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La fille qui s’accrochait au pinceau parce que monsieur Loïc allait retirer l’échelle

Par La Chose

La fille qui s’accrochait au pinceau parce que monsieur Loïc allait retirer l’échelle

Parce qu’une blogueuse influente se doit impérativement de passer à Question Maison, qui est une émission pour les gens riches qui ont du mal à choisir entre piscine modulaire en teck et SPA en marbre de Carrare (alors que D&CO, c’est une émission pour les gens pauvres qui hésitent entre les stickers “tête de tigre” et le carrelage imitation bois flotté de chez Bricorama)

Je ne sais pas si tu as remarqué, mais je viens de refaire la déco de mon blog.
C’est rapport au nouveau salon qu’on est en train de construire à la place de la buanderie – chaufferie – débarras – toilettes pour Eva Braun, dans notre vraie maison à nous.
On s’est dit, comme ça, que ce serait trop bien d’avoir une grande salle au rez-de-chaussée, avec des canapés très confortables et des lumières tamisées comme dans la camionette de la mère Soizig, qui est une dame très sympa qui travaille seulement le soir, au bord de la route pas très bien goudronnée qui va vers la déchetterie et l’élevage de porcs de monsieur Le Flo’ch. Loutre essaye de me convaincre que la mère Soizig vend des pleurotes dans son camion (entre vingt-et-une heure et six heures du matin, dans une camionette décorée avec les silhouettes des Drôles de Dames mais sans les vêtements), mais je sais pas, j’ai des doutes.

Donc on a décidé de faire des travaux, mais dès le début on a pris un peu de retard, rapport au fait que Loutre avait prévu d’installer ses six mille livres de poche dans des grandes bibliothèques en bois le long des murs. Mais comme moi j’étais pas au courant, j’ai commencé à dessiner les plans de mon côté, et bien sûr quand je lui ai montré, ça a fait des histoires, surtout à cause de la télé de 140 centimètres que j’avais dessinée sur mon plan à l’endroit où Loutre avait imaginé des rayonnages pour les oeuvres complètes de Balzac et de Zola dans La Pléiade,  et puis aussi un peu parce que j’avais dessiné tout plein de rangements pour mes DVD de zombies et mes consoles de jeux, et que Loutre a hurlé qu’il était hors de question de mettre une télé dans la pièce, et encore moins des jeux vidéos pour débiles mentaux, et alors j’ai couiné que j’allais mourir, et Loutre a répondu que ce serait tant mieux, et puis monsieur Loïc a sonné à la porte et on a dû arrêter de s’engueuler provisoirement.

Monsieur Loïc, c’est le type qui fait les travaux. C’est ma copine Patsy qui m’a donné ses coordonnées (en vrai elle s’appelle Odette, mais je peux pas écrire ça sur mon blog). Patsy, elle trouve monsieur Loïc formidable depuis qu’il lui a refait sa salle de bain et sa cuisine, l’été dernier, alors elle conseille à tout le monde de l’embaucher. Comme on avait eu Bob qui avait cassé tous les murs et refait la plomberie juste avant, on s’était dit que monsieur Loïc n’aurait qu’à terminer le placo-plâtre et faire un peu d’électricité (oui je sais, dit comme ça on dirait que c’est über fastoche, alors que j’aurais à peu près autant de facilité à poser un interrupteur qu’à pratiquer une fistule artério-veineuse chez le campagnol).
Monsieur Loïc, c’est un vrai Armoricain, il a les cheveux rouges et le nez rouge aussi. Il est pas trop moche, si tu aimes bien Mickey Rourke (pas dans Angel Heart mais plutôt dans Sin City, quand il ressemble à Igor Bogdanov). Il parle très fort et il rigole beaucoup. Au moment où il est entré dans la maison, Eva Braun est venue lui renifler les chaussures, et d’habitude, elle fait tout de suite pipi sur le bas du pantalon des gens pour exprimer sa totale indépendance d’esprit, mais là, elle a levé les yeux vers monsieur Loïc, et puis elle est tombée sur le dos, paf! juste comme si elle venait de décéder, et elle est restée les quatre pattes en l’air en ronronnant et en lui lançant des oeillades énamourées.
Monsieur Loïc  s’est mis au travail vers la fin du mois de novembre, en nous disant qu’il en avait pour une petite semaine au grand maximum et qu’on fêterait Noël dans un salon tout neuf en matant “Arrête de ramer, t’es sur le sable” en HD sur notre téloche d’enfer avec notre Home Cinema de la mort. C’est là que Loutre a recommencé à gueuler à propos de Maupassant qu’on assassine.

Tous les jours, monsieur Loïc arrivait dans sa vieille camionette qui ressemble bizarrement à celle de la mère Soizig, même si la déco est un peu différente (il a dessiné des symboles anarchistes et des machins sexuels sur les portières arrière, et puis il a écrit “Bourgeois, arrête de ricaner, ta fille est à l’intérieur”). Il sortait ses affaires de bricoleur (plein d’outils que j’aurais du mal à nommer, et puis deux packs de Bavaria), il mettait de la musique sur son vieux ghetto blaster et il passait en boucle Boombastic de Shaggy. Très vite, il avait chaud, alors il se mettait torse nu en chantant “mister lova lova” et en ondulant des hanches comme dans une pub pour un soda. Eva Braun, ça la mettait en transe. Dès qu’il arrivait sur le chantier, elle lui faisait le coup de tomber raide sur le dos, et puis après elle restait à ses pieds et elle le regardait comme si c’était un saumon géant ou une boîte de Sheba au pâté de foie. C’était très étrange, surtout que comme je te l’ai dit, monsieur Loïc, il est pas spécialement beau. En plus, je me suis vite rendu compte qu’il plantait les clous de travers, un peu comme moi, et que quand il faisait de l’électricité, il oubliait souvent les plombs, alors parfois on l’entendait hurler en bas, et puis il montait nous voir pour demander un verre d’eau, et ses cheveux ça faisait comme la coupe d’Aretha Franklin mais avec de la fumée dedans.

Un mois plus tard, le chantier a bien avancé, vu qu’on a de la lumière sous l’escalier (qui est l’endroit où Eva Braun fait caca quand elle est contrariée, alors ça tombe plutôt bien, des fois qu’elle aurait envie de lire Le Figaro aux toilettes) et aussi qu’on ne prend plus de coup de jus quand on essaye de brancher la machine à laver dans la future nouvelle salle de bain. Par contre il manque encore deux ou trois petites choses, comme les murs, et aussi le plafond.
Quand j’ai dit à ma copine Patsy que franchement, c’était un peu la loose d’avoir monsieur Loïc pour le carrelage, vu qu’il posait les dalles tout de travers, elle a rigolé et elle m’a dit que c’était pas vraiment son domaine d’expertise, en vrai, si tu vois ce que je veux dire? J’ai dit non, je vois pas bien, j’avais l’impression d’être dans une scène d’un film avec Meg Ryan, et Patsy elle a encore rigolé et elle m’a demandé si j’avais vu 9 semaines 1/2. J’ai dit que non, mais que ça semblait presque aussi prometteur que 28 jours plus tard. Elle a rigolé encore plus fort et elle m’a expliqué des choses que je ne peux pas écrire sur ce blog parce que ma mère vient parfois lire mes billets.

Ce qui est bien, c’est qu’on a peut-être un chantier de merde, mais au moins maintenant je sais de source sûre que la mère Soizig, c’est pas des pleurotes qu’elle vend.


Classé dans:A propos du développement personnel et de la recherche du bonheur (c'est ça...)

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