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Le 31 décembre, il fallait se livrer à ce petit exercice ô combien édifiant: comparer les vœux du Président de la République française à ceux de la Chancelière allemande. A croire que les deux États se situent chacun aux antipodes de la planète. Qu’on en juge: pour le premier, une dramatisation à outrance qui évoque, sur fond de catastrophisme, la gravité "inouïe" de la situation. Au point de déclarer "2012, année de tous les risques" pour un "destin" national susceptible de "basculer". Rien de cela outre-Rhin pour une chancelière raisonnablement "optimiste": avec un "chômage qui n’a jamais été aussi bas depuis vingt ans", "l’Allemagne va bien". Et d’en "remercier ses compatriotes" qu’elle invite à poursuivre sur le chemin d’un pays "menschlich und erfolgreich": humain et qui réussit. Tout en rappelant la phrase identitaire du poète Heinrich Heine: "Deutschland, das sind wir selber" (l’Allemagne, c’est nous-mêmes).
Cette ambiance calamiteuse plombe pour le moment la campagne présidentielle française. Au point de se demander si le prochain quinquennat ne va pas être, lui non plus, la victime de cette "décennie perdue": malgré ses rodomontades, Nicolas Sarkozy ne peut ignorer le vent de défaite qui souffle sur son camp. Pris à son propre piège d’un président soucieux d’ajourner les tourments d’une candidature déclarée, ses projets inopinés sur la TVA sociale illustrent le caractère désespéré d’une fin de mandat où il se trouve condamné à agir sans en avoir les moyens: s’il s’agissait d’une excellente initiative, le gouvernement ne dépenserait pas autant d’énergie à en modifier l’appellation. Pire encore pour la taxe Tobin sur les transactions financières: dépourvue de sens et à même de menacer les finances de l’Hexagone si les autres États-membres de l’Union Européenne ne l’appliquaient pas. A constater le peu d’enthousiasme de l’Allemagne et de l’Italie, toutes deux en faveur d’une solution strictement européenne en la matière, la résolution du chef de l’État va se borner à un coup d’épée dans l’eau.
Il en est de même pour le candidat socialiste. Pas forcément des plus heureux, son changement de ton aux allures faussement mitterrandiennes accentue davantage le flou des mesures évoquées par François Hollande: report "dans un autre temps" de la présentation de sa plate-forme pourtant attendue lors de son meeting du Bourget le 22 janvier, "pas d'annonce fracassante" dans les semaines à venir et conceptualisation des thèmes de campagne trop intellectualisée. Une preuve de la circonspection de la gauche, encore un peu trop "plurielle" pour s’entendre sur un catalogue précis de propositions. Des propositions que la volatilité et l’incertitude économiques promettent par surcroît d’invalider à peine prononcées.
A quelque cent jours du premier tour de scrutin, c’est donc la quadrature du cercle: Nicolas Sarkozy qui adopte -bien tardivement- une attitude présidentielle posée jusque dans les mots est condamné à se remuer tous azimuts pour ne pas perdre. Contraint de choisir un ton plus offensif destiné à faire taire les critiques sur sa prétendue mollesse, le candidat François Hollande doit accepter, pour l'emporter, de s'en tenir à un pur attentisme dans ses projets.
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