprétation -dans un rôle particulièrement difficile-, mais desservi par la tournure scénaristique, le poussant -du moins, c’est mon point de vue et c’est ainsi, que l’ai ressenti-, à en faire trop, tête et épaule sans cesse en mouvement, au lieu d’adopter la raideur et le détachement élégant d’un Eric Von Stroheim, le  « La Grande Illusion ». Certes, c’est une autre école scénaristique, mais en tout cas, des rôles de tétraplégiques ont déjà été interprétés, dans l’histoire du cinéma, tel le personnage d’Eric Von Stroheim dans « La Grande illusion ». François Cluzet l’interprète avec brio, certainement servi par une talentueuse direction d’acteur, mais enfermé malgré lui dans le carcan de cette école scénaristique, que je trouve guère talentueuse. Une école de jeunes réalisateurs, qui emprunte trop, à des fins d’efficacité commerciale, aux articulations comiques du cinéma américain, hollywoodien,  dans un scénario comparable au film « Rain Man » (avec Dustin Hoffman et Tom Cruise), sorti en 1988 et premier film consacré au thème de l’autisme, même si l’autiste interprété dans le film, par Dustin Hoffman, n’est pas représentatif de l’ensemble des autistes. Mais attention, j’entends déjà les cris d’orfraie ! 

Certes, ce scénario est tiré d’une histoire vraie et vécue -ayant d’ailleurs fait l’objet d’un documentaire en 2003, « A la vie, à la mort », relayé par le petit écran, et dont on a récupéré la thématique, pour faire une bonne petite comédie à succès. En effet, ma critique du scénario est acerbe, mais je ne vais pas y aller par quatre chemins, moi également et comme nombre d’autres spectateurs, « ce film ne m’a pas seulement déçu, il m’a exaspéré ». Il est vrai qu’avec le recul, je me dis que j’aurai aussi dû me méfier. « Tant de critique unanimes auraient dû me mettre la puce à l’oreille ». Il est certain que que les « réels chefs d’oeuvre, par leur originalité, leur parti-pris et souvent leurs propos, sont inaptes par définition à remporter l’adhésion générale des critiques. Il est souvent établi que quand « Le Parisien », « Paris-Match », « le Figaro » ou « le Nouvel Obs » encensent ce film, cela s’assimile finalement presque à une contre-publicité faite à ce long-métrage ! Tout d’abord, quelques mots sur les deux acteurs, qui portent cette histoire. En effet, Cluzet est plutôt bon, « bien qu’un peu outrancier » dans son -difficile- rôle de riche aristocrate handicapé. Le personnage central du petit gars de banlieue, dans une France de surcroît, qui est gravement  »malade de ses banlieues », bien que talentueusement interprété, verse malheureusement dans le cliché -à cause du scénario, bien écrit mais versant à dessein, dans l’outrancier-, peut-être le plus marqué dans le cinéma français des cinq dernières années (m’autorisant avec humilité cette critique, appréciant les comédies françaises). Et ce qui est dommage, car le comédien semble, en effet, « véritablement offrir une meilleure prestation aux spectateurs », et on le découvrira certainement dans de prochaines comédies, dramatiques ou non. Omar Sy révèle un réel talent d’humouriste et de comédien, assez complet -à l’image de la scène de la danse, certainement difficile à interpréter-, et propre à renverser les situations.

A l’évidence, tel l’établit un auteur -sur le portail lepost.fr-, que je me permets de citer en référence, « les stylos des scénaristes ont dessiné des personnages trop caricaturaux, trop formatés pour que l’intrigue soit intéressante à suivre ». Le scénario est trop appuyé et « les nombreux effets comiques et scénaristiques calibrés pour faire rire à tout prix » trahissant « une recherche quasi maladie d’efficacité », nuisant à la sincérité de ce long métrage. D’ailleurs, il est certain, « le manque de sincérité de ce film est d’autant plus saisissant qu’il est inspiré d’une histoire vraie ». Mais ceux qui ont vu le documentaire original, penseront certainement comme nous, que « l’original était beaucoup plus fort ». La faiblesse scénaristique -de mon point de vue-, réside effectivement dans le fait, que dans ce film « tout est prémâché, prédigéré et au final », l’impression délivrée est d’être placée en face d’un scénario, « qui vous interdit de penser et de réagir par vous-mêmes ». D’où un sentiment d’être « pris au piège », qui est particulièrement agaçant, « comme si de grands panneaux fléchés guidaient nos émotions, ne leur laissant aucune liberté, ni aucune chance de s’émanciper de ce parcours obligatoire ». C’est d’ailleurs, je suis de cet avis, un téléfilm plus qu’un film, manquant cruellement « de finesse, d’intelligence » et ne valant rien de plus, qu’une des productions TF1, dont « dès la première minute », « le jeu des acteurs et le traitement de l’intrigue semblent indigents ».

Comment des critiques, qui se nomment comme tels, « ont-ils pu adorer avec une telle unanimité ce long métrage ? »  Un tel engouement me laisse perplexe et sans voix ! Et nous nous retrouvons, au bout du compte, « dans le même camp que les journaleux de Télérama et des Inrocks qui ont eux aussi détesté ce long métrage. Enfin, pour être totalement honnête, il convient d’indiquer que sur un panel de sept spectateurs, ayant découvert « ce chef-d’oeuvre », « trois l’ont trouvé très bon » (« le meilleur film de l’année »), deux l’ont trouvé plutôt divertissant, mais sans plus et deux en sont sortis fortement déçus, ce qui fait toujours qu’environ 35 % de spectateurs complètement conquis, et 65 % qui ne l’ont pas été. Le cinéma est et a toujours été commercial, « Qu’est-ce que c’est que le cinéma, pour vous, si ce n’est pas commercial », comme l’a dit, un jour, Lino Ventura à un journaliste. Mais un petit peu d’éclectisme dans le travail des critiques de cinéma, ne serait pas contre-productif. Après tout la France est la patrie du cinéma et il est dommageable que la presse d’information -particulièrement interdépendante-, perde ainsi, de son indépendance face au congloméral des grandes machines de production et de distribution cinématographiques, tels que Gaumont, UGC, Pathé, Regal Entertainment Group ou encore MK2.

Nous sommes dans la patrie des réalisateurs-metteurs en scène, dialoguistes, de Sacha Guitry à Louis Malle ou Chabrol, en passant par Duvivier, Renoir, Pagnol, Fernandel, Melville, Truffaut, Fresnay, Audiard, Godard ou encore Rohmer, la patrie du  »ciné-cinoche », depuis « Sortie d’usine » tourné par Louis Lumière, en mars 1895, et les temps pionniers du cinéma, apocope de cinématrographe, nom donné par Léon Bouly en 1892 à l’appareil de projection dont il déposa le brevet, et mot polysémique désignant l’art, sa technique ou encore, par métonymie, la salle dans laquelle il est projeté. Sachant que c’est notamment dans cette dernière acceptation, que le terme est lui-même souvant abrégé dans le langage familier. Et si les films sont des objets culturels issus d’une culture spécifique, dont ils sont le reflet, leur diffusion est potentiellement universelle grâce au développement de techniques ayant permis un rayonnement mondial des films, par le sous-titrage ou le doublage des dialogues, ainsi par leur mise à disposition dans des formats domestiques. Ils sont susceptibles aussi de devenir de purs produits commerciaux, au sens où les sommes drainées par cette industrie peuvent être colossales, malgré les coûts de production, eu égard au nombre potentiellement important de spectateurs payants.
 


Retour à La Une de Logo Paperblog