En Décembre dernier, le ministre de l’environnement Peter Kent annonçait le retrait du Canada du protocole de Kyoto, suite à la conférence de Durban sur le climat. Cette annonce a provoqué la protestation d’une partie de la population, et en particulier du professeur Daniel Turp. Celui-ci considère cette décision illégale et dépose un avis de demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale du Canada.
- Retrait du Canada du protocole de Kyoto
A l’issue des négociations du sommet de Durban sur le climat, le 12 Décembre dernier, le Canada annonçait son retrait du protocole de Kyoto. Cette décision a été confirmée quelques jours plus tard par les Nations Unies.
Peter Kent, le ministre canadien de l’environnement, déclarait alors à la presse : «Kyoto est chose du passé pour le Canada. À ce titre, nous invoquons notre droit reconnu par la loi de nous retirer officiellement de Kyoto. Cette décision officialise ce que nous avons affirmé depuis 2006, à savoir que nous ne mettrons pas en œuvre le protocole de Kyoto».
En effet, le Canada avait ratifié le protocole de Kyoto en 2002 (soit 5 ans après sa création) sous le gouvernement libéral. Mais les conservateurs, arrivés au pouvoir en 2006, justifient leur décision en arguant que le protocole de Kyoto ne peut pas fonctionner sans y inclure les gros pollueurs comme la Chine ou les Etats-Unis.
- Protestation du Québec et des associations environnementales
Cependant, la population canadienne et notamment les associations de défense de l’environnement ne sont pas de cet avis. En particulier l’AQLPA (Association Québécoise que Lutte contre la Pollution Atmosphérique), qui dénonce cette décision comme étant un moyen pour le gouvernement de gagner du temps et de protéger l’industrie gazière et minière. Elle pense notamment aux gisements de sables bitumineux, dont l’extraction ferait considérablement augmenter les émissions de CO2 du Canada.
Le Quebec, qui est l’une des seules provinces à avoir soutenu le protocole de Kyoto à ses débuts, est le fer de lance du mouvement de protestation. En effet, la population québécoise est particulièrement sensible aux sujets environnementaux. A titre d’exemple, en 2004, la population s’était fortement mobilisée contre la construction d’une grosse centrale thermique, ce qui avait entraîné l‘abandon du projet.
De plus, le gouvernement québécois a jugé inacceptable le retrait du Canada du protocole de Kyoto.
Daniel Turp, ancien député québécois et professeur de Droit à l’université de Montréal, a invité les québécois à signer symboliquement le protocole de Kyoto via son site internet ou sa page Facebook. Selon lui : «Le retrait du Canada du protocole de Kyoto engendrerait des coûts économiques et sociaux beaucoup plus élevés que ceux liés à son adhésion». Son protocole de Kyoto symbolique aurait déjà récolté près de 4 000 signatures.
- Dépôt d’un avis de demande de contrôle judiciaire
Le professeur Turp, soutenu par Julius Grey (avocat spécialisé dans les questions constitutionnelles), des étudiants de l’université de Montréal et plusieurs associations environnementales, a créé une « équipe Kyoto ». Il a déposé le 13 Janvier dernier un avis de demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale du Canada.
Un avis de demande de contrôle judiciaire est une procédure de Droit visant à déclarer illégale la décision du Canada de se retirer du protocole de Kyoto.
En effet, selon Daniel Turp, le gouvernement se serait substitué au Parlement en se retirant du protocole, puisque la décision a été prise en violation de la Loi adoptée en 2007 à la Chambre des Communes sur la mise en œuvre du Traité. Il n’aurait ainsi pas respecté le principe de la primauté du Droit, le principe de séparation des pouvoirs et le principe de démocratie. En effet, le gouvernement aurait du se tourner vers le parlement pour, dans un premier temps, proposer une loi abolissant la Loi de 2007.
L’issue de la procédure est incertaine, et comme le précise Sophie Lavallée (professeur de Droit International de l’Environnement) : «La Cour ne peut pas annuler la dénonciation d’un traité, car cette question de politique étrangère relève exclusivement, au Canada, du pouvoir exécutif. Il n’est donc pas possible que les tribunaux canadiens puissent empêcher le gouvernement de dénoncer un traité. Même s’il existe (…) une loi de mise en œuvre du protocole de Kyoto, le législateur pourra l’abroger, ce qui ne sera pas bien difficile à obtenir avec un gouvernement majoritaire à Ottawa».
Si le retrait du Canada était jugé invalide, il serait alors lié juridiquement au protocole jusqu’au 31 décembre 2012 et devrait alors imposer des quotas d’émissions drastiques aux grandes entreprises pétrolières ou productrices d’électricité.
- Avis Sequovia
Le retrait du Canada du protocole de Kyoto avant la fin de la première période d’engagement n’est pas sans lien avec les enjeux économiques liés à l’exploitation des sables bitumineux, une activité particulièrement émettrice de CO2. Cette décision, vivement critiquée, n’est pas une bonne nouvelle pour l’avenir du protocole de Kyoto, qui est ce qui se rapproche le plus d’un consensus mondial sur le climat. Les enjeux liés aux changements climatiques sont pourtant cruciaux et devraient être traités de manière prioritaire, puisque, rappelons-le, l’objectif fixé de stabilisation de l’augmentation de la température mondiale à 2°C sera déjà très difficile à atteindre selon les experts.
L’initiative de Daniel Turp est donc à saluer, puisque même si sa requête n’est pas assurée d’aboutir, elle a au moins le mérite de relancer le débat. De plus, l’objectif de la démarche du professeur Turp est aussi de mobiliser les citoyens du Canada et du monde autour de la question du changement climatique et de la nécessité de s’engager dans des mesures concrètes de réduction des émissions de gaz à effet de serre.