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De l'éloquence en politique : la langue de François Bayrou

Par Marc Traverson

BayrouFrançois Bayrou, l’ancien bègue, séduit. Je le constate tous les jours. On m’en parle. Des amis, des connaissances. On le dit à la radio. Les sondages le distinguent. Il est à la Une des magazines.

Parce que la parole a pour lui été un combat personnel, Bayrou s’y est investi complètement. Il est habité par la pulsion oratoire. Voir la gourmandise qu’il met dans chacun des mots qu’il prononce, comme s’il ne se lassait pas d’avoir surmonté son handicap, de jouir que l'on soit suspendu à ses lèvres. La cour de récréation se moquait, désormais la foule l'adule. Revanche. Mesurer la jouissance lente qu’il affiche à mâcher précautionneusement des phrases bâties à l’équerre, à construire l’escalier de mots qui doit le mener au lieu de la parole suprême.

C’est un plaisir qu’il ne partagerait pour rien au monde. D’ailleurs il n’a pas de porte-parole - ou si peu. Il a évité d’avoir un parti, ou même une équipe autour de lui. Il est seul, c’est un grand bonheur : ainsi personne ne le contredit. Il est libre de dire ce qui lui chante. De tisser sans contrainte son velours de mots, crooner politique.

Il est cet orateur habile, usant d’une langue simple et classique. En cela, il est (bien plus que François Hollande) proche du tribun Mitterrand. Le Mitterrand de la deuxième période, sans âge, momie dont la langue s’était épurée, patinée, jusqu’à prendre le lustre du vieux marbre.

Le français de Bayrou fleure la IIIe république. La syntaxe est simple, bien posée, elle s’adresse à tous. Si le propos est incrusté d’évidences et de platitudes, le cachet est élégant. C’est une langue made in france, qui fleure bon la terre qui ne ment pas et le paternalisme. Une langue bellement nationale. Une langue modérée, qui rassure et rassemble.

Pour les stratèges chinois, la modération est une arme de combat et la fadeur, une vertu. A la cultiver, on n'injurie jamais l'avenir, et cet écran sans relief est à même d’accueillir toutes les projections. François Bayrou l’a bien compris. N’est-ce pas cela, au fond, sa grande affaire : que chacun - et tous - s’y retrouvent ?


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