Cette grande analyse de la Cochrane Library menée par une équipe internationale de chercheurs sur le médicament anti-grippe oseltamivir (Tamiflu), montre des incohérences dans les études publiées et une sous-déclaration « possible » des effets secondaires. Alors que le médicament a réduit le temps de traitement des premiers symptômes de 21 heures en moyenne, il n'a pas réduit le nombre d'hospitalisations. Les résultats de cette nouvelle analyse des données soulèvent également des questions sur la façon dont le médicament fonctionne comme inhibiteur du virus de la grippe.
Cette étude de chercheurs d'Italie, Australie, USA, Royaume-Uni et Japon, financée par le National Institute for Health Research Health Technology Assessment ((NIHR HTA) a en effet analysé les données plus de 16.000 pages de données d'essais cliniques et de documents utilisés dans le processus d'autorisation de mise sur le marché de l'oseltamivir par les autorités nationales, et soulève aujourd'hui des questions critiques sur l'efficacité et la sécurité du médicament.
Il se trouve qu'avec la recommandation de 2002 de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les gouvernements du monde entier ont dépensé des milliards de dollars dans les inhibiteurs de la neuraminidase tels que l'oseltamivir (Tamiflu) et le zanamivir (Relenza). Le mode d'action de ces médicaments, rappellent les auteurs est de limiter la prolifération des virus chez la personne infectée, ce qui va permettre de réduire la durée des symptômes ainsi que les risques de transmission.
60% des données d'essais randomisés controlés vs placebo de phase III n'avaient jamais été publiées : Dirigée par le Dr Tom Jefferson, auteur de la revue Cochrane et épidémiologiste indépendant basé à Rome, cette équipe de chercheurs a pu récupérer et étudier des données dont une grande partie n'avaient jamais été publiée et identifier de nouvelles preuves décrites comme jusqu'ici « cachées ». Ces recherches ne se sont donc pas particulièrement centrées sur les études largement publiées dans des revues scientifiques. Parmi les données non publiées, celles du plus large essai mené sur 1400 personnes de tous âges, explique le Dr. Jefferson. «Nous craignons que ces données restent indisponibles pour examen par la communauté scientifique." Il précise que l'équipe n'aurait pas pu accéder à certaines données demandées au laboratoire fabricant Roche.
Des incohérences dans les essais publiés : Alors que certains rapports d'essais non publiés mentionnent des événements indésirables graves dont certains même possiblement liés à l'oseltamivir, l'une des deux publications scientifiques les plus citées ne fait aucune mention de tels effets, et précise :"(...) il n'y avait pas d'événements indésirables graves liés au médicament". Des disparités dans les nombres rapportés de personnes infectées des groupes de traitement vs témoins ont également été constatées.
Les chercheurs insistent sur l'urgence de recherches indépendantes sur les deux médicaments, Tamiflu et Relenza, en raison de l'incertitude continue concernant leur efficacité au-delà de la réduction initiale des symptômes, principalement par manque d'accès à certaines données. "Nous pensons que jusqu'à ce qu'on en sache davantage sur le mode d'action des inhibiteurs de la neuraminidase, les professionnels de santé, patients ou autres décideurs doivent réfléchir aux conclusions de notre analyse avant de prendre toute nouvelle décision concernant l'utilisation ces médicaments», concluent les chercheurs.
Sources: The Cochrane Library Neuraminidase inhibitors for preventing and treating influenza in healthy adults et Neuraminidase inhibitors for preventing and treating influenza in children (Visuel Roche à des fins strictement informatives)
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