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Banderille n°380 : Bayrou, au nom de tous les leurres

Publié le 21 janvier 2012 par Toreador

Acte IV : le troisième homme (« la mariée était en jaune »)

Toute présidentielle se bâtit sur une scénographie et, comme en France on aime les pièces classiques, on préfère parmi les journalistes qu’il y ait 5 actes. Le feuilleton haletant permette de mobiliser l’électeur, malgré le fait que les réélections de président en place soient toujours des fours au niveau enjeu (2002, 1988, …).

L’acte I, ce fut « DSK super-star » (pendant ce temps-là, moi je vous disais que ce serait Hollande et que Bayrou flinguerait Borloo). L’acte II, s’appela « DSK : la chute » (je n’y reviendrai pas…), l’acte III, « le formidable Monsieur Hollande » (et j’ai alors pris alors le pari que ce sera Sarkozy qui gagnera, en pointant le problème de niveau de l’ancien Premier secrétaire et le fait qu’il se balladuriserait), voici venir l’acte IV : le troisième homme qui va tout chambouler. 

Ah, le troisième homme ! Pour moi, c’est quasiment une réminiscence freudienne dans l’imaginaire Français, un doigt d’honneur inconscient au modèle occidental monogame. Au moment où la France prend un époux (ou une épouse),surgit le mythe de l’amant, plus beau, plus fougueux, qui va cocufier le mari légitime. Le troisième homme, c’est la promesse de la liberté. Le Modem aurait dû choisir le jaune, pas l’orange.

Seul problème, tout ceci ressemble furieusement au scénario de 2007 : une primaire d’où émerge un candidat censé incarner l’alternative ; des gaffes en série ; le gentil monsieur baillerou sur son tracteur. Comme exactement il y a 5 ans, je renouvelle mon opinion très sceptique sur le candidat du Modem : pas étonnant qu’il équilibre Le Pen puisqu’il fédère les mécontents, même s’il a mis un peu d’eau dans son vin, car il se pose en candidat anti-système. Montebourg a fait de même : les troisième homme, hélas, sont souvent réduits après les échéances cruciales à jouer les seconds-couteaux.

Bayrou et Le Pen, c’est le couple improbable : le premier est un homme de second tour, la seconde de premier tour. La disparition de l’une assurerait le succès de l’autre. Ils ne sont d’accord sur rien, et leurs électorats sont fongibles car la forme de discours est identique. C’est sans doute le coté « barrésien » de Bayrou qui joue en sa faveur.

Du général Boulanger à Mitt Romney

Sous ses allures patelines de notaire de province transcendé en homme qui fait trembler le pouvoir, Bayrou est un très gros ambitieux légèrement égocentrique qui a pour seul bilan une réforme ratée.

François Bayrou, rappelons le, s’est ainsi fait remarquer pour avoir mis 1 million de gens dans la rue en tentant de démanteler la loi Falloux, puis s’être fait invalider par le Conseil Constitutionnel.

Malgré un flair politique exceptionnel (il est balladurien en 1995), il est repêché à l’élection de Chirac et, échaudé par son unique tentative de mettre en accord ses idées catholiques et sa profession de foi politique, se contente de gérer le mammouth en écoutant avec prudence les syndicats. Quel réformateur ! 

Il est même allé plus loin, lui le « chrétien qui a vu la Vierge » : il est le premier à avoir protesté contre le venue du pape en France ! Bayrou me fait penser à Mitt Romney, qui met ses convictions religieuses en avant, mais qui visiblement a à peu près changé d’avis sur tout depuis 10 ans.

Il faut relire les articles de Picador qui s’était particulièrement échiné il y a 5 ans à dresser le portrait du fameux centriste. 

Au nom de tous les siens… ou pas

Et Bayrou n’est pas seulement un grand réformateur : c’est un beau stratège, un unificateur. Il hérite en 1997 de l’UDF, seconde force politique de la Droite, et arrive à la démanteler en moins de 2 ans, provoquant le départ des Madelinistes à propos du FN (ce qui ne l’empêche pas aujourd’hui de copier l’argumentaire « Etat UMPS » des Le Pen). Parvenant à renaître de ses cendres en 2007 avec quasiment 19% des suffrages, il est lâché par la plupart des centristes emmenés par Morin, et crée le Modem qui implose au cours du quinquennat de Sarkozy, avec le départ de quasiment toutes les figures de proue : Cavada, Jean Arthuis (« on ne dirige pas un parti comme une secte »), pour finir par faire 4% en 2010 aux régionales.

Bayrou, c’est l’inverse d’Hollande :François H. c’est « mariage frères » – un fin marieur des courants contraires au point de ne jamais rien décider tandis que François B. est un solitaire qui n’a jamais réussi à garder les profils hétérogènes agglomérés autour de sa personne. Comment un tel profil peut-il espérer réunir des gens qui ne pensent pas comme lui dans une « Union nationale », cela relève de la méthode Coué. Gouverner avec la droite et la gauche lorsqu’on fait campagne sur le rejet simultané des deux, cela me laisse songeur.

La chance de Bayrou, c’est qu’il peut gagner ( En janvier 1995, Chirac était à 14%, ce qui prouve que Bayrou est sans doute l’alternative la plus crédible aux 2 autres) mais son problème c’est qu’il ne peut pas gouverner : ce sera le retour de la IVème République. Qu’une fausse-valeur comme lui puisse être montée en chantilly par les médias, c’est à mon avis la preuve que le système est un canard sans tête perdu dans le labyrinthe de la crise nationale. 

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