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Les voeux de Marc Bouteiller

Publié le 23 janvier 2012 par Vivreenislande @vivreenislande
Les voeux de Marc Bouteiller Marc Bouteiller est diplomate de son état. Depuis octobre dernier, il est Ambassadeur de France en Islande. Certains verront cette nomination comme un désagrément qui confine à la sanction. Reykjavik ne sera jamais Washington. Ils se méprennent. Marc Bouteiller avaient d'autres choix tout aussi plaisants auxquels il aurait pu aisément céder. L'Ambassade de France à Dakka, au Bengladesh, faisait ainsi partie des options envisagées. Dakka ! Ses rafraîchissantes inondations, ses cyclones pittoresques, ses fonctionnaires sympathiques et aussi conciliants que des péages d'autoroute, ses taquines agressions de touristes, sa proximité avec la France (à peine une petite quinzaine d'heures de vol)... Marc ne fut pas insensible aux charmes de cet éden surpeuplé.

Et que dire de Bakou, capitale de l'Azerbaïdjan, qui lui fut aussi proposée ? L'eau n'y est pas potable ? Qu'importe : le pays propose une gamme largement suffisante d'eaux minérales en bouteilles. Certes, la fiabilité des contrôles sanitaires effectués sur la viande et les produits frais peut, il est vrai, parfois, laisser à désirer. Mais on a beaucoup exagéré la gravité des cas de gastro-entérites enregistrés. Et peut-on vraiment se fier au quotidien The Guardian qui attribuait à Bakou, en 2007, une seconde place au classement des villes les plus ennuyeuses au monde ? Sont tellement facétieux ces British.

Restaient Brunei et la Guinée équatoriale. Je passe sur la seconde, monarchie héréditaire sans grand intérêt déguisée en république et dirigée depuis plus de quarante ans par un membre de la famille Ngema. Après l'oncle et le neveu, le fiston attend son heure. Les opposants ? En prison exil voyage. Enfin, Brunei, monarchie islamique détenue par un chef religieux ayant tous les pouvoirs, pouvait légitimement rivaliser avec ses concurrents. D'ailleurs, le sultanat cherche activement à promouvoir les nombreuses et plaisantes activités touristiques qui s'offrent aux visiteurs sur toute la surface de cet Etat 100 fois moins vaste que la France. Phallocrates et misogynes du monde entier sont chaleureusement conviés à visiter Brunei. Ils devraient pleinement s'épanouir dans un pays qui pense à informer ses hôtes que "certaines personnes ne serrent pas la main des membres du sexe opposé". L'avertissement préventif, quoique ambigu, a le mérite de la clarté. Face à semblables attraits, les tergiversations de Monsieur l'Ambassadeur durent être cornéliennes. Contre tout attente, c'est toutefois l'Islande qui fut préféré à ces paradis méconnus. Une minute de silence s'impose. (...) Retour à l'Ambassade de France en Islande. Marc Bouteiller m'accueille dans son bureau. Avant d'entamer notre séance de voeux, nous papotons quelques minutes. Figé dans un cadre fixé au mur, Nicolas Sarkozy nous observe devant une bibliothèque. Tout en regardant furtivement l'Homme d'Etat, je me demande ce que deviennent les photos des anciens Présidents. Mais la question me semble saugrenue, alors je ne la pose pas. Marc manifeste d'abord une curiosité bienveillante à mon égard, avant de répondre à mes questions le concernant. Puis nous échangeons quelques propos sur l'Islande, sur ses prérogatives au sein de l'Ambassade... L'homme est chaleureux. Presque jovial. N'était ce statut diplomatique qui semble annihiler tout espoir d'exubérance même maîtrisée et qu'il porte avec l'aisance d'un Maréchal de France engoncé dans un tutu rose, je gage qu'il y aurait matière à rigolade avec cet ancien Chef de Mission économique en Algérie. Il y a du Cesar dans Marc Bouteiller. Pas Jules, l'autre, celui de Marcel. Le malicieux. Le fort en gueule. Le bon vivant. Les voeux filmés de Cesar, pourtant, seront sans excès. Et je taquine la litote. Le discours demeurera convenu. De mon point de vue. Bien que nous nous y reprenions à deux fois pour agrémenter la chose, il me semble que l'homme hésite, réfléchit. Qu'il craint le débordement impromptu, redoute le lapsus subversif. Pour un peu, il me fendrait le coeur Monsieur l'Ambassadeur, à force de tâtonner ainsi.

Je veux malgré tout conclure en insistant sur le fait que Marc Bouteiller m'a donné entière liberté pour publier ce billeten l'état. Preuve qu'une mission diplomatique sujette à déclarations hésitantes n'est pas incompatible avec une inclination pour l'auto-dérision. Il fallait rendre à Cesar...

A venir : Sigridur Thorlacius

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