D'accord, on peut désavouer les méthodes, voire nier la légitimité des agences de notation. Elles ne sont pas neutres, ni par leur nationalité, ni par leurs propres intérêts. Cela dit, ne parlons pas du juge mais plutôt de ceux qui sont au banc des accusés, avec la France au premier rang.
Depuis combien d'années sait-on que la France est trop endettée ? que les déficits s'empilent dans toutes les strates de la comptabilité nationale ? que ses administrations dépensent trop et trop mal ? que ses systèmes sociaux sont trop généreux ou mal gérées (ou les deux) ? que son déficit commercial est malsain ? que le coût du travail est trop élevé ? que l'on gaspille du précieux capital dans les dépenses courantes ? que les écarts de compétitivité avec l'Allemagne et d'autres perdurent ? Depuis combien de temps se voile-t-on la face ?
Et depuis combien de temps nos hommes politiques insistent sur la paille dans l'oeil bruxellois en oubliant les poutres qu'ils trimballent dans les deux yeux ? A combien de réformes de fond a-t-on renoncé au lieu de corriger nos déséquilibres ? Combien de démissions, de renoncements au fil des années devant l'inévitable train de la catastrophe que l'on voyait poindre à l'horizon et qui nous roule dessus aujourd'hui ? Combien de fois la grève et l'occupation de la rue par les intérêts particuliers ont supplanté le suffrage universel ? Combien de fois le courage de dire la vérité et d'affronter la réalité nous a manqué ? Combien de fois a-t-on parlé aux Français comme s'ils étaient des enfants gâtés impossibles à éduquer ? Combien de fois, de tous bords, a-t-on préféré l'affrontement à la négociation collective ? la passion à la raison ? l'idéologie au pragmatisme ?
Maintenant on s'agite, on crie au scandale, on décide de réformes des traités européens en quelques jours ou mois, là où on mettait auparavant des années. Tout à coup, nous devenons farouchement européens ! Et les promesses de vertus budgétaires sont trompettées de toutes parts ! On racle les fond de tiroirs, on s'agenouille devant les BRIC et les fonds souverains sans même en boire la honte. C'est tout juste si on ne cherche pas des boucs émissaires - espérons ne pas en arriver là, cela rappellerait de trop mauvais souvenirs.
Nous sommes aux abois parce que pendant des décennies nous n'avons pas fait notre travail, ni de politicien, ni de responsable économique ou social, ni de citoyen.
Est-ce politiquement incorrect de dire que cette dégradation, nous la méritons ? Est-ce impensable de croire que les Français, chacun dans leur responsabilité, vont enfin se sortir les tripes pour changer et s'adapter au nouveau monde qui se dessine déjà ? Quand allons-nous accepter d'affronter notre destin la tête droite et les yeux ouverts ? et oser tous les courages ?