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Conte soufi : Le sentier dans la montagne

Publié le 27 janvier 2012 par Unpeudetao

   Un homme intelligent, entraîné à la réflexion, arriva dans un village. Il souhaitait comparer les différents points de vue qui pourraient s’y trouver représentés : c’était pour lui une sorte d’exercice en même temps qu’une étude.
   Il alla à la maison de thé et demanda à voir l’homme le plus véridique et le plus grand menteur du village. Les villageois présents furent unanimes à reconnaître que le dénommé Kazzab était un fieffé menteur, et que Rastgu était véridique entre tous.
   Notre savant rendit visite à Rastgu, puis à Kazzab. À chacun il posa la même question : « Quel est le meilleur chemin d’ici au village voisin ? »
   Rastgu le Véridique répondit : « Le sentier dans la montagne. »
   Kazzab le Menteur répondit : « Le sentier dans la montagne. »
   Ce qui laissa naturellement le savant fort perplexe.
   Aussi interrogea-t-il d’autres villageois, des villageois ordinaires.
   Les uns dirent : « Il faut y aller par la rivière. » D’autres : « Le mieux est de prendre à travers champs. » D’autres encore : « Le meilleur itinéraire, c’est le sentier dans la montagne. »
   Il prit le sentier dans la montagne.
   Il n’avait pas oublié le but de son voyage, mais à la question de la diversité des opinions s’ajoutait maintenant celle du mensonge et de la vérité…
   Quand il fut arrivé au village voisin, il s’arrêta à la maison de thé, où il raconta ce qui s’était passé. Il conclut son récit par ces mots :
   « À l’évidence, j’ai commis une erreur fondamentale d’un point de vue logique : je n’ai pas questionné les gens qu’il fallait pour connaître les noms du Véridique et du Menteur. Je suis venu ici sans difficulté par le sentier de montagne. »
   Un sage, présent dans la salle, prit la parole :
   « Les logiciens, il faut le reconnaître, sont enclins à l’aveuglement, et doivent demander l’aide d’autrui, mais là n’est pas la question. Voici les faits : l’itinéraire le plus facile est la rivière, aussi le menteur t’a-t-il suggéré de venir par la montagne. Quant à l’homme véridique, il n’était pas seulement véridique, il était observateur. Il avait remarqué que tu voyageais à dos d’âne. Avec un âne, le sentier est un itinéraire relativement facile. Le menteur, lui, était peu observateur : il n’avait pas noté que tu n’avais pas de barque. Sinon, il t’aurait proposé de venir par la rivière. »

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