L'Olympia de Manet
Des pas résonnent dans l'escalier. Je suppose que ce sont des enfants qui les dévalent. C'est comme les chapeaux que Descartes
voyait de sa fenêtre. Il y supposait des hommes marchant. Des chapeaux, ou les jambes des femmes par le soupirail dans un film de Truffaut. Vie émiettée. Je regarde en arrière (j'ai progressé,
voyez, avant, j'aurais écrit « on regarde en arrière ») et c'est vertigineux soudain. J'ai mille ans. Je viens de trouver cette citation dans l'élégant livre de Sollers sur Manet :
« L'éclaircie » (Gallimard ).
« Sous prétexte que vous n'avez jamais vu de vos yeux quelqu'un qui aurait vécu mille ans, vous prétendez que de tels
individus n'existent pas. Mais permettez-moi de vous demander, si jamais vous en rencontriez un, à quoi le reconnaîtriez-vous ? Il ne diffère en rien des individus
ordinaires »
Hsi K'ang, Chinois du 3ème siècle.
Sollers est d'une légèreté de plume inimitable qui nous réveille des épais romans américains. Certes, il a ses partis pris des
choses, et qui peuvent irriter, comme son mépris de l'art contemporain. Il enlumine Manet de ses portraits de femmes. "Mais qu'est-ce qu'une belle jeune femme, s'il n'y a pas un Manet ou un
Picasso pour la voir ?"