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La taxe Tobin

Publié le 10 janvier 2012 par Raphael57

 

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Après l'évocation d'une TVA sociale, Nicolas Sarkozy a annoncé qu'il souhaitait mettre en place une taxe sur les transactions financières, quitte à faire cavalier seul si les autres États membres de l'Union européenne ne le suivaient pas. Cette déclaration n'a bien entendu pas manqué de provoquer des réactions sinon virulentes au moins crispées. Jean-Pierre Jouyet, président de l'Autorité des marchés financiers (le gendarme de la Bourse qui n'a pas vu venir la crise...) considère, quant à lui, qu'il s'agit d'une " bonne idée sur le fond, et en premier lieu d'un point de vue moral".

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Pour l'anecdote, souvenez-vous de ce débat télévisé en 1999, où un certain Nicolas Sarkozy considérait une telle taxe sur les transactions financière comme une "absurdité" :

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Que faut-il donc en penser ? Décryptage !

De quoi s'agit-il ?

En 1972, un économiste américain nommé James Tobin (prix Nobel d'économie en 1981) proposait de taxer les transactions financières à hauteur de 0,05 % (maximum 0,2 %) par mouvement financier, dans le but de lutter contre la spéculation. Il préconisait que les fonds récoltés par les Banques centrales grâce à cette taxe soient redistribués aux pays du tiers monde pour assurer leur développement. Mais ne faisons pas de contresens, James Tobin s'est toujours déclaré favorable au libre-échange et n'a jamais été un altermondialiste, comme il l'a dit lui-même dans une interview donnée à Spiegel en 2001.

Depuis, la taxe Tobin a surtout fait parler d'elle avec la création de l'Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne, ATTAC, qui milite pour sa création.

Quel est le principe de cette taxe ?

L'idée est qu'une taxe bien calibrée sur les transactions financières internationales pourrait "jeter quelques grains de sable dans les rouages de la finance internationale", selon les propres mots de James Tobin. En clair, on espère que cette taxe limitera les mouvements spéculatifs et donc stabilisera le système financier dans son ensemble. Pour mémoire, il s'échange chaque jour plus de 4 000 milliards de dollars sur le marché des changes et le marché des produits dérivés à explosé depuis une décennie !

En 2011, suite à une proposition faite lors d'un G20, la Commission européenne avance le projet d'une taxe sur les transactions financières, qui s’appliquerait à partir de 2014 et servirait essentiellement à alimenter le futur budget de l’Union européenne. Les actions et des obligations seraient taxées à 0,1 %, tandis que les produits dérivés le seraient à 0,01 %. Cette taxation devrait ainsi rapporter environ 50 milliards d'euros par an, qui abonderait soit le budget européen, soit le fonds de stabilité financière (FESF). Peut-être restera-t-il un petit epsilon pour l'aide au développement... Mais cette taxe pourrait aussi lutter efficacement contre le trading à haute fréquence, qui représente aujourd'hui plus de la moitié des transactions financières et qui crée de l'instabilité sur les marchés financiers.

Quelles seront les difficultés rencontrées pour mettre en place une telle taxe ?

Premièrement, comme la plupart des transactions financières passent par une banque, il y a fort à parier que les frais bancaires augmenteront, les banques s'arrangeant pour en faire payer une partie à leurs clients.

De plus, si le taux de la taxe est trop élevé, elle risque alors de décourager les investissements productifs à l'étranger puisque les actions et obligations sont également concernées. Il s'agit donc de bien calibrer celle-ci afin qu'elle ne limite que les transactions effectuées à court terme par les spéculateurs. Il ne s'agit donc pas non plus de rétablir l'impôt de bourse qu'on a connu jusqu'en 2008, et qui ne touchait que les actions pour faire simple. Cela ne correspond pas à l'esprit de la taxe Tobin qui préconisait de taxer toutes les transactions financières internationales. Or, il ne sera pas facile de taxer les transactions sur produits dérivés effectuées de gré à gré et qui échappent donc souvent à toute traçabilité.

Bien entendu, le principal problème évoqué est celui de la coordination internationale. Même si je ne nie pas l'effet d'entraînement possible si la France appliquait seule cette taxe, il ne faut perdre de vue que les pays qui ne l'appliqueront pas se feront un plaisir d'accueillir les capitaux spéculatifs du marché des changes et des produits dérivés. On se souvient du précédent de la Suède, qui avait mis en place une telle taxe en 1984 et qui avait dû faire face à une fuite des capitaux vers Londres et New York. Il est donc indispensable que cette taxe s'applique au moins aux grands pays de l'Union européenne sur tous les marchés de capitaux (changes, dérivés,...), ce qui pourrait avoir raison des réticences qu'ont les États-Unis et la Chine.

Enfin, par construction, si la taxe Tobin fonctionnait de manière efficace, elle découragerait suffisamment  les mouvements spéculatifs pour que son produit soit nul et ne puisse plus dès lors servir l'objectif qu'on s'était fixé (abondement du budget européen, aide au développement, etc.).

En définitive, je suis clairement pour une telle taxation qui est à mon sens légitime, mais celle-ci ne pourra atteindre ses objectifs qu'à la condition d'être appliquée par plusieurs grands pays qui se coordonneront. Or, au vu du nombre de sommets-européens-de-la-dernière-chance qui n'ont servi à rien, on peut douter de la capacité des Européens à s'entendre sur un programme commun à court terme...


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