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Mon métier : Designer industriel par Matali Crasset

Par Vincent Espritdesign @espritdesign
Projet blobterre Centre Pompidou - credit photograph : Simon Bouisson

Projet blobterre Centre Pompidou - credit photograph : Simon Bouisson

Nouvelle et première interview en 2012, un honneur de vous présenter Matali Crasset, designer industriel française réputée.

Matali Crasset- Credit : Patrick Gries, courtesy Justin Morin

Matali Crasset- Credit : Patrick Gries, courtesy Justin Morin


- Quel est votre parcours, formations en quelques mots ?
Je suis designer industriel. Je me suis plongé dans ce métier après une erreur d’orientation : une conseillère d’orientation en Champagne Ardenne m’avait en effet fait comprendre que ce métier n’était pas du tout pour moi et que je faisais fausse route, comme si je voulais décrocher la lune.

J’ai fait mes études aux Ateliers, ENSCI, la seule école publique qui à l’époque formait au design industriel. J’ai adoré cette période.

- Pouvez-vous définir votre travail en un mot ? Un objet ? Un style ?
Je dirai que c’est d’accompagner dans le contemporain. J’entrevois de plus en plus ce métier, à travers les projets que je mène, comme celui d’un accoucheur, d’un maïeuticien.

Il s’agit de moins en moins de mettre en forme de la matière – de l’esthétique - mais plutôt de faire émerger, de fédérer, d’organiser, autour d’intentions et des valeurs communes, des liens et des réseaux de compétences, de connivence, de socialité.
La majorité des projets sur lesquels je travaille actuellement mettent en évidence cette dimension de travail collectif et collaboratif. Je pense au récent projet de la Maison des Petits au 104 à Paris, aux maisons sylvestres pour le Vent des forêts à Fresnes au Mont dans la Meuse, à l’école Le blé en herbe à Trebedan en Bretagne avec la Fondation de France, la Dar’hi à Nefta en Tunisie.
Il y a donc une dimension de plus en plus locale qui m’intéresse beaucoup. On voit bien que la contemporanéité n’est plus l’apanage exclusif du monde urbain.

Bien évidemment, je dessine aussi des objets, mais les objets ne sont ni le centre, ni la finalité du processus de création; Il en sont une actualisation possible parmi d’autres (une architecture, une scénographie, une exposition…) à un moment déterminé, d’un système de pensée plus vaste.

«Avec qui» : le designer ne fait pas des projets seuls. Je ne suis pas artiste, même si je développe une pensée autonome. Je prends beaucoup de plaisir à me confronter aux forces de l’usage, à intégrer les contraintes et à travailler à partir d’elles.

DARHI hotel Tunisie par Matali Crasset
DARHI hotel Tunisie par Matali Crasset - Photos : Jérôme SPRIET
DARHI hotel Tunisie par Matali Crasset - Photos : Jérôme SPRIET
DARHI hotel Tunisie par Matali Crasset - Photos : Jérôme SPRIET

DARHI hotel Tunisie par Matali Crasset - Photos : Jérôme SPRIET

- Quels sont les designers qui vous inspirent ou que vous appréciez particulièrement ?
Je citerai Bruno Munari, Nanna Ditzel, Joe Colombo… De Bruno Munari, pour son indépendance farouche et sa liberté totale, designer, artiste, graphiste, à une époque où on nous parle de nos passerelles entre l’art et le design, on comprend bien que ces passerelles ne sont que des leurres.

Après Nanna Ditzel pour ses travaux principalement des années 50 à 70, elle a pensé le design en termes de mouvement, de fluidité.

Sinon bien sur il faut reconnaitre à Starck le fait d’avoir à notre génération et celle qui la précède ouvert les portes : sans lui rien ne serait possible aujourd’hui.

- Quelle a été votre première création ?
Le premier projet qui est important pour moi est mon projet de fin de diplôme aux Ateliers : la trilogie domestique, un projet fondateur. Une recherche et une réflexion sur la technologie autour de la lumière, la chaleur et l’eau. Oublier la boîte noire : rendre la technologie visible et compréhensible.

Projet qui me permet de rencontrer et de travailler avec Denis Santachiara. Les éléments – l’eau, le feu, la terre, l’air – deviennent immatériels. La chaleur intégrée au sol devient source immanente. L’homme perd les sensations de l’origine et s’appauvrit. Révéler le sens des éléments en les diffusant.

Trois objets pour la maison, scène personnelle d’objets complices. Lieu de plaisir, d’expérimentation, de découverte.

Trilogie domestique : le diffuseur de lumière, d’images et de mémoire (1991) - matali crasset
Trilogie domestique : le diffuseur d’eau, de senteur et de remous (1991)
Trilogie domestique : le diffuseur de chaleur, de rumeur et d’intimité (1991)

Trilogie domestique - projet de fin diplôme aux Ateliers réalisé avec le concours de l’A.N.V.A.R., bourse A.P.I.E.S.

Les Ateliers, Ecole Nationale Supérieure de Création Industrielle – Paris - crédit photographique : Nicolas Profit

- Avoir des idées c’est bien, les créer, et les distribuer ?
Je ne m’occupe pas de cela. Je laisse à chacun le champ de ses compétences. Mais il est évident que la distribution est au cœur même de la réussite d’un projet.

Je ne juge pas à un éditeur à son réseau de distribution, à son businessplan mais l’aventure auquelle je peux participer et si ma place a un sens.

- Dans quel environnement travaillez vous ?

Mon studio est dans ma maison ou inversement. J’ai sans doute hérité cette manière de travailler de mes parents agriculteurs, pour lesquels vie professionnelle et familiale sont intimement liés.

A l’heure où des personnes passent plusieurs heures dans les transports, je trouve que c’est un luxe inestimable.

- Un conseil à donner au personnes désireuses de se lancer et de devenir designer ?
C’est un métier difficile et qui demande un investissement considérable. Savoir pour quelles raisons ils font ce choix, déterminer et rendre visible leur démarche.

- A quoi ressemble une journée type chez Matali Crasset?
Quand je suis pas en déplacement pour suivre des projets, car c’est une part non négligeable du travail, une journée type commence par un petit déjeuner ! avec ma famille… Un temps où je suis seul et réfléchis aux projets puis un temps que je travaille avec mes collaborateurs dans un ping pong quotidien sur le développement des projets…

Puis nous déjeunons ensemble… et retour sur les projets. L’arrivée des enfants marque une pause gouter avant la fin de la journée… Je ne dissocie de la vie du travail, c’est un plaisir que je ne veux pas me refuser.

- Comment choisissez vous vos nouveaux projets ?
Les projets sont souvent des rencontres. J’ai eu la chance de croiser sur ma route des entrepreneurs audacieux comme Patrick Elouarghi et Philippe Chapele avec lesquels j’ai réalisé le Hi hotel à Nice, la plage Hi beach, la Dar Hi à Nefta et le Hi matic à Paris.

hotel himatic paris par matali crasset - PHOTOS : Simon BOUISSON
hotel himatic paris par matali crasset - PHOTOS : Simon BOUISSON
hotel himatic paris par matali crasset - PHOTOS : Simon BOUISSON
hotel himatic paris par matali crasset - PHOTOS : Simon BOUISSON

hotel himatic paris par matali crasset - PHOTOS : Simon BOUISSON

- Quelle est votre méthode de travail ?
Je réfléchis tout d’abord. Mon travail est mental avant tout, je n’ai pas besoin de passer par le dessin pour chercher. Je ne passe par l’étape du dessin que quand le projet est clairement défini.

Le dessin est pour moi un outil de transmission pas un outil de conceptualisation ou de recherche.

- Consultez-vous régulièrement des livres, sites, blogs consacrés au design ?
Je suis plus curieuse des champs de l’anthropologie, de l’ethnologie, de la sociologie… que des champs du design.

- Ou vous voyez vous dans 5 ans ? 10 ans ?
J’espère toujours ici dans mon île à Belleville.

- Quel projet auriez vous auriez aimé réaliser ?
Je n’ai aucun rêve de projet. Je n’aurai jamais réaliser dans les rêves les plus fous réaliser un pigeonnier, un hôtel dans le sud du désert tunisien… Mes projets sont toujours très variés.

Je travaille actuellement sur deux projets d’hôtels avec des logiques très différentes, un dans le Sud de la France et un autre en relation avec une ONG pour pérenniser l’action d’une école au Sénégal. Un projet d’école primaire en Bretagne est en cours.

Le projet pour le Vent des Forêts dans la Meuse se développe, la deuxième maison sylvestre va être implantée au printemps.

Je poursuis ma collaboration avec l’Abbaye de Fontevraud pour laquelle je réalise la signalétique et le mobilier. Je commence une réflexion autour de l’habitat résidentiel qui est un enjeu passionnant

Les éditions Rizzoli publieront au printemps une monographie de référence sur mon travail et des collaborations avec des éditeurs, Alessi, Campeggi, Danese, Nodus, Le Buisson… continuent.

- Pour terminer, quelle est voter actus ?

L’exposition “infrasons” à la galerie Mica à Rennes jusqu’au 25 février 2012

L’exposition “Le blobterre de matali” au centre Pompidou à Paris, jusqu’au 3 mars 2012

Exposition blobterre Centre pompidou Paris par matali crasset - credit photograph : Simon Bouisson
Exposition blobterre Centre pompidou Paris par matali crasset - credit photograph : Simon Bouisson

Matali Crasset en véritable touche à tout  réalise également des pièces de mobilier ou de décoration :

suspension arturo alvarez par matali crasset

Suspension arturo alvarez par Matali Crasset

fauteuil a chair par matali crasset
fauteuil a chair par matali crasset

Fauteuil a chair par Matali Crasset

canapé dynamiclife par matali crasset pour Campeggi
canapé dynamiclife par matali crasset pour Campeggi

Canapé Dynamic Life par Matali Crasset pour Campeggi

Un grand merci à Matali Crasset, pour sa disponibilité, réactivité et gentillesse, des échanges simples et humains, de quoi respecter encore un peu plus cette grande personne.

Plus d’informations : Matali Crasset

By Blog Esprit Design


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