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Président Sarkozy : êtes-vous encore des nôtres ?

Publié le 18 janvier 2012 par Délis

Depuis le début de l’année,  les snipers de l’UMP tirent à vue sur l’absence d’idées du candidat socialiste. L’accouchement de ce programme saura – pense-t-on-  faire voler en éclat la ligne tout sauf Sarkozy et  rééquilibrer enfin un report des voix si défavorable au second tour – le dernier baromètre de LH2  donne  François Hollande gagnant à 57%-. Un combat d’idées d’autant plus nécessaire pour le Président sortant que la cassure avec les Français est forte. Un divorce qui  ne repose pas seulement sur le bilan ; derrière le passif d’un Président, c’est aussi l’homme et sa personnalité  qui sont en cause.

Or, deux éléments structurels plaident pour que la personnalité des candidats pèse plus fortement encore à cette élection. D’abord le contexte : alors que nul ne saurait prévoir l’évolution de la croissance à deux mois, alors que la disparition de l’euro n’est plus une fiction pour personne,  quelle saurait être la crédibilité d’un programme quinquennal ? Ensuite, la contrainte de la crise : qu’ils le veuillent ou non, les candidats de gouvernement (UMP, PS, MODEM) sont alignés sur une politique d’austérité. Quand le programme ne différencie plus qu’à la marge,  le caractère fait office d’arbitre. Une situation qui met le Président bien en peine.

 Nicolas Sarkozy : l’anti Président ?  

Le sondage TNS SOFRES publié en décembre 2011 constitue une source d’information d’autant plus précieuse qu’il croise les attentes de nos compatriotes envers le «  président idéal »   avec la perception des  candidats en présence. C’est précisément dans cette optique que le tableau se complique pour le Président sortant : le portrait robot du Président idéal semble construit en opposition avec l’image que nos compatriotes ont de Nicolas Sarkozy.

Un Président si loin des Français

Premier déficit pour le président sortant : le sentiment qu’il s’est  éloigné des Français et de leur vie quotidienne. Parmi tous les candidats en lice, il arrive en queue de peloton, 47% de nos  compatriotes estimant que l’item « proche  des préoccupations des gens »  s’applique très mal au Président sortant. Un score d’autant plus gênant que cette qualité constitue le critère premier des Français et notamment des catégories populaires. 

Comment expliquer ce déficit ?  Incontestablement « l’effet château» a pu jouer : l’exercice du pouvoir, les lambris du palais présidentiel créent un sas symbolique entre  Nicolas Sarkozy, comme ses prédécesseurs, et la vraie vie.

Par ailleurs, la séquence internationale a pu  renforcer le sentiment que le Président, au chevet de l’Europe, ne s’occupait pas réellement des problèmes quotidiens des Français.  A cet égard, le sondage TNS SOFRES confirme que pour  les moins favorisés, gérer  la crise internationale lors des sommets ne signifie pas résoudre la crise en France. Seuls 6% des ouvriers évoquent la nécessité « d’être crédible sur la scène internationale » pour résoudre la crise économique.

Une honnêteté qui est en cause

Citée par  33% des Français, l’honnêteté est la seconde qualité attendue d’un chef d’Etat. Comme pour l’item précédent, cette qualité est proportionnellement plus revendiquée par les sympathisants de gauche (38%),  que par ceux de droite (29%).  Et les catégories populaires, ouvriers en tête sont particulièrement sensibles sur cette question, citée par 45% d’entre eux.  

Là encore, l’image  de Nicolas Sarkozy est lourdement ternie. On constate une double fracture. Générationnelle d’abord : plus on est jeune, moins l’on croit dans l’honnêteté de Nicolas Sarkozy.   Catégorielle ensuite : les CSP – ne sont que 15% à estimer Nicolas Sarkozy honnête. La défiance  de cette catégorie, particulièrement marquée,  concerne tous les candidats, hormis Marine Le Pen.  Les affaires qui ont émaillé le quinquennat de Nicolas Sarkozy ont probablement contribué à brouiller son image. Clearstream, Karachi…l’EPAD : même si ces dossiers n’ont rien à voir, même si le Président est dans certaines d’entre elles la victime présumée, demeure pour nos compatriotes un bruit de fond forcément préjudiciable.

Pour contrecarrer cette image, le Président oppose «  un discours de vérité ». Diagnostic sans fards de la crise, refus de l’euphémisme doivent convaincre de son honnêteté intellectuelle. Une posture qui ne convainc pas : ce qui est en jeu réside moins dans l’honnêteté intellectuelle que la vérité de l’homme. 

Un homme du passé ?  

Troisième déficit pour le Président sortant : l’incapacité à projeter un avenir. Seuls 25 % de nos concitoyens estiment le Président «  porteur du changement ». Marine Le Pen obtient la première place avec 43% des suffrages, preuve que sa stratégie de dédiabolisation n’a pas atténué sa capacité à projeter une alternative séduisante. Le changement est également au cœur du positionnement de François Hollande qui obtient 40%. Son slogan   « le changement, c’est maintenant » témoigne de l’attrait non démenti d’une recette classique, qui consiste à promettre un changement forcément protéiforme et large dans lequel chacun peut projeter ses propres aspirations.

Comment renouer avec la confiance ?

 

Dans ce contexte, Nicolas peut-il encore retrouver la confiance des électeurs ? Le bilan constitue objectivement un passif, sur lequel Délits d’Opinion s’est déjà longuement penché. Mais, les reproches à l’adresse du Président témoignent d’une rancœur plus émotionnelle, plus haineuse parfois aussi. Patrick Rambaud, auteur des chroniques corrosives sur le règne de Sarkozy, témoigne dans Libération du 14 janvier des réactions épidermiques que provoque le candidat. Le passionnel a pris le dessus. Les Français se sentent un peu cocus.  Seule bouée de sauvetage pour le Président, la crispation qu’il provoque est à la hauteur de l’intérêt que les Français continuent de lui porter. Cette attention est une arme massive en temps d’élection. D’autant qu’en face, le candidat du parti socialiste ne semble guère passionner. Comme l’explique Xavier Charpentier, co-fondateur de Free Thinking, qui sonde en profondeur les Français via les nouveaux médias sociaux : « François Hollande suscite peu d’appétit. Face à une situation incertaine et somme toute effrayante, face à un possible saut dans l’inconnu, François Hollande ne fait pas envie ». Une fenêtre d’opportunité tant pour Sarkozy que pour François Bayrou.  

Mais pour être à nouveau suivi, le Président doit activer les deux notions qui fondent la confiance : la compétence  et l’éthique. En d’autres termes, il doit  démontrer aux   Français sa capacité à  gérer un pays en crise, mais aussi convaincre  qu’ils  peuvent avoir  confiance en l’homme et ses motivations.

Une  compétence  reconnue

Sur l’item de la compétence, l’image du Président est contrastée. Si les sondages dressent un bilan négatif de son action, arguant de son incapacité à gérer la crise, d’autres traits d’image témoignent de son aptitude à endosser les habits du Président de la République. Et comme le Président de la République l’escomptait, la comparaison avec François Hollande joue en sa faveur. Sa crédibilité  sur la scène internationale (55% contre 39% pour François Hollande), son caractère combatif, reconnu par 63% de nos compatriotes contre 44 % pour François Hollande, son charisme enfin, cité par 43% des Français, démontrent  que la crise du résultat ne se double pas d’une crise de la légitimité présidentielle.  Selon un autre sondage IFOP, Nicolas Sarkozy s’impose aussi par sa capacité à «  avoir l’étoffe d’un Président de la République ». Le Président dispose de 40%  sur cet item alors  que François Hollande voit son image se détériorer, passant de 27% à 22%. 

 Un Président dénué d’empathie ?

En revanche, sur la dimension éthique, le constat dressé plus haut est sévère. Il oblige le Président à un moment de vérité. Cette opération de sincérité est nécessaire pour reconquérir les classes populaires, sans illusions  sur la capacité des candidats à gérer la crise,  et qui sur-investissent les critères émotionnels  relatifs à la personnalité. Nicolas Sarkozy ne peut esquiver ces questions : Quelles sont les motivations de son engagement ? Roule-t-il pour les Français ou les riches ? Au moment où Nicolas Sarkozy  entend endosser le rôle de président protecteur, il ne saurait ignorer que l’authenticité perçue de sa démarche conditionne la réussite de sa stratégie.

La situation est paradoxale : le Président s’est brûlé les ailes d’avoir trop exhibé sa vie privée. Et pourtant, l’intensité de la cassure  avec les Français ne peut l’exonérer d’une explication franche et sans tabous. Une explication dont la forme importera tout autant que le fond. Elle bannit a priori la télévision, trop épidermique, au profit de l’écrit ou de la radio, médias qui permettent une meilleure appropriation du message, et libèrent un minimum des filtres partisans. Elle bannit également l’acte d’exhibitionnisme. Il ne s’agit pas tant de se livrer, que de se laisser découvrir.  

Un ouvrage éclaire de façon saisissante, et sans le vouloir peut-être, ce qui est en jeu.  Ecrit par Serge Tisseron, l’empathie au cœur du jeu social, n’évoque aucunement le Président.  Pourtant l’essai semble révéler crûment la personnalité d’un Président qui, faute d’empathie, a perdu le fil des relations avec les Français.

Serge Tisseron décrit l’empathie par la double capacité à se mettre à la place les gens, ressentir ce qu’ils éprouvent mais aussi  accepter en retour que les gens sondent votre caractère. Cette tendance inhérente à l’espèce humaine fonde les liens entre individus.

Or, chez le Président sortant, la mise en scène  de la réussite, l’exhibition de la performance, ont créé un écran de fumée, rendant impossible tout processus  d’identification, toute aspérité à même de susciter une quelconque sympathie. En sens inverse,  les visites présidentielles menées au pas de charge mettaient à nu l’incapacité d’un homme à prendre le temps pour se mettre à la place des gens, ressentir leurs souffrances, compatir avec eux.

Insidieusement, c’est le  pacte social qui s’est cassé, c’est le principe même  du dessaisissement de son pouvoir au profit de celui qui nous représente, qui est en cause.  Alors que la crise pouvait  créer une formidable communauté de destin, une expérience de la souffrance partagée  entre un peuple dans la crise et un Président au combat pour les défendre, pointe toujours avec le Président, le soupçon de l’autosatisfaction. « Chez l’homme, explique Serge Tisseron,  le principal obstacle à l’empathie complète réside dans son formidable désir de mainmise sur son environnement, et dans l’angoisse qui en résulte d’être envahi et  manipulé par les émotions d’autrui ».  Comment démontrer que le Président est encore capable de représenter les Français ? Tout un programme.  Celui d’un Président sortant.


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