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Contre l’échec scolaire et le manque de logement, distribuons des bisous

Publié le 13 janvier 2012 par Copeau @Contrepoints

La période pré-électorale, et en particulier la présidentielle, est une période propice au déchaînement violent de bourrasques de bisous humides et autres avalanches de sentiments généreux portés hauts et forts. Avec l’étiolement catastrophique des messages politiques des candidats actuels, le déluge de gros bécots baveux prend une ampleur quasi-biblique.

Avec ces bisous citoyens, je n’évoque pas, pour éviter de faire un billet de plusieurs dizaine de milliers de mots, les tirs nourris de certains candidats officiels pour qui l’arrosage d’idées payées à crédit sur le dos des générations futures est devenu un sport habituel pratiqué avec acharnement.

Non, ici, il s’agit de ces bisous distribués avec une générosité aussi démonstrative que médiatique par les organisations quasiment-non-gouvernementales officiellement autorisées à le faire au rang desquelles on retrouve toujours une foultitude de personnes célèbres, riches, belles, médiatiques ou le tout ensemble.

La semaine a ainsi commencé avec, par exemple, Éric Cantona qui est sorti du mutisme dans lequel l’avait plongé l’échec rôtissant de sa précédente tentative ridicule de faire basculer le monde bancaire en proposant judicieusement à tout le monde de sortir, le même jour, l’argent de son compte. Passé la stupeur du ratage (un an tout de même), Éric a donc choisi ce petit moment pré-électoral pour nous gratifier de ses quelques grammes de brute dans un monde de minables (dixit Copé) : pour notre footballeur / artiste / acteur / indigné / candidat, l’ensemble de la politique du logement en France doit être remis à plat et la Fondation Abbé Pierre, à laquelle il appartient, se faire fort de proposer une foultitude de solutions … qui n’en sont pas.

En effet, sous une pluie de petits bisous aux plus défavorisés, on se rend compte que les propositions formulées ne sont qu’une enfilade d’interventions étatiques aussi grossières qu’à côté de la plaque. La fondation veut ainsi (et je reprends l’excellent commentaire de Vincent Bénard sur son billet) fixer des objectifs nationaux de production, étendre le financement du logement social, taxer plus les logements vacants, empêcher la transformation de logements en résidences de tourisme, obliger les lotisseurs à intégrer 30% de logements sociaux dans leurs programmes, renforcer les obligations des collectivités au titre de la loi DALO, augmenter les seuils « SRU » de logements sociaux et tripler les amendes contre les communes qui résistent à cette forme patente de communisme.

Si l’on y ajoute les velléités d’aménagement planifié, alors que ce sont ces planifications qui sont l’une des principales causes de la pénurie et donc des prix élevés des logements, on comprend que les bons sentiments et les idées généreuses pavent, encore une fois, l’autoroute vers l’Enfer avec des limitations de vitesse inexistantes et des radars pour ceux qui roulent trop lentement.

Évidemment, c’est un exemple typique d’interventionnite aiguë dans le logement, camouflée par une tempête d’embrassades, de Cajoline en quantité industrielle et de méconnaissance totale des mécanismes de base de ce qui reste d’un marché immobilier caché derrière les buissons épais du maquis de régulations étatiques.

On pourrait croire que ce serait le seul. Eh bien non.

Egalité, Taxes, Bisous : République du Bisounoursland

Les présidentielles sont, encore une fois, l’excuse utilisée par une autre association pour présenter ses petites lubies. Il s’agit de l’AFEV (association de la fondation étudiante pour la ville), qu’on tire une fois par an à cette période de l’année, semble-t-il.

Et que propose cette association ? Un généreux et vigoureux Pacte Contre l’Échec Scolaire, qu’on pourra découvrir sur son site dont les couleurs ne sont pas sans évoquer un certain bord politique (mais c’est une pure coïncidence).

N’allez surtout pas sur « Qui Sommes Nous », le bisoumètre explose très vite. Ne faites pas de recherche avec Google sur les subventions que vous, contribuables, versez de force à cette association (un demi million d’euros tout de même pour essayer de réaliser exactement ce que l’Éducation Nationale échoue lamentablement à faire pour encore plus de pognon, mais oups n’en parlons plus).

L'AFEV, des bisous en pagaille

Et donc, puisqu’on y est, que se cache-t-il donc derrière ce Pacte présenté en exergue d’un Libération tout acquis à cette cause chaude et humide ? Avant de se plonger dans le détail des propositions, on découvre que le Pacte en question a été bruyamment signé et relayé par une flopée de libres panseurs sur des jambes de bois, à commencer par l’inénarrable Hessel, digne représentant d’un quatrième âge effervescent dans le n’importe quoi rigolo, suivi immédiatement par une impressionnante cohorte de sociologues (qui, rappelons-le, sont à l’Éducation ce que les astrologues sont à la physique du cosmos).

Et ce pacte contient donc trois priorités. C’est pratique, trois, parce que ça tient sans trop de problème dans le cerveau reptilien étroit d’un candidat à la présidentielle. Et les trois propositions se résument ainsi : en finir avec l’absence de bisous, les mêmes bisous pour tous, et des bisous adaptés au besoin de chacun. Certes, ce n’est pas dit comme ça, encore qu’on puisse le regretter. Mais au final, cela y mène.

En premier lieu, il faut en finir avec l’amalgamefforsouffrance.

Pour nos empacteurs, les enfants sont trop souvent en situation de souffrance à l’école. Pourtant, avec l’armée de sociologue de tout à l’heure, les moyens de l’EdNat qui n’ont jamais cessé d’augmenter en quarante ans, alors que le nombre d’élèves, lui, stagne, on est en droit de se demander comment les générations qui ont subi l’école des années 40, 50, 60, 70 et avant ont bien pu apprendre à lire, écrire et compter alors que tout indique que l’effort y était certainement bien plus grand.

Il est vrai qu’à voir certaines classes, les têtes des élèves, maintenant fort pleines dès 8h le matin, sont très très lourdes et impossibles à lever. Une armée de zombie doit alors faire l’acte héroïque de sa présence pendant les chevrotements monocordes de professeurs approximatifs. La souffrance est palpable.

Le Pacte réclame donc (encore !) la disparition des notes en élémentaire (ah bon, ils ont encore des notes, les petites vermines de CP ? Je croyais qu’ils étaient passés aux smileys, moi). Il propose aussi de faire en sorte que le travail personnel (les devoirs, en langage normal) soit intégré au temps scolaire (fait à l’école, en somme). Il n’est plus tout à fait personnel, ce n’est plus tout à fait du travail, et il n’y aura pas de notes. Tu la vois bien, la grosse éducation de combat, là ?

À noter la proposition criante de pragmatisme : « L’observation du climat scolaire ». Ça se fait avec des longues-vues spéciales, teintées, pour être correctement ébloui et se griller la rétine et les neurones qui pensent derrière.

Mais tout ça ne marchera que si l’on …

Réinvente le collège unique

Eh oui : comme le collège unique, introduit à partir du milieu des années 70 (Loi Haby), a prouvé qu’on pouvait progressivement bousiller des générations d’élèves en proposant un même moule à tous les cas possibles, l’idée est de ne surtout pas remettre le principe en question mais d’en remettre une couche, dans un sens différent, pour qu’il pénètre bien la fibre citoyenne. Le tout est de l’étaler avec un mouvement ample et souple, en répétant l’opération pour que les différentes couches ne se voient pas les unes derrières les autres.

Et comme au primaire, avec les vigoureuses non-méthodes, la généralisation de la non-notation et la disparition du tout effort, on produit de petits analphabètes très créatifs et particulièrement culottés, on en vient à la conclusion que, je cite, « Le collège doit être repensé comme le prolongement de l’école primaire ». Quand nous arriverons à la réforme qui permettra au Lycée d’être le prolongement de l’école primaire, on aura vraiment atteint le but initial : former des singes citoyens efficaces pour ce que l’État veut leur faire faire.

Enfin, tout ceci devra s’accompagner d’un changement d’opinion profond vis-à-vis de la filière professionnelle, …

Pour une orientation choisie en filière professionnelle

… car il est injuste qu’on propulse à coup de pieds au cul des petits fouteurs de merde élèves en souffrance dans des filières qui ne sont pas faites pour eux, et, inversement, il faut tout faire pour que ceux qui veulent apprendre un métier autre que (au hasard) sociologue en allant chauffer des bancs de l’Université, s’inscrivent dans cette filière avec plaisir.

Moui. Effectivement, ce serait bien, surtout qu’il apparaît que les filières professionnelles, si elles n’étaient pas systématiquement remplies des rebuts des autres filières, offrent en effet des débouchés crédibles pour un paquet d’élèves que les formidables méthodes d’apprentissages et autres collèges uniques n’ont pas permis d’accrocher aux trains en route vers les sciences dures, les prix Nobel et les grandes écoles, tralala…

Malheureusement, cette belle volonté s’écorche violemment sur le crépi du pragmatisme : grâce à l’argent magique qui pousse sur les arbres, pardon à une hausse bien carabinée de la Taxe Professionnelle, le Pacte propose d’améliorer les conditions d’accueil, d’élargir l’offre de filières (parce qu’il n’y en a pas encore assez), de moderniser le matériel mis à disposition, de renforcer le lien avec le monde professionnel, d’accompagner les bacheliers professionnels vers la poursuite d’études, et de distribuer du bisou à tous les étages.

Opérationnel, pragmatique, finement ouvragé, tout ce plan démontre que rien ne vaut une bonne averse de bons sentiments enrobés dans du bon caramel de politiquement correct pour une barre chocolatée pleine d’énergie du désespoir.

Gageons qu’avec les noms que ce Pacte rassemble déjà, les candidats seront rapidement mis au pied du mur et pourront, comme pour le Pacte Écologique de Hulot en 2007, se passer joyeusement la corde au cou.

Moi, je vais prendre des photos, ce sera grandiose.
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