Quelle abondance de
propositions, quelle prolixité de la part d’un gouvernement quasiment sur le
départ !
Disons le tout net, ça part dans tous les sens !
Nous avons, en vrac :
La TVA sociale, sujet pas franchement nouveau, sujet complexe, que l’on veut
pourtant traiter en 2 mois ;
On en a déjà
parlé, les pseudos opérations de sauvetage des entreprises en difficulté et
dont les difficultés ne datent pourtant pas d’hier ;
La taxe Tobin que Sarkozy est tellement pressé de voir portée à son crédit
qu’il est prêt à y aller tout seul !
Le forcing du gouvernement pour faire adopter la
RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale des entreprises) qui date
quand même du Grenelle de l’environnement;
Une réforme législative pour permettre aux entreprises de conclure des accords
revenant sur le temps de travail ;
La réforme de la formation des enseignants et de leur évaluation ;
Gageons qu’on parlera bientôt d’insérer une dose de proportionnelle dans le
mode de scrutin des législatives ;
Et ce n’est évidemment pas fini !
Tout cela fait penser à un baroud d’honneur de la part de Sarkozy, il fait
feu de tous bois comme s’il venait de réaliser qu’il ne lui reste plus que 100
jours pour convaincre les français de le reconduire à son poste. Du coup, c’est
quasiment une réforme par jour qu’il essaye de faire passer à la va
vite.
Malheureusement, l’action dans la précipitation est souvent une action
bâclée qui risque d’être, au mieux inefficace, au pire une grosse erreur
!
Mais ce n’est pas grave, soit les français mettent ces réformes à son
crédit, le réélisent, et après tout c’est l’essentiel, soit ils le renvoient
dans ses foyers Neuilléens et dans ce cas ça sera à l’ex gros de se démmerder
avec les conséquences de tout ce bazar !
Prenons l’exemple de la TVA sociale. Il apparait évident qu’on ne bâcle pas
la mise en œuvre d’une réforme aussi sensible et complexe que la TVA sociale
sous peine de faire un bide magistral et de saborder à jamais l’idée (voir à ce
propos l’article de
L’Hérétique) qui pourtant, répétons le, mérite réellement d‘être considérée
sérieusement et …sereinement.
Il en est de même de la taxe Tobin qu’il serait naïf de considérer comme
l’arme fatale anti spéculation, mais qui n’est pas une mauvaise idée, encore
faut-il qu’elle soit appliquée, au moins dans l’ensemble de l’Europe sinon dans
le monde entier. Il y aller en solo, c’est s’exposer à la délocalisation du peu
d’activité financière qui subsiste en France. Lorsque l’on sait, que s’il y a
bien une activité facilement délocalisable c’est bien celle-là, on est en droit
de s’interroger sur la pertinence d’une telle décision.
Je rappelle aux lecteurs béotiens ou très très jeunes, que jusqu’en 2008,
c’est tout récent, existait en France un « impôt de bourse » qui
était appliqué sur les transactions boursières effectuées par des résidents
français sur les valeurs françaises et étrangères cotées en France ou à
l'étranger. Je rappelle également que même si le périmètre de feu cet impôt de
bourse était bien plus réduit que celui de la peut-être future taxe sur les
transactions financières, il avait été supprimé par
Christine Lagarde, ministre de …Nicolas Sarkozy, qui avait en son temps
déclaré : « Il est clair que le développement de la place de Paris
nécessite un environnement fiscal attractif » !
En toute logique, si sa suppression était destinée à rétablir l’attractivité
de la Place de Paris, le rétablir unilatéralement surtout en en élargissant
très sensiblement l’assiette (puisque concernerait toutes les transactions
financières…sauf les opérations de change) devrait à contrario, porter un coup
important à l’attractivité de la Place de Paris !
Mais évidemment, les temps ont changé et il est beaucoup plus populaire
d’établir une taxe sur les transactions financières censée ramener des sous
dans les caisses exsangues de l’Etat et freiner la grosse vilaine spéculation,
que de se préoccuper de l’attractivité de la Place de Paris !
Le problème, c’est qu’ à le faire seuls, il est fort probable que les
caisses de l’Etat n’y gagnent pas grand-chose et que la spéculation s’exile,
mais juste pour le symbole, juste pour pouvoir dire « vous voyez que je ne
suis pas que de la gueule », ça vaut la peine de se précipiter et de courir le
risque. Quand à l’effet d’entrainement que revendique Sarkozy, là, c’est
carrément la grande illusion !
D’une manière générale, il y a quand même quelque chose d’étonnant dans
cette frénésie de taxes et impôts en tous genres qui fleurissent dans la
précipitation (il faut lire la Loi de finances 2012 et, ne riez pas, la 4ème
loi de finances rectificative pour 2011, c’est édifiant, ça part dans tous les
sens).
Difficile de trouver une cohérence dans tout cela, voire une stratégie digne
de ce nom, sauf à considérer que grappiller des sous à droite à gauche
constitue une stratégie. La fiscalité française était déjà d’une complexité
ahurissante, le moins que l’on puisse dire c’est que ça ne s’arrange pas. Or,
la fiscalité, surtout lorsqu’elle est élevée (et c’est le cas), pour pouvoir
être acceptée par les contribuables, doit être lisible. C’est de moins en moins
le cas, entre les niches fiscales qui ne sont qu’à moitié rabotées, les taxes
nouvelles, les taux qui se multiplient (cf. la TVA), les exemptions et
abattements qui certes se réduisent mais qui répondent à des règles toujours
aussi nombreuses et complexes ou les taux qui augmentent sous condition, plus
personne ne sait qui paye quoi, quand et à plus forte raison
pourquoi !
Pour en revenir à la frénésie de réformes à laquelle nous assistons ébahis,
elle relève quand même une des limites de notre démocratie, dans laquelle toute
décision politique d’importance est contrainte par le calendrier
électoral.
Or, le temps électoral est extrêmement court et rarement compatible avec le
temps exigé par une réforme pour être préparée, proposée, discutée, mise en
œuvre et surtout pour qu’on en évalue précisément les effets bons ou
mauvais.
Pour autant, à l’arrivée d’une échéance, surtout lorsqu’il s’agit de
renouveler un mandat, il y avait jusqu’ici généralement 2 attitudes :
Celle consistant à faire le mort pour ne fâcher personne et celle consistant
à distribuer à tout va pour tenter de satisfaire tout le monde. Sarkozy, d’une
certaine manière innove, en balançant tout azimuts, sans se préoccuper de
fâcher ou non, uniquement pour occuper à tout prix le terrain et renforcer
ainsi, du moins l’espère t’il, son image de grand timonier dans la
tempête.
Difficile de savoir si cette agitation réformatrice de dernière minute
paiera sur le plan électoral surtout lorsqu’elle apparait sur beaucoup de
points comme une volte face tardive !