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Japon : la cure atomique

Publié le 25 janvier 2012 par Minamoto

Voici un article du site liberation.fr qu'un de mes élèves m'a envoyé. Si quelq'un, qui habite au Japon, tombe sur cet article pourrait-il confirmer ces infos ? Ca serais alors encore plus intéressant.

L'article date du mercredi 18/01/2012.

Japon : la cure atomique

Dix mois après Fukushima, la quasi-totalité des réacteurs nippons sont à l’arrêt. Tandis que les importations de gaz grimpent, les Japonais réduisent leur consommation d’électricité. En rêvant d’une sortie du nucléaire.

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Des membres de TEPCO et des journalistes passent devant des protections-barricades près de Fukushima, en novembre. (REUTERS)

Les best-sellers de l’hiver, cette année au Japon, sont les sous-vêtements Heattech vendus par Uniqlo. Le géant nippon des fringues bon marché fait un tabac avec sa version 2012 de caleçons et maillots de corps moulants, désodorisants, «chauffant la peau en douceur», vante un porte-parole de Fast Retailing, maison mère d’Uniqlo. «Une première high-tech, conçue par des ingénieurs et non des stylistes. Nos Heattech créent une isolation thermique en convertissant la vapeur générée par le corps en chaleur, laquelle réussit à être conservée entre des microfibres.»

Et ça marche. Non pas que les températures soient plus basses en ce début d’année qu’en janvier 2011, mais les Japonais ont reçu pour consigne, depuis dix mois, d’économiser le courant coûte que coûte. Chacun imagine donc toutes sortes de parades pour ne pas avoir froid. Le sous-vêtement technique en fait partie. Il est, dans toutes les chaumières, le pilier de la panoplie thermique de l’ère post-Fukushima.

C’est que, depuis le tremblement de terre et le tsunami du 11 mars 2011, le pays doit affronter une ère de grande mutation énergétique, le nucléaire étant quasi en berne. A la veille du séisme, 54 réacteurs en activité dans 18 centrales assuraient environ 30% de la fourniture électrique. Depuis, le gouvernement ferme un nombre croissant de centrales, pour des raisons, officiellement, de maintenance, et souvent sous la pression des populations qui redoutent une nouvelle catastrophe. Peu après Fukushima, 44 réacteurs ont été stoppés. Aujourd’hui, le chiffre a grimpé à 49. Avec seulement cinq réacteurs, la production est tombée à quelques pour cent de la fourniture d’électricité du pays, ce qui a imposé quelques restrictions, surtout les premiers mois, le temps que d’autres énergies prennent le relais.

Dès le début de l’été, de grandes affiches apposées dans les gares, les aéroports, les centres commerciaux et les mairies ont incité les Japonais à «économiser l’énergie». Le gouvernement a alors fixé les objectifs, plus ou moins drastiques selon les régions : à compter du 1er juillet, les Japonais de Kanto (la région de Tokyo) et du Nord-Ouest, entreprises comme particuliers, ont eu pour consigne d’abaisser leurs dépenses d’électricité de 15% à 25%. Même Osaka et Kyoto, à près de 500 kilomètres au sud, ont dû participer à l’effort. Les pics de consommation ont été interdits. Les foyers ont été priés de moins utiliser leurs cuiseurs à riz, lave-vaisselle et autres appareils électriques.

Ascenseurs, escalators et tapis roulants arrêtés

Résultat, au terme d’un effort populaire considérable et discipliné consenti par les entreprises comme par les particuliers : en juillet et août, le pays a réussi à réduire de 20% sa consommation électrique. Alors que la canicule cognait et que le tsuyu, l’humidité, collait à la peau, des millions de Japonais, patients et résilients dans l’âme, se sont passés de leurs climatiseurs, même quand ils étouffaient. A Tokyo, ascenseurs, escalators et tapis roulants ont été mis à l’arrêt. Lumières et néons inutiles ont été éteints. Les distributeurs de boissons, que le gouverneur de Tokyo a accusés de «consommer la production de plusieurs réacteurs nucléaires», ont cessé d’être éclairé, et n’ont plus refroidi les boissons que par intermittence. Côté entreprises, des centaines de milliers d’employés et d’ouvriers ont été priés de goûter aux vacances forcées. Les usines des constructeurs automobiles ont mis en place des rotations dans la production : fermeture des chaînes les jeudis et vendredis, réouverture le week-end. Les heures supplémentaires ont été proscrites.

Depuis la fin octobre, les restrictions imposées ont été levées, les escalators et les ascenseurs fonctionnent, la vie semble normale, sauf que les Japonais ont pris le pli des économies d’énergie.

«A la maison, on fait attention à tout. On évite les lumières inutiles. On débranche ce qui ne sert pas. On se passe d’air conditionné. On dépend moins des appareils électroniques et électroménagers. On vit plus simplement, et c’est presque mieux !» témoigne Tsubura Yoshida, une artiste vivant à Hokkaido. Bilan de ces nouveaux usages, un Japonais brûle moitié moins d’énergie qu’un Américain. Les niveaux de consommation actuelle égalent ceux du Japon de 1973, à l’heure du premier choc pétrolier. Et selon une étude du gouvernement, la consommation d’énergie n’augmentera pas de plus de 0,7% d’ici à 2018.

Une demande en gaz exponentielle

«Le Japon n’a pas le choix, tonne le professeur Yoshihisa Murasawa, expert en questions énergétiques à l’université de Tokyo. Depuis Fukushima,notre pays est engagé dans une cure d’économies d’énergie sans précédent. Tous les moyens sont bons, à condition qu’ils n’aggravent pas la facture carbone. C’est la garantie et c’est le prix à payer pour que notre appareil industriel et nos entreprises, déjà pénalisés à l’export par le yen fort, continuent de produire et d’employer.»Le professeur reste zen. «Le Japon peut surmonter l’épreuve, même si elle est lourde à gérer. Le pays en a la volonté et surtout les moyens», conclut-il tandis que trois hommes en bleu de travail apposent des films isolants transparents sur les fenêtres d’un bureau voisin. «Ces films peu onéreux permettent une économie d’énergie de 5% à 10% dans la pièce, explique-t-il. Ce type de mesures se généralise dans les entreprises, dans la fonction publique. Ces petits pas vont aider à faire la différence !» Des petits pas d’autant plus aisés à accomplir que Fukushima a traumatisé les Japonais.

Le Japon peut-il se passer de l’atome alors que son autosuffisance énergétique atteint à peine 16% ? Si les sondages sont contradictoires, il semblerait qu’une majorité se dessine en faveur d’une sortie progressive du nucléaire, à condition qu’elle ne menace pas les intérêts vitaux de la nation. «Le gouvernement ne peut imposer le redémarrage des centrales stoppées. Mais certains réacteurs seront remis en route un jour ou l’autre et le village nucléaire japonais a encore de beaux jours devant lui, estime Christophe Bosquillon, un ingénieur français établi à Tokyo et président de Dai Nippon Kali Kaisha Ltd (DNK), une société de conseil en sécurité énergétique sur l’Asie. En attendant, les énergies gagnantes ne sont pas les ressources renouvelables, mais le gaz. La demande en GNL [gaz naturel liquéfié, ndlr], qui arrive au Japon par bateau, est exponentielle. Le lobby japonais du gaz exulte. Tepco, l’opérateur de la centrale de Fukushima, et d’autres producteurs rééquipent des installations gazières. C’est ainsi que le Japon tient.» Les centrales hydroélectriques n’assurent guère que 8% de la demande. Ce sont donc les centrales thermiques, qui couvraient environ 60% des besoins avant Fukushima, qui montent en puissance, contraignant le pays à importer en masse des ressources fossiles : charbon, fioul, et surtout gaz liquéfié.

«Un nouvel avenir énergétique»

Toutefois, une donne nouvelle, plus écologique, se dessinerait. Les centrales éoliennes, solaires ou géothermiques représentent à peine 2% de la production électrique. Maison parle désormais ici de «consommation in-out autogérée», de «relais avec de nouvelles sources indépendantes». «Le Japon est en train de mettre en place un nouveau modèle énergétique. Il deviendra un exemple»,assure le Premier ministre, Yoshihiko Noda. «Tokyo va dynamiser le renouvelable, tout en réduisant drastiquement sa part du nucléaire et ses importations de matières fossiles, estime Christophe Bosquillon.Le lobby nucléaire japonais va résister, car ses enjeux industriels et financiers restent énormes. Mais à terme, ajoute-t-il, les nouveaux bouquets énergétiques menaceront les grands monopoles.»

La tendance se dessine déjà. Les constructions de quatorze réacteurs nucléaires qui étaient prévues avant le «grand tremblement de terre du Tohoku» du 11 mars, sont pour l’heure stoppées, voire annulées. «Notre pays voulait porter de 30% à 50% la part du nucléaire dans son mix énergétique d’ici à 2030, rappelle le professeur Murasawa. Non seulement c’est impossible mais nous préparons déjà un nouvel avenir énergétique.» A Tokyo, l’Institut pour les énergies renouvelables estime que «la part des énergies alternatives pourrait représenter 30% de la production électrique nationale d’ici à 2030.» Pour beaucoup, l’objectif des 100% d’ici à 2050 n’est plus un rêve fou.

Source: http://www.liberation.fr/monde/01012384013-japon-la-cure-atomique


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