Les députés français n’en étaient pas à leur coup d’essai. Quelques années plus tôt, ils avaient décidé que la Turquie était bien coupable du génocide Arménien (…) La puissance publique n’a pas le droit de décider où réside la vérité, disait Condorcet.Les Lumières distinguent en effet le bien du vrai. Le rôle du politique est de dire le premier, celui de la science le second. Aucun ne peut contraindre l’autre.
Quand le parlement décrète qu’il y a eu génocide n’agit-il pas comme l’Église condamnant Galilée ? De simples êtres humains s’arrogent le droit de définir une fois pour toute ce qui est vrai, et de mettre un terme à la marche de la science ? Le sujet est beaucoup plus grave qu’il n’y paraît. C’est la liberté de l’homme qui est en jeu. Comment justifier, en effet, qu’un homme puisse être empêché de poursuivre le vrai ? Si l'Etat décide du vrai, et condamne les contrevenants, c'est la dictature !
Certes. Mais les Lumières, comme l’explique T.Todorov, ont aussi dénoncé le scientisme : la science comme valeur absolue. Peut-on laisser une science folle faire n’importe quoi ? D’ailleurs, les Lumières n’étaient-elles pas un moralisme ? Ce qu’elles mettent au dessus de tout, y compris probablement de la science, c’est la « volonté générale », celle du peuple.
Qu’est-ce que cela donne dans notre cas ? Que pense la volonté générale du génocide arménien ? Probablement pas grand-chose.
Et si ce que révélait ce débat était une faille de notre 5ème République ? L’exécutif peut y faire ce qu’il veut, sans consulter grand monde. Et si la première victime en était M.Sarkozy ? Et si un président impulsif avait besoin de contre-pouvoirs pour le forcer à donner le meilleur de lui-même ?