Le roman commence par le cri de la mère du narrateur, apprenant la mort de son fils aîné Vincent. Cette mort qui ouvre le roman planera sur toute la vie de Paul Blick, comme une absence et presque comme un reproche. Les chapitres qui se succèdent racontent cette « vie française » de manière très factuelle, sans grands effets et dans toute sa banalité : morosité du cocon familial, études, mariage, mésentente et éloignement entre conjoints, naissance des enfants, deuils et petites joies, travail et chômage, parsèment l’existence du personnage central. Ses repères ? la vie politique et sociale de cette époque. Ainsi est construit ce livre.
L’actualité politique nationale et internationale – et en particulier les présidents de la République – s’insèrent régulièrement dans la vie de Paul Blick : parfois de très loin (le narrateur ne sait plus ce qu’il faisait le jour de Kennedy), parfois de très près (François Mitterrand – idole absolu de sa mère – l’appelle pour demander au narrateur de faire son portrait), parfois de manière terriblement intime (comme quand le Général de Gaulle semble habiter le téléviseur familial dans les années qui suivent la mort de Vincent).
Je me suis laissée emporter très facilement au début par ce livre car malgré la présence en pointillés de la situation politique de la France d’avant 68, le narrateur se limite à nous raconter de façon très poétique et nostalgique son enfance, son adolescence, ses racines. Et puis, la lecture devient plus pénible car d’une histoire personnelle, nous nous rapprochons de plus en plus d’une étude politique de la Cinquième République et personnellement, ce n’est pas ce que je recherche lorsque je lis un roman. Je veux « tout simplement » me divertir. De plus, il y a beaucoup de partis pris sans, qui plus est, de justificatifs et de commentaires nous permettant de comprendre les engagements du personnage. Cela a comme conséquence de transformer Paul Blick en personnage dénué de toute humanité, à la limite du supportable. Et puis, vers la fin du roman, l’intérêt revient lorsque l’auteur décide à nouveau de se recentrer sur les protagonistes de l’histoire.
Avis mitigé, donc…
Petit-fils de berger pyrénéen, fils d’une correctrice de presse et d’un concessionnaire Simca à Toulouse, Paul Blick est d’abord un enfant de la Ve République.L’histoire de sa vie se confond avec celle d’une France qui crut à de Gaulle après 58 et à Pompidou après 68, s’offrit à Giscard avant de porter Mitterrand au pouvoir, pour se jeter finalement dans les bras de Chirac. Et Paul, dans tout ça ? Après avoir découvert, comme il se doit, les joies de la différence dans le lit d’une petite Anglaise, il fait de vagues études, devient journaliste sportif et épouse Anna, la fille de son patron. Brillante chef d’entreprise, adepte d’Adam Smith et de la croissance à deux chiffres, celle-ci lui abandonne le terrain domestique. Devenu papa poule, Paul n’en mène pas moins une vie érotique aussi intense que secrète et se passionne pour les arbres, qu’il sait photographier comme personne. Une vraie série noire – krach boursier, faillite, accident mortel, folie – se chargera d’apporter à cette comédie française un dénouement digne d’une tragédie antique. Jardinier mélancolique, Paul Blick prend discrètement congé, entre son petit-fils bien-aimé et sa fille schizophrène. Si l’on retrouve ici la plupart des » fondamentaux » de Jean-Paul Dubois – dentistes sadiques, femmes dominatrices, mésalliances et trahisons conjugales, sans parler des indispensables tondeuses à gazon -, on y découvre une construction romanesque dont l’ampleur tranche avec le laconisme de ses autres livres. Cet admirateur de Philip Roth et de John Updike est de retour avec ce roman dont le souffle n’a rien à envier aux grandes sagas familiales, dans une traversée du siècle menée au pas de charge.
« Une Vie française » de Jean-Claude Dubois – Ed. Points – 11 euros.
Prochaine lecture : « Voyage au bout de la nuit » de Louis-Ferdinand Céline.