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QG de campagne : faut-il décentraliser les candidats ?

Publié le 13 janvier 2012 par Variae

« Candidats loin des yeux, candidats loin du cœur ». La propension des candidats à la présidentielle à installer leur quartier général en plein Paris, et au mieux en banlieue ultra-limitrophe, serait une erreur politique, symbole et facteur de rupture d’avec le peuple. L’attaque vise un peu tout le monde, mais se concentre évidemment sur François Hollande, au double titre de sa pole position à gauche et de sa pole position tout court, face à Nicolas Sarkozy. Qu’est-ce que c’est que ce socialiste qui s’installe dans le luxueux 7ème arrondissement ? Ne peut-il pas montrer l’exemple et aller poser ses cartons au milieu des prolétaires, des vrais gens ?

QG de campagne : faut-il décentraliser les candidats ?

Attaque récurrente et qui existe d’ailleurs en des versions plus ou moins radicales. Il y a ceux, comme Jean-Luc Mélenchon, qui s’enorgueillissent de s’installer en pleine ceinture rouge, dans le 9-3. Et puis il y a les ultras de la cause, comme Guy Birenbaum, qui poussent le bouchon un cran plus loin : la Seine-Saint-Denis est encore trop parisienne, c’est la France profonde qui devrait accueillir les PC opérationnels !

C’est une question qui en recouvre en fait plusieurs. Premièrement : la principale fonction d’un QG est-elle sa puissance symbolique ? Manifestement, non. Un QG doit être opérationnel et efficace, point. Pratique, agréable et fonctionnel. Evidemment, on ne peut nier que ce qu’il révèle ou semble révéler de son candidat sera interprété et extrapolé. On pourrait à raison s’interroger sur un candidat de gauche qui ferait installer des robinets en or dans les toilettes. Mais hors excès délirants de ce type, la seule chose sur laquelle doit être jugée un siège de compagne est son opérationnalité, et sa capacité à contribuer à la victoire.

Deuxièmement, l’éternelle et stérile question de la ressemblance entre un candidat et son électorat. Outre le fait qu’une majorité présidentielle est forcément diverse et qu’on se demande comment un seul homme pourrait ressembler à 50% des Français, c’est là encore une fausse piste. Personne ne demande à un infirmier d’être unijambiste pour s’occuper des unijambistes. C’est le propre des démagogues de faire croire qu’un responsable politique ne vaut que par son degré de singerie des clientèles électorales qu’il convoite. Aider les démunis, à votre avis, est-ce tout faire pour leur ressembler et vivre parmi eux, ou tout faire pour qu’ils ne le soient plus ? La réponse est dans la question.

Troisièmement et pour revenir à notre première question, peut-on imaginer un siège de campagne hors de Paris, à « l’ère 2.0 » comme le dit Guy Birenbaum ? Il ne faut pas être naïf : les téléphones, le web et les visioconférences ne remplaceront jamais le fait d’être physiquement présents sur un même lieu. Ce ne sont pas les mêmes synergies, les mêmes alchimies intellectuelles et personnelles qui se nouent (sans même parler de la vitesse de décision collective). Or une campagne a besoin d’un collectif soudé pour gagner. Et, qu’on le veuille ou non, la France est construite en toile d’araignée, des campagnes aux banlieues, des banlieues à Paris. Tous les transports passent par Paris. Même en restant dans la seule région parisienne, il est plus facile pour des « banlieusards » d’aller à Paris que dans une banlieue proche. Et dans Paris, le Parlement, les députés, les sénateurs sont dans le 6ème et le 7ème arrondissement : c’est un fait. Forcer les uns et les autres à accumuler des déplacements inutiles, pour la seule beauté du symbole, serait non seulement absurde, mais terriblement contre-productif dans un contexte où chaque minute compte, à quelques semaines d’un scrutin majeur. Changeons l’organisation géographique, géo-politique du pays, et la géographie des campagnes électorales nationales changera. Ce n’est pas en trois mois que l’on peut changer l’organisation spatiale des lieux de pouvoir.

On pourrait prolonger la discussion, se demander en quoi, par exemple, la région parisienne est moins (ou plus, d’ailleurs) le « cœur du pays », comme dirait Guy Birenbaum, que la province, ou s’interroger sur l’image d’une capitale rongée par les « miasmes » (Guy Birenbaum toujours, emporté par un élan géorgique … et quelque peu urbanophobe). J’arrêterai là, et me contenterai de constater que cette énième polémique vient malheureusement conforter le tour que prend cette campagne, superficielle et riche en diversions en tous genres.

Romain Pigenel


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