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Les voeux d'Audur Ava Olafsdottir

Publié le 08 janvier 2012 par Vivreenislande @vivreenislande
Les voeux d'Audur Ava Olafsdottir Nous n'aurons pas vu les pénates d'Audur Ava Olafsdottir. J'écris "nous" car ma fille Louise m'accompagnait, ravie à l'idée de rencontrer l'auteure de Rosa Candida et de lui faire part de son intérêt pour le livre. C'est dans son jardin que nous avons été conviés à filmer ses voeux. Dur d'imaginer que cet espace recouvert de neige lui sert de bureau en été. Difficile de concevoir que les pérégrinations d'Arnljotur ont été rédigées sur cette table blanchie par trente centimètres de poudreuse. Il fait froid. Et l'intensité lumineuse du variateur universel décline lentement mais sûrement. Il est à peine 15h. Normal. Il convient de ne pas perdre de temps. Nous n'en perdrons pas. Bien qu'elle soit détendue et souriante, Audur ne souhaite manifestement pas s'attarder. De toute façon, les -4° de la température extérieure ne favorisent guère les longues palabres enflammées. Même en français, une langue que maîtrise parfaitement notre hôte.
Il y a de la force chez cette femme. Autant de force que de réserve. Alors l'entretien sera court. Et ses souhaits pour 2012 le seront aussi. Curieux d'en savoir un peu plus, nous apprendrons tout de même qu'un nouveau roman doit paraître chez Zulma au printemps prochain. Dans cette nouvelle histoire d'amour qui se déroule en Islande, il est question d'une femme qui parle une douzaine de langues et d'un enfant muet qui ne parle que celle des signes. Audur est bien plus féconde quand elle écrit que lorsqu'il s'agit de parler à de parfaits inconnus. Mais qui s'en plaindrait ? Pour le plaisir, un extrait de Rosa Candida :
- "Tu t'occuperas du dîner pour ton père et toi si je ne suis pas rentrée à temps, tu n'auras qu'à réchauffer les boulettes de poisson d'hier. ça va prendre encore du temps ici."
Puis elle fait une pause avant de reprendre la description de son paradis aux couleurs d'automne. Le soleil dont elle parlait est totalement occulté pour moi. Il pleuvait sur tout le pays ce jour-là et selon le rapport de police, c'est justement la pluie sur la route qui a causé l'accident. Tout était trempé, l'asphalte était trempé, les prés étaient trempés, le champ de lave était trempé et elle décrivait les nuances extraordinaires de la terre, le scintillement de la mouse que le soleil dorait au milieu de la lave noire, elle parlait de cette belle clarté, elle parlait de la lumière, oui de la lumière.
- "Tu es dans le champs de lave, maman ? Tu es blessé maman ?"
- "Il me faudra sans doute une nouvelle monture pour mes lunettes."
Je sais maintenant que la communication tire à sa fin mais pour rallonger le temps du souvenir, pour regarder mentalement l'adieu de maman, pour la garder près de moi plus longtemps, au moment de la récapitulation j'ajoute au scénario ce que je ne suis pas arrivé à lui dire à temps.
- "Mais maman, maman, je me demandais si nous ne devrions pas essayer de transplanter ta rose à huit pétales de la serre au jardin, dans une plate-bande pour voir si elle passe l'hiver ?"
Ou bien je pourrais lui demander quelque chose qui prendrait plus de temps à détailler.
- "Comment est-ce qu'on fait une sauce au curry, maman, et une soupe au cacao maman, et une soupe au flétan ?"
Ensuite il me semble qu'elle a dit, mais je n'en suis pas tout à fait sûr, qu'il faudrait que je supporte papa même s'il est un peu vieux jeu et a ses petites manies. Et continuer à être gentil avec mon frère Josef.
- "Sois gentil avec ton père. Et n'oublie pas ton frère Josef. Tu lui tenais la main quand vous étiez encore au berceau" - se peut-il qu'elle ait dit ça ?
Et puis on entend un bruit d'aspiration assourdi qui fait penser à un tout de début de pneumonie, maman a cessé de parler.


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