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Kodak & le storytelling : une image en négatif

Publié le 10 janvier 2012 par Marketingcommunity @marketing_cmnty

Quand on parle du numérique, on pense tout de suite aux conséquences qu’il a eu sur l’industrie du disque et qu’il a aujourd’hui sur celles du cinéma et de l’édition. Pourtant, la disparition annoncée de Kodak vient nous rappeler qu’aucune icône industrielle du 20e siècle n’est à l’abri. C’est ce qui se passe quand on abandonne son storytelling.

Une icône du 20e siècle…

Ironie : l’homme qui a inventé la photographie accessible au grand public, George Eastman (1854-1932), ne supportait pas d’être pris en photo. Il voulait en effet pouvoir continuer à se promener dans la rue sans être reconnu. Il a fondé en 1881 l’entreprise qui porte encore son nom, la Eastman Kodak Company. Le mot «Kodak» a été choisi parce qu’il se prononçait facilement dans toutes les langues et ne signifiait rien d’offensant dans aucune !

Mais tout a une fin. Pensant disposer d’un monopole de droit divin sur la photographie grand public, l’entreprise s’est arrogée celui de freiner l’innovation chez ses concurrents à coups d’avocats et d’injonctions (un interminable procès avec Polaroid lui a coûté un milliard de dollars… en vain !). Or, à la fin du 20e siècle, plus aucune rente n’était éternelle et la photo argentique était condamnée.

Les familles ont changé, pas la façon dont Kodak s’adressait à elles avec des campagnes de pub de plus en plus mièvres (à la notable exception du marché français et de la saga des Kodakettes signée par Jean-Paul Goude). Ces dernières années, l’entreprise avait déjà dû «s’alléger» de 80% de ses effectifs et d’une bonne partie de ses réserves monétaires. Et son dernier espoir reposait sur la vente de ses brevets tous plus ou moins dépassés…

…Qui n’a pas vu arriver le 21e siècle

À quel moment l’histoire de Kodak s’est-elle mise à bégayer, puis à dérailler ? En fait, dès que l’entreprise s’est prise pour un fabricant d’appareils photo et de pellicules. Ainsi, elle a refusé la photocopieuse, pourtant mise au point en interne, parce qu’elle ne cadrait pas avec son positionnement. L’ingénieur qui en est à l’origine est parti fonder Rank Xerox.

Même chose avec l’invention des appareils photos à développement instantané. Ils mettaient en danger son modèle, reposant notamment sur le développement des pellicules dans les labos du groupe. Le coupable de ce crime de lèse-majesté a été viré… et a lancé Polaroid !

Accompagner ce que nous sommes, pas ce que nous avons

Autrement dit, Kodak n’a jamais su faire autre chose que vendre ses produits, au cycle de vie forcément mortel, au lieu de raconter une histoire. Or, les photos ne sont pas des bouts de papier qu’un processus chimique impressionne. Ce sont des souvenirs, des histoires, que nous nous constituons. Laissons la parole à George Eastman qui avait mieux compris tout cela que ses successeurs sans vision : «Ce que nous faisons pendant les heures de travail détermine ce que nous avons ; ce que nous faisons pendant les heures de loisirs détermine ce que nous sommes». L’entreprise avait cette capacité à nous accompagner dans ce que nous sommes. En ne nous proposant plus que de nous accompagner dans ce que nous avons, Kodak a creusé sa tombe avec ses dents.


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