De retour d'un périple en Syrie, parcourue grâce à mes hôtes en long, en large et en travers, il est difficile de restituer la richesse, l'altérité aussi, de ce pays aux nombreuses facettes. Mes lecteurs ne me tiendront pas rigueur j'espère de ce que j'aborde les choses sous la forme d'un carnet de voyage, qui commencera par Damas.
Damas, c'est d'abord des sons : celui d'une incessante activité, rythmée mais pas interrompue par l'appel régulier des muezzins à la prière, depuis les minarets qui hérissent la ville.
Activité bourdonnante, morcelée, constellée de bouchons. On trouve dans ces rues qui sont une aventure de chaque instant pour les piétons une impressionnante diversité de véhicules, arrivés là par strates successives, depuis d'improbables vieilles américaines jusqu'aux voitures coréennes en nombre.
Mais la couleur qui domine est le jaune des taxis, comme ci-dessous, devant la citadelle.
C'est aussi l'endroit de Syrie où l'armée est la plus présente, arme au poing mais d'une grande placidité, et où le culte de la personalité s'étale jusque sur les lunettes arrière des véhicules.
Les portraits de la famille al-assad, le père décédé, son fils aîné ausi, qui devait règner après son décès, mais surtout ceux de l'actuel président Bachar, sont omniprésents. Il n'est guère de commerce qui n'en arbore.
L'encadrement de la société par l'armée et son chef, d'un part, la religion d'autre part (qui connaît en Syrie un regain comme dans d'autres pays), est extrêmement fort. Quoiqu'en matière religieuse, plusieurs cohabitent sans problème apparent. Difficile dans ces conditions pour les syriens d'émettre des opinions politiques, difficile même, sans doute de s'en former. Tout passe par les sous-entendus, les références à l'usage de la force, et même l'évocation de la disparition des abeilles, qui touche aussi le Moyen-Orient (et sans miel, les ours se meurent;-) , en ces termes choisis : "même les abeilles veulent quitter ce pays"...
Au coeur de Damas, qui bat au sud-est, se trouve la vielle ville millénaire. Elle est tout sauf un musée : l'activité que nous avons mentionnée y est démultipliée, et sous les allées couvertes - donc ombragées - du souk, dont la voute fut percée par les balles française quand le "pays des droits de l'homme" fit sévir la répression à l'époque du mandat (1920 à 1946), se serrent une multitude de magasins.
Au delà de l'allée centrale, des secteurs du souk sont consacrés à des commerces aux odeurs et couleurs enchanteresses, les épices en tête!
On trouvera ainsi de tout, depuis les ferroniers affairés à marteler des samovars, aux marchands de kebab en passant par cette boutique où l'on peut se procurer de quoi confectionner quelques sortilèges ! Peaux de loups, carapaces de tortues, poudres mystérieuses, la magie peut donner libre cours à son art.
Puis il faut se perdre dans les ruelles étroites de la vieille ville, jusqu'au quartier chrétien, s'égarer dans ces boyaux gris où s'ébattent des chats, et où, au coin d'une rue, on peut entrer dans un ancien caravanserail transformé en café pour y déguster un narguilé.
Au coeur des remparts de la vieille ville, quelques joyaux. Ainsi, la mosquée des omeyyades, ses fresques dorées, sa cour immense, et son bâtiment intérieur qui abrite le tombeau du nommé Jean-Baptiste (un homme qui, selon certaines rumeurs, n'aurait plus eu toute sa tête).
Notre visite tombait durant des pélerinages chiites pour commémorer la mort du Hussein.
Et voilà qu'arpentent les allées du souk, étendard noir en tête, des groupes venus du Pakistan, emmenés par un homme qui leur narre en chantant les déboires d'Ali et Hussein, avec une passion et des intonations qui déclenchent les pleurs de l'auditoire, et évoquent étrangement ceux des chanteurs de flamenco que l'on peut entendre à Cordoue au fond de certaines cours à la saveur d'oranger...
Puis arrivent, en rangs serrés et dans des senteurs d'encens, les femmes voilées de noir encadrées par les hommes qui débouchent face à la mosquée.
Au large de celle-ci, sous l'oeil vigilant de ses imposants minarets, quelques joyaux de l'architecture damascène miroitent sous le soleil, tel le palais azem, ancienne demeure du gouverneur français (et à la voir on peut imaginer qu'il n'avait certainement pas envie de débarasser le plancher... de pierre ouvragée).
Tout ici appelle, comme l'invitation au voyage, à se reposer dans la volupté et le calme, à étudier les mosaïques travaillées avec soin, ou se prélasser avec les félins.
Non loin, on pourra saluer Saladdin, héros mythique de la lutte contre ces barbares venus du nord qu'on appelle ici les "croisés, Saladdin dont le tombeau jouxte la mosquée sans rencontrer le même succès d'affluence que celle-ci.
Et puis, franchie la rivière, d'autre quartiers sont à découvrir, dominés par une grande colline qui permet au voyageur de ne jamais perdre le nord, de se repérer sans encombres et de naviguer vers des eaux parfois plus occidentalisées, ou d'admirer telle ou telle demeure comme celle-ci dans le quartier de Saliyeh en savourant ici un narguilé ("macher des nuages", disait un certain), là un thé, mais toujours l'extrême amabilité des Syriens.
Difficile de s'arracher à cette capitale où se croisent et se mêlent tant de courants, d'effluves, de sons...
Mais l'imaginaire seporte déjà vers le désert qu'on sent si proche, lui qui laisse ses empreintes de sables dans les rues, et dont Damas est aussi une porte palpitante, empreinte d'une sereine agitation et d'une grande dignité.
Carnets de Syrie : toujours un peu plus loin (2)
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 30 juin à 13:48
Bonjour,
c'est un super récit. Pour en savoir plus, je vous invite a lire (http://www.visoterra.com/voyage-merveilles-d-orient-syrie/alep-apamee-le-chateau-de-saladin-lattaq.html "ICI") un petit récit très sympa.
Bonne lecture a tous.
Sébastien