La page d’accueil de Yahoo affiche dans sa partie centrale une photo surmontant quatre vignettes. On peut faire défiler dans ce bandeau inférieur trente-deux de ces vignettes, chacune portant un titre et étant consacrée à un point d’actualité. Lorsque j’ai consulté cette page dimanche 22 janvier, la photo centrale, reprenant la vignette portant le numéro un, annonçait le suicide de l’épouse de l’un de nos ministres. Quelques heures plus tard, la même vignette avait été rétrogradée en vingt-septième position et je n’ai pas entendu la reprise de cette information dans les bulletins des chaînes de radio ou de télévision.
Le chef de cabinet du ministre frappé par ce drame a transmis à l’AFP la déclaration suivante :" [Le ministre] confirme le drame personnel qui est survenu ce matin. Il demande le respect de sa vie privée pour ses enfants, sa famille, pour lui". Si cette information est apparue ensuite sur les sites de différents médias, la discrétion demandée restait observée le lundi midi et l’on ne peut que s’en féliciter. Ce qui me conduit à publier ce billet, c’est que l’on aimerait qu’il en aille de même lorsque les victimes de drames de ce style sont de simples particuliers.
Lorsque j’étais enfant, on pouvait voir dans les devantures des magasins de journaux la couverture d’un magazine à sensation intitulé Détective lequel, si je ne me trompe, se porte toujours bien. Semaine après semaine, des titres mentionnant des meurtres abominables et glauques à souhait étaient ainsi exposés aux yeux des passants. Ce magazine a depuis quelques années des concurrents de poids, ce sont les journaux d’information de nos chaînes de télévision.
Dans le même ordre d’idées, la presse écrite mentionnait naguère en pages intérieures les faits divers, tels les accidents, hold-up, sévices, viols, meurtres ou assassinats, dans une rubrique baptisée familièrement « chiens écrasés ». Désormais, ce sont ces nouvelles qui font la une de nos médias, en particulier de la télévision, tandis que tout ce qui a trait à la politique, à la vie de la nation ou aux événements de la planète se trouve relégué au-delà de la première moitié du journal. Il est en effet très important d’instiller chez nos concitoyens l’idée qu’ils sont menacés par des récidivistes en puissance et des hordes d’émigrés, pour curieusement tenter de les inciter à renouveler leur confiance à ceux qui se sont révélés incapables d’améliorer leur sécurité.
Si encore ces faits étaient traités avec un minimum de retenue. Mais non, il convient de donner au public ce qu’il attend, des détails bien sanglants. On se rue vers les familles des victimes, on les assaille de questions ridicules, on fait des gros plans sur leurs visages et quand on arrive à saisir un sanglot étouffé ou capter une larme roulant sur une joue, c’est l’extase. Où sont alors le respect de l’intimité, la décence devant le deuil, la compassion face au chagrin ?
On ne peut que louer l’attitude des médias devant le drame de ce dimanche. Mais par quel miracle a-t-il été possible de maintenir cette discrétion ? Et comment se fait-il que l’on ne respecte pas de la même manière le deuil des humbles ?
Selon que vous serez, puissant ou misérable …