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De quoi le signe du changement est-il le nom ?

Publié le 25 janvier 2012 par Variae

C’est l’histoire d’un clin d’œil interne à une campagne électorale, qui prend en l’espace de quelques heures la dimension d’un buzz national. Le fameux signe du changement, premier objet politique depuis bien longtemps (Jacques Chirac et son « mangez des pommes » des Guignols ?) à devenir un gimmick universellement repris, voire un mème multi-support (graphique, vidéo … jusqu’au « monde réel »). C’est ce que l’équipe d’Eva Joly avait tenté de réaliser, me semble-t-il, avec ses lunettes rouges. Mais la campagne de François Hollande a deux atouts majeurs qui font que le buzz a pris, au-delà des intentions de ses initiateurs : premièrement, elle concerne le candidat qui concentre pour le moment les espoirs, et les intentions de vote, des Français qui en ont assez de Nicolas Sarkozy ; deuxièmement, elle s’appuie sur un événement récent – le meeting du Bourget, où a été tournée la vidéo – qui a agit et continue d’agir comme un détonateur d’enthousiasme, et un puissant désinhibiteur pour une gauche qui n’a pas souvent confiance en elle-même.

 

De quoi le signe du changement est-il le nom ?

Le plus intéressant dans ce geste stupidement simple est sa capacité à désarçonner les commentateurs. Dans un premier temps, certains ont tenté – par paresse ou par malveillance – de plaquer dessus l’étiquette « lipdub UMP, le retour », alors que l’un et l’autre n’ont rien à voir. Le lipdub UMP était la réponse à une pratique alors en vogue, consistant à mimer une chorégraphie et un playback sur une musique commune à tous les participants, pour mettre en valeur un groupe bien précis (une entreprise, une grande école, ou en l’occurrence un parti politique). Ici, c’est exactement l’inverse : l’invention d’un signe de reconnaissance, de ralliement, que n’importe qui peut reprendre. Le lipdub est un objet en soi et se limite à lui-même ; la vidéo « le changement c’est maintenant » n’est qu’un véhicule pour un signe de ralliement que chacun peut s’approprier. Le lip dub vous place en position exclusive d’observateur – et donc de ricaneur – quand le « signe du changement » vous place en position potentielle d’acteur. D’où les initiatives de reprise (et pas simplement de détournement), diverses et variées, qui ont vu le jour dès les premières heures, Guy Birenbaum ouvrant le bal.

Que veut dire ce geste ? Mime-t-il le nouveau logo de campagne de François Hollande ? Représente-t-il le signe « égal », et donc l’égalité, valeur centrale du discours du Bourget ? Ou alors consiste-t-il à signifier que Sarkozy, on en a jusque là (lala dirladada) ? D’autres encore y ont vu une référence à une danse de l’été, voire au vogueing (je parie qu’il ne faudra d’ailleurs pas longtemps pour que des danseurs hip hop s’en emparent). Toutes ces explications valent, et cette pluralité explique la réussite de ce signe : c’est une toile blanche sur laquelle chacun projette ce qu’il veut, et mieux encore, avec un pinceau facile d’accès (son propre corps). C’est un signe de reconnaissance, et de liaison, à un moment où l’actualité est particulièrement morose et où le sentiment de solitude, et d’impasse, est écrasant. C’est un moyen de partage simple et chaleureux, face à une droite qui, du haut (ou plutôt du bas) de son bilan catastrophique, ne sait que moquer et détruire. D’un côté, les « minables » et le « massacre à la tronçonneuse » de Jean-François Copé et de la cellule riposte de l’UMP ; de l’autre, ce geste simple, extrêmement participatif et donc viral, qui contamine jusqu’au reste de la gauche. Comme une manifestation concrète du désir de changer d’air, de changer d’ère.

Enfin, puisqu’on parle de viralité, quoi de plus politiquement viral qu’un gimmick non directement politique ? Je l’avais déjà relevé à l’époque du lipdub de l’UMP, et Karim Miské le souligne dans un intéressant papier aujourd’hui : ce genre de gestuelle ou de pratique, n’appartenant pas aux rituels politiciens usés, a toutes les chances de toucher des gens qui, autrement, seraient inatteignables jusqu’au jour du vote. Bien sûr, ce geste ne porte pas directement de message politique (encore que !). Mais quand il se propage, il attire l’attention sur la force politique qui en a été l’émetteur initial, et il finit par créer un mouvement – celui de tous ceux qui le reprennent – qui a sa propre dynamique. Je rêverais, pour ma part, qu’il devienne aussi connu que le « tourner de serviettes » de Patrick Sébastien, jusque dans les banquets de famille. Réponse dans trois mois !

Romain Pigenel


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