Un fleuve immense, en sa course éternelle,
D’un pas égal roule ses flots puissants :
Là chaque monde a sa vaste nacelle,
Là glisse aussi chaque barque mortelle,
Conque fragile abandonnée aux vents.
Là notre vie, un moment balancée,
Suivant du temps les immortelles lois,
Naît et s’écoule, à mille soins passée,
Et là bientôt, sous la vague enfoncée,
Près des haillons meurt la pourpre des rois.
C’est le destin fatal de la matière ;
Tout a sa tombe auprès de son berceau :
Monts dans les cieux levant leur tête altière,
Et corps de l’homme, et globes de lumière ;
Tout !.. L’esprit seul reste et plane sur l’eau.
Lui seul, partout, à sa source remonte ;
Lui seul a part au lot de l’Éternel ;
Lui seul du temps il sait faire le compte ;
Lui seul, faisant ou sa gloire ou sa honte,
Peut être grand même en un corps mortel.
Qu’il soit donc grand en nous ! qu’il s’enrichisse
De tous les biens que nous offre le sort !
Que la bonté, la vertu l’ennoblisse !
Que le savoir le guide et l’embellisse,
Et, par la foi, qu’il sourie à la mort !
Frédéric CAUMONT (XIXe siècle).
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